Amazon versus Hachette : la guerre est déclarée

Par latribune.fr  |   |  766  mots
Au premier trimestre, le livre numérique a représenté 13,4% du chiffre d'affaires de la branche Lagardère Publishing (la maison-mère d'Hachette), en hausse d'un point sur un an. (Photo: Reuters)
La tension est montée d'un cran entre Amazon et l'éditeur Hachette Book Group, filiale du groupe français Lagardère: pour la première fois le géant américain est sorti de son silence mardi, se disant peu optimiste sur l'issue des négociations commerciales en cours.

Si vous comptiez vous procurer l'un des livres de J.K. Rowling, la créatrice du désormais célèbre Harry Potter, de Michael Coonely ou de tout autre auteur des éditions Hachette sur Amazon, mieux vaut aller voir ailleurs. Et pour cause: en pleine renégociation d'accords commerciaux, le détaillant en ligne s'est attiré les foudres de plusieurs maisons d'édition, dont Hachette, irritées de voir le géant américain de la vente en ligne faire pression sur elles en allongeant les délais de livraison de leurs livres ou en empêchant les précommandes.

Ainsi Amazon a carrément enlevé les boutons de pré-commande de plusieurs livres tels que "The burning Room" de Connelly et "The Silkworm" de Rowling, un roman policier qui sort le mois prochain, précise l'agence Associated Press.

Abus de position dominante d'Amazon ?

Plusieurs auteurs, touchés par cette bataille, ont eux aussi commencé à monter au créneau pour dénoncer les pratiques du distributeur, accusé d'abuser de sa position dominante sur le marché du livre.

Selon la presse américaine, Amazon souhaite obtenir des prix plus favorables de la part de certains éditeurs, dont Hachette Book Group (HBG), filiale du groupe français Lagardère, afin d'augmenter ses marges, notamment sur le segment des livres électroniques où il est l'un des principaux acteurs grâce à sa liseuse Kindle.

L'e-commerçant vient d'accentuer la pression en rendant impossible la précommande d'ouvrages édités par HBG au format papier, à l'instar du prochain roman de Robert Galbraith, pseudonyme derrière lequel se cache J.K. Rowling, auteur de la populaire saga "Harry Potter". Cette possibilité permet souvent aux éditeurs de mesurer l'attente autour de leurs futures sorties.

Contacté par l'AFP, Hachette n'a pas souhaité commenter ce dossier, renvoyant à une précédente déclaration. Dans celle-ci, le groupe soulignait que le distributeur américain conservait "un stock minimal et se réapprovisionnait lentement au niveau du catalogue HBG, entraînant des délais de deux à quatre semaines". "Nous travaillons pour trouver un accord et inciter Amazon à proposer, de nouveau, les livres de Hachette Book Group dans des délais normaux", ajoutait alors l'éditeur français.

Les deux parties "ont jusqu'ici échoué à trouver une solution. Malheureusement (...) nous ne sommes pas optimistes sur l'issue de ces négociations dans un avenir proche", déclare de son côté le groupe américain sur son site internet.

Le chantage, la stratégie d'Amazon?

Au premier trimestre, le livre numérique a représenté 13,4% du chiffre d'affaires de la branche Lagardère Publishing (la maison-mère d'Hachette), en hausse d'un point sur un an.

En Allemagne, où l'éditeur scandinave Bonnier est confronté à la même situation, l'Association des éditeurs et libraires, qui regroupe les principaux acteurs du marché du livre du pays, a de son côté violemment attaqué Amazon et demandé aux autorités d'intervenir.

"Amazon fait tomber le masque et abuse de sa position de marché à tel point qu'on peut parler de chantage envers les éditeurs", s'est insurgé le président de l'association, Alexander Skipis, cité dans un communiqué. Et d'ajouter:

"L'association réclame d'adapter le droit allemand de la concurrence aux conditions du marché (du livre) numérique. (...) Imposer les règles de la concurrence dans le marché du numérique est clairement un devoir des politiques qui aurait dû être réalité depuis longtemps"

Le président de l'association a souligné que les écrivains étaient les victimes collatérales de ce conflit et a prévenu qu'ils "ne toléreront pas cela longtemps".

Aux Etats-Unis, la Authors Guild, qui défend les droits des auteurs, a pris fait et cause pour les éditeurs. Dans un billet paru sur son blog, elle a ainsi jugé que "le chantage (...) semblait être la stratégie d'Amazon pour les négociations".

Des écrivains ne soutiennent plus Amazon

"Peut-être que, cette fois, les lecteurs se rendront compte de ce qu'Amazon souhaite le plus nous faire oublier: il y a d'autres revendeurs en ville", a-t-elle poursuivi.

Individuellement, certains écrivains ont aussi fait entendre leur voix. A l'instar de l'auteur de livres policiers et fantastiques Michael Koryta, qui a ainsi prévenu ses lecteurs sur son site Internet que s'ils souhaitaient précommander un livre édité par HBG, ils devraient "regarder ailleurs" que sur Amazon. "J'espère que vous le ferez", a-t-il insisté.

Sur sa page Facebook, l'auteur pour enfants Nina Laden a expliqué avoir soutenu Amazon depuis sa création, mais regretter désormais cette position. "Vous m'avez laissée tomber", a-t-elle écrit à destination du revendeur en ligne.