Le Crédit agricole à son tour sous la menace d’une amende américaine

Par Christine Lejoux  |   |  752  mots
Hors éléments exceptionnels, le résultat net du groupe Crédit agricole est stable au deuxième trimestre, à 1,5 milliard d'euros.
La banque verte a augmenté ses provisions pour risques juridiques de 350 millions d’euros, en vue du probable dénouement, cette année, d’un litige portant sur des transactions en dollars dans des pays soumis à un embargo économique des Etats-Unis.

Il y a un an, BNP Paribas se voyait infliger une amende colossale de 9 milliards de dollars par les autorités américaines, pour non-respect d'embargos économiques. Aujourd'hui, c'est au tour du Crédit agricole d'avoir maille à partir avec le département américain de la Justice, la Réserve fédérale américaine et l'Ofac (Office of Foreign Assets Control). Lors de la présentation de ses résultats du deuxième trimestre, mardi 4 août, la banque verte a déclaré avoir augmenté de 350 millions d'euros ses provisions pour risques juridiques, lesquelles s'élèvent désormais à 1,6 milliard.

Une prudence motivée par le probable dénouement, cette année, d'un litige portant sur des paiements en dollars impliquant des pays faisant l'objet de programmes américains de sanctions. Les faits reprochés au Crédit agricole « sont relativement anciens », a indiqué Jean-Yves Hocher, directeur général adjoint de CASA, l'entité cotée du groupe Crédit agricole, et « courent sur plusieurs années. »

Durant de longs mois, la banque a mené une revue interne des paiements incriminés, écoutant des heures d'enregistrement de conversations dans ses salles de marché, épluchant les mails de collaborateurs, soit des millions de documents à analyser. Une revue dont les conclusions ont été régulièrement partagées avec les autorités américaines. Aussi Philippe Brassac, le nouveau directeur général de CASA, qui a succédé à Jean-Paul Chifflet le 20 mai, estime-t-il avoir « une bonne appréciation » de l'amende dont le Crédit agricole pourrait prochainement écoper, dans le cadre de ce litige. Il reste cependant difficile d'oublier que BNP Paribas avait provisionné 1 milliard de dollars début 2014, au titre de son litige, lequel s'était en réalité soldé six mois plus tard par une amende neuf fois supérieure à la provision.

Des résultats de bonne facture

En attendant que les autorités américaines précisent leur calendrier, Philippe Brassac a commencé à jeter les bases de son plan de marche pour le Crédit agricole. Un groupe qui, grâce au recentrage sur la banque universelle de proximité en Europe opéré sous l'ère de Jean-Paul Chifflet, continue d'afficher de bons résultats. Le groupe Crédit agricole, qui comprend CASA et les caisses régionales, a dégagé un bénéfice net de 1,5 milliard d'euros d'avril à juin , contre 789 millions au deuxième trimestre 2014, lequel avait été grevé par la dépréciation des titres Banco Espirito Santo (BES), pour 708 millions. Un élément exceptionnel qui conduit également CASA à afficher un bénéfice net très supérieur (près de 12 fois) à celui de l'année précédente, à 920 millions d'euros.

Il n'empêche : même hors éléments exceptionnels, les résultats sont de bonne facture, tirés par un PNB (produit net bancaire, l'équivalent du chiffre d'affaires) en hausse de 3,4% au sein du groupe, grâce à la bonne dynamique commerciale de l'ensemble des métiers, des charges bien maîtrisées et un coût du risque (provisions pour risque d'impayés) qui baisse à nouveau. Conséquence de ces bons résultats, la solvabilité financière du groupe Crédit agricole s'est encore renforcée, le ratio de fonds propre durs (capital et bénéfices mis en réserve, rapportés aux crédits consentis) s'élevant à 13,2%, en hausse de 90 points de base par rapport au deuxième trimestre 2014.

Une nouvelle organisation chez CASA

Quid de la suite ? Philippe Brassac a présenté une nouvelle organisation de CASA, destinée « à fonctionner moins en silos et davantage de façon collective », avec des pôles d'activité plus homogènes et moins nombreux. Quatre pôles métiers - Grandes clientèles ; Epargne-assurance-immobilier ; Services financiers spécialisés ; Filiales banques de proximité - sont ainsi rattachés à la direction générale. Et trois pôles de fonctions centrales sont créés, afin de conduire les chantiers transversaux que sont l'innovation, la transformation et les finances du groupe.

Les analystes financiers et investisseurs qui escomptaient une transformation plus radicale du Crédit agricole, avec un basculement du pouvoir de CASA vers les caisses régionales, en sont pour leurs frais : « Aucune opération modifiant le périmètre de CASA n'est envisageable à ce stade, certaines contraintes n'étant pas levées par la BCE (Banque centrale européenne, le nouveau superviseur du secteur bancaire européen) », a indiqué Philippe Brassac. Conséquence, le cours de Bourse de CASA a chuté de 10,17% mardi, à 12,94 euros.