Nucléaire : coup dur pour EDF après la découverte à Penly d'une « fissure importante »

Par latribune.fr  |   |  922  mots
« On est au-delà de ce qui est acceptable, d'un point de vue sûreté », a assuré à l'AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). (Crédits : BENOIT TESSIER)
La découverte d'une fissure importante sur un réacteur de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime) va entraîner la prolongation d'arrêts d'autres sites, pour des contrôles, mais il ne devrait « pas y avoir d'arrêts massifs », selon un responsable de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Par ailleurs, EDF s'interroge sur l'avenir d'Edison. Une cession minoritaire est évoquée par l'agence Reuters.

Nouveau coup dur pour EDF. Alors que l'électricien français était sur le bon chemin pour résoudre les problèmes de production nucléaire après l'arrêt l'an dernier de 25 des 56 réacteurs français pour des fissures liées à des problèmes de corrosion sous contrainte, la découverte, sur un réacteur 1 de la centrale de Penly en Seine-Maritime, d'une fissure allant « au-delà de ce qui est acceptable, d'un point de vue sûreté », selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), remet en cause la remontada enclenchée par le groupe. Et jette une grande incertitude sur les objectifs de hausse de la production d'électricité fixés en 2023 par la direction, après le plongeon enregistré en 2022, à un niveau jamais observé depuis... 1992.

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« Fissure importante »

Dans une note mise en ligne le 24 février, EDF évoque en effet un « défaut significatif » sur l'une de ces conduites de secours sur le réacteur de Penly 1, mis en service au début des années 1990. Une fissure plus grave que celles détectées jusqu'ici puisqu'elle n'est pas qualifiée de « micro » mais d'« importante », avec une taille encore jamais envisagée qui « s'étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et une profondeur maximale de 23 mm, et  une épaisseur de tuyauterie de 27 mm », selon l'Autorité de sûreté nucléaire.

« On est au-delà de ce qui est acceptable, d'un point de vue sûreté », a assuré à l'AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Autre nouveauté par rapport aux fissures constatées depuis octobre 2021 sur 16 centrales :  cette fissure semble liée à des réparations de soudures non conformes au moment de la construction de la centrale dans les années 1980.

« Il y a eu une approche qui n'est pas acceptable, qui a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation », a expliqué mercredi le président de l'ASN, Bernard Doroszczuk, au Sénat. Par ailleurs, cette fissure est localisée sur une autre zone de tuyauteries qui jusqu'à ce jour n'avait pas été considérée par EDF comme sensible à la corrosion sous contrainte.

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Renforcement des contrôles

« On est sur un point singulier, on n'est pas sur une explication générique. Cela ne veut pas dire que ce défaut ne peut pas apparaître ailleurs », a mis en garde le patron de l'ASN. Le gendarme du nucléaire a de ce fait sommé mardi EDF de « réviser sa stratégie » pour résoudre le problème et a demandé à EDF de contrôler 200 soudures à risque sur l'ensemble de son parc nucléaire. Conséquences : la fissure de Penly va entraîner la prolongation d'arrêts sur d'autres sites, pour des contrôles étendus, mais il ne devrait « pas y avoir d'arrêts massifs », a indiqué à l'AFP Julien Collet, le directeur général adjoint de l'ASN.

« Ce sont des contrôles supplémentaires qui n'étaient pas prévues aujourd'hui dans les plannings. Donc, potentiellement, oui cela peut entraîner des retards au redémarrage si EDF décide effectivement d'étendre ses contrôles sur ses réacteurs.

On voit bien qu'à côté des causes qui avait été identifiées, il y en a d'autres et qu'il faut rester extrêmement prudent sur ce qui peut être à l'origine de la corrosion sous contrainte à EDF. Cela prouve qu'on n'a pas tout compris encore sur ce phénomène. Est-ce que le problème à Penly est singulier ? On ne sait pas le dire, donc il faut aller vérifier », a déclaré Karine Herviou à l'AFP.

Pertes financières énormes pour EDF

Pour rappel, EDF a été forcée depuis fin 2021 d'arrêter nombre de réacteurs pour les contrôler et les réparer: 16 des 56 réacteurs français ont été identifiés comme sensibles à ce phénomène de corrosion. Les travaux sont en cours ou prévus en 2023 pour 10 d'entre eux. Initialement, EDF avait prévu d'inspecter les réacteurs d'abord par ultra-sons (sans avoir à découper les tuyaux) avant d'annoncer en décembre des réparations d'office pour 2023. Cette crise industrielle a contribué à faire chuter la production d'électricité nucléaire en 2022 à son plus bas niveau historique, en pleine crise énergétique, et à creuser les pertes de l'électricien (17,9 milliards d'euros en 2022). La France a toutefois échappé aux coupures de courant grâce aux efforts d'EDF pour reconnecter ses réacteurs en fin d'année 2022.

(Avec AFP)

EDF planche sur l'avenir d'Edison

Selon l'agence Reuters qui cite deux sources proches du dossier, EDF a pris contact avec des banques conseil pour l'aider à examiner les options stratégiques pour sa filiale italienne Edison. Alors qu'une décision sur l'avenir d'Edison est attendue dans le courant de l'année, EDF a entamé des discussions informelles avec des banques qui se bousculent pour jouer un rôle de conseiller, ont déclaré ces sources à Reuters. La vente d'une participation minoritaire aurait gagné du terrain en tant qu'alternative à une vente complète. La valorisation d'Edison pourrait se situer entre 7 et 9 milliards d'euros (7,4 et 9,5 milliards de dollars).

(Avec Reuters)