Livret A : ce que la baisse historique de sa rémunération doit permettre

Par Christine Lejoux  |   |  882  mots
La France compte 61,6 millions de Livret A, pour un encours total de 261 milliards d'euros.
Bercy a annoncé lundi 20 juillet une baisse du taux du Livret A à 0,75%. Du jamais vu depuis la création de ce produit d'épargne très populaire, en 1818.

Fin du suspense. Après plusieurs semaines d'incertitude, marquées par la volonté du gouverneur de la Banque de France de voir le taux du Livret A baisser, tandis que le gouvernement s'inquiétait de l'affaiblissement du pouvoir d'achat qui en découlerait, Bercy a tranché en faveur d'une nouvelle diminution du rendement du livret réglementé. Celui-ci, dont la dernière baisse date d'il y a un an, sera ramené de 1% à 0,75% le 1er août, a annoncé le ministère des Finances, lundi 20 juillet. Depuis sa création en 1818, c'est la première fois que la rémunération de ce produit d'épargne, l'un des préférés des Français, tombe à un niveau aussi bas. Il pouvait difficilement en être autrement, avec une inflation (hors tabac) ressortie en juin à 0,3%, sur un an.

L'évolution des prix à la consommation est en effet l'une des principales composantes du calcul du taux du Livret A. Majorée de 0,25% et arrondie au quart de point le plus proche, conformément à la formule officielle, une inflation à 0,3% devait déboucher sur un rendement du Livret A de 0,50%. Mais le gouverneur de la Banque de France peut choisir de déroger à cette règle et proposer un autre taux. C'est ce qu'a fait Christian Noyer, l'actuel gouverneur de la Banque de France. Certes, le niveau de 0,50% « reste nettement supérieur à celui du taux directeur de la BCE (Banque centrale européenne), lequel est de 0,05% », souligne la Banque de France, dans son communiqué.

Diminuer les coûts de financement du logement social

Mais, « compte tenu de la prévision d'une légère augmentation de l'inflation d'ici la fin de l'année », Christian Noyer a jugé bon de ne pas suivre à la lettre la formule de calcul en vigueur. Le ministre des Finances, Michel Sapin, à qui il revient de trancher au sujet de la rémunération du Livret A, s'est rangé à l'avis de Christian Noyer, d'après un communiqué diffusé ce lundi. Avec deux objectifs. D'abord, « garantir le pouvoir d'achat des épargnants », explique Bercy. De fait, la France ne comptant pas moins de 61,6 millions de Livret A, la gestion du rendement de ce produit d'épargne revêt une dimension éminemment politique. Surtout à l'approche des élections régionales, qui se dérouleront au mois de décembre.

Ensuite, la baisse du taux du Livret A doit « favoriser l'investissement du secteur du logement social, avec un gain de plus de 300 millions d'euros », poursuit Bercy. En effet, les deux tiers environ des 261 milliards d'euros d'encours du Livret A sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui les utilise principalement pour financer des prêts aux organismes de logements sociaux. Or, « avec une ressource rémunérée à 1%, à quoi il faut ajouter les frais de gestion des banques collectrices de l'épargne et de la CDC, qui gère le Livret A, les organismes de HLM ne peuvent guère espérer des prêts à moins de 2,1% », affirmait Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, le 15 juillet. Quelques jours plus tôt, Christian Noyer avait ainsi indiqué que le surcoût de la rémunération avantageuse du Livret A, par rapport aux conditions de marché, correspondait à la construction de quelque 5.000 logements sociaux, au titre de l'année 2014.

Une perte de 10 euros sur un an pour un Livret A de 4.000 euros

Plus largement, la baisse du taux du Livret A devrait réduire le coût de financement de l'économie. Dans l'environnement actuel de taux d'intérêt très bas, sur lesquels se calquent les taux de crédit bancaire, un Livret A rémunéré à 1% constituait une ressource très onéreuse pour les banques. D'autant plus que, pour des raisons commerciales évidentes, celles-ci se voyaient contraintes d'aligner les rémunérations de leurs propres livrets sur celle du Livret A. Or, dès lors que les banques devaient rémunérer des dépôts à 1%, il leur était difficile de ne pas répercuter ce taux sur le coût des crédits accordés aux entreprises. Au risque, sinon, d'un fléchissement de leurs marges d'intérêt. La rémunération du Livret A représentait ainsi un obstacle à la transmission de la politique monétaire accommodante de la BCE à l'économie réelle, avait dénoncé Christian Noyer, le 6 juillet. « La baisse du taux du livret A aidera la croissance et l'emploi en allégeant le coût des crédits », insiste la Banque de France, dans son communiqué.

Toujours au chapitre du financement de l'économie, la baisse du taux du Livret A pourrait inciter les Français à réorienter leur épargne vers des placements à long terme, comme l'assurance-vie, « plus en phase avec le financement de l'économie dite réelle », avance Philippe Crevel. Déjà, au cours des cinq premiers mois de l'année 2015, la collecte nette (des retraits) sur l'assurance-vie a progressé de 15%, à 10,7 milliards d'euros, alors que le Livret A a accusé une décollecte nette de 2,32 milliards. Pourtant, la baisse du taux du Livret A à 0,75% n'aura pas de conséquences très significatives pour les épargnants. Un Livret A doté de 4.000 euros, soit l'encours moyen sur le livret réglementé, rapportera 30 euros sur un an au lieu de 40 euros, calcule Philippe Crevel.