Pour 2023, « la priorité c'est le redressement d'EDF » a insisté ce matin Luc Rémont, le nouveau PDG du groupe, qui a enregistré pour 2022 une perte nette colossale de près de 18 milliards d'euros, creusant sa dette à un niveau record de 64,5 milliards d'euros, contre 43 milliards en 2021. Des résultats catastrophiques qui ne sont pas les siens puisque Luc Rémont a pris ses nouvelles fonctions fin novembre.
Alors que les grands énergéticiens ont affiché des résultats insolents profitant de l'envolée des prix de l'énergie sur les marchés, EDF, lui, a été fortement pénalisé par la baisse de sa production nucléaire, affectée par un problème industriel majeur de corrosion sous contrainte, et le bouclier tarifaire mis en place par l'Etat, l'ayant conduit à céder 20 térawattheures (TWh) supplémentaires à prix cassé à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Deux phénomènes qui l'ont contraint à acheter des volumes colossaux d'électricité au prix fort sur les marchés.
Renouer avec les bénéfices
Au terme de cette année noire, EDF ne peut que rebondir. « Toute l'action de l'entreprise est destinée à redresser l'Ebidta du groupe », a indiqué à la presse Luc Rémont. Pour l'exercice 2022, cet indicateur financier qui mesure les bénéfices avant intérêts, impôts, amortissement et dépréciation, est passé en territoire négatif à - 5 milliards d'euros. Il s'élevait à 18 milliards en 2021 et a largement pâti de la baisse de la production nucléaire (- 29,1 milliards) et des mesures du gouvernement pour limiter la hausse des tarifs de l'électricité (- 8,2 milliards). L'électricien, dont l'Etat détient désormais plus de 95% du capital, vise ainsi un Ebidta pour 2023 « significativement supérieur à celui de 2021 », a précisé le dirigeant.
Pour ce faire, EDF mise sur une remontée progressive de la production nucléaire. L'électricien, qui compte désormais 43 réacteurs connectés au réseau sur 56, confirme ainsi une fourchette de production comprise entre 300 et 330 térawattheures, contre 279 TWh en 2022. Dans cette optique, le groupe a récemment changé de doctrine pour réparer systématiquement, sans contrôle préalable, les réacteurs les plus susceptibles de développer un problème de corrosion. EDF table aussi sur des prix de marché qui devraient rester significativement élevés au cours des douze prochains mois et sur l'absence de mesure exceptionnelle de régulation dans le cadre de l'Arehnh.
Redressement opérationnel : quatre chantiers en cours
Pour relever la trajectoire financière du groupe, Luc Rémont parie également sur un redressement opérationnel du groupe et a lancé, en ce sens, quatre chantiers. Le premier consiste à optimiser le « temps métal », c'est-à-dire le temps pendant lequel les opérateurs et les ingénieurs sont en contact effectif avec la machine. Le deuxième vise à « industrialiser [la] révolution numérique » du groupe.
Le troisième chantier concerne les compétences et doit permettre de répondre aux besoins considérables dans un contexte de relance nucléaire, la filière devant recruter entre 10 à 15.000 personnes par an d'ici à 2030. Enfin, le dernier chantier est consacré à la performance opérationnelle et à son pilotage « afin de générer le meilleur niveau de cashflow pour assurer la soutenabilité financière du groupe », a précisé le patron d'EDF. « Ces quatre chantiers vont jalonner notre année avec l'objectif d'avoir des résultats dès 2023 », a-t-il ajouté.
L'enjeu est de taille. EDF souhaite absolument améliorer ses ratios d'endettement en 2023 afin de conserver sa note de crédit, aujourd'hui stabilisée à BBB par Standard & Poor's. Une bonne note permettant à une entreprise d'emprunter à des taux d'intérêt plus faibles sur les marchés. L'électricien entend maîtriser sa dette en 2023, puis la réduire pour « libérer des marges afin de financer des investissements futurs », a fait valoir Luc Rémont.
Maîtriser et réduire la dette pour les investissements futurs
Si aujourd'hui l'électricien semble écarter le recours à l'emprunt sur les marchés pour financer ses trois nouvelles paires d'EPR 2, dont le coût total est estimé à plus de 51 milliards d'euros, il devra, en revanche, passer par l'endettement privé pour financer ses investissements dans les énergies renouvelables.
Dans ce domaine, le groupe accumule du retard par rapport à ses grands concurrents européens comme l'italien Enel et l'espagnol Iberdrola. Mais il risque aussi de se faire devancer par TotalEnergies, qui avance à toute vitesse sur ce terrain. La major pétro-gazière prévoit d'investir 5 milliards de dollars dans les énergies bas carbone, dont 4 milliards dans l'électricité, en 2023. De son côté, EDF n'a pas souhaité donner de « chiffres sur les investissements 2023, 2024 ». Luc Rémont planche encore sur sa feuille de route, qu'il doit remettre à la Première ministre d'ici juillet prochain. En bref, « le travail est en cours, » comme il l'a maintes fois répété ce matin.
Pour permettre aux centrales nucléaires de produire davantage et donc à EDF de gagner plus, l'électricien cherche à réduire le temps d'arrêt lié à la quatrième visite décennal des réacteurs, c'est-à-dire la visite de contrôle qui leur permet de poursuivre leur exploitation de 40 à 50 ans. « Les quatrièmes visites décennales représentent cinq fois plus de travail que les visites décennales précédentes », a précisé Cédric Lewandowski, directeur exécutif d'EDF, en charge du parc nucléaire et thermique. « La masse de travaux est telle que l'inspecteur général s'interroge sur l'opportunité de mieux fractionner l'ensemble du dispositif », a-t-il poursuivi. Dans cette optique, l'électricien est en discussions avec le gendarme du nucléaire pour « simplifier autant que possible » le travail des visites décennales, notamment pour les quatrièmes visites décennales à venir des réacteurs les plus récents, ceux de 1.300 mégawatts. « A aucun moment la sûreté n'est remise en cause », a assuré le directeur exécutif.Vers des visites décennales allégées ?
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