Le drive menace-t-il l'hypermarché ?

Par Juliette Garnier  |   |  692  mots
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Auchan, Leclerc, Système U et Intermarché ouvrent à tout-va des Drive. La France compte plus de 1.000 de ces points de retrait de courses alimentaires commandées en ligne. Plus de 2,3 millions de ménages utilisent ces nouveaux services et délaissent l'hypermarché.

Pas un hypermarché ne veut y voir une menace. Et pourtant. Tous les Français se convertissent au drive. La France compte plus de 1.000 de ces espaces de retrait de commandes réalisées en ligne, selon les décomptes du cabinet Le Site Marketing.com. "Plus de 2,3 millions de ménages Français y ont déjà fait leurs courses", a fait valoir la directrice des études chez Kantarworld Panel, Gaëlle Le Floch, lors d?une conférence organisée par IFLS, une association qui regroupe des industriels et des distributeurs de produits de grande consommation vendus en libre-service.

Un miroir aux alouettes

Tous les nouveaux adeptes du drive ? les mères de famille que les courses en hypermarché rebutent - sont conquis par le gain de temps que ce mode de course leur assure : 70 % y sont fidèles et 92 % l?ont recommandé à leur entourage ! Résultat : le drive capte aujourd?hui 2,3 % des ventes de produits de grande consommation. Auchan et Leclerc en tire respectivement 5 % et 3 % de leur chiffre d?affaires. Demain, ce sera plus encore. Rien que le mois dernier, plus de 70 drive auraient ouvert leurs portes en France. "En 2015, ce marché pourrait représenter 4,75 milliards d?euros de chiffre d?affaires, soit 6 % des ventes totales de produits de grande consommation en France", estime Kantar Worldpanel.

5,50 euros, le service

Faut-il y voir un miroir aux alouettes ? Car, malgré un emballement des ventes, la rentabilité de ce circuit n?est pas toujours au rendez-vous. En France, les enseignes ne facturent pas à leur client la préparation de leur commande. Pour combien de temps encore ? "Car tout de même cela coûte fort cher en main d??uvre !", observe un fournisseur. Les enseignes françaises s?inspireront-elles du belge Colruyt qui exige 5,50 euros par commande ? Pour l?heure, la course à la part de marché s?impose à toutes les enseignes. Les places sont à prendre, notamment sur les plates-bandes des hypermarchés Carrefour, très absents de ce marché. La rentabilité attendra, semble-t-il.

Intermarché ? l?enseigne se dit "en pleine opération commando" - l?admet. "Certains drives sont rentables. D?autres non", admet Patricia Chatelain, directrice marketing international chez l?enseigne des Mousquetaires qui, après 76 ouvertures, en a mis en chantier 132 cette année. "C?est un métier compliqué, exigeant", reconnait aussi le responsable d'Auchan Drive, Pascal Damien, en assurant toutefois que l?enseigne nordiste ne s?engagerait pas sur 30 ouvertures en 2013 sans gage de rentabilité.

La forte adhésion des Français au concept du drive peut aussi effrayer. Son développement ne sera pas sans impact sur le concept du "Tout sous le même toit" en hyper. Par exemple, que deviendront ses rayons de bouteilles d?eau minérale que les adeptes du drive achètent beaucoup en ligne et, par confort, se font déposer dans leur voiture ? Il faudra aux enseignes probablement réallouer ces surfaces. Quitte à revoir la gestion du personnel en magasin.

Le client du drive reviendra-t-il en magasin ?

Les fabricants de marques nationales s?interrogent aussi sur ce mode de vente dématérialisé. Parmi eux : Pernod-Ricard qui, en magasin, fait régulièrement des animations pour promouvoir ces marques de boissons, ces nouveautés et ces lots promotionnels. "Cela modifie profondément notre façon de travailler", reconnait le PDG de Pernod en France, César Giron. D?autres fournisseurs de produits frais vendus en hypermarché s?interrogent sur l?avenir. Fruits et légumes, viandes et autres poissons, ne représentent que 8,5 % des ventes via le drive, contre 20 % en hypermarché. Ces ventes se développeront-elles ? "Celui qui achetait son pain dans le rayon boulangerie de l?hypermarché n?y viendra plus s?il se convertit au drive", juge le directeur commercial de Delifrance, spécialiste de la baguette fraîche en hypermarché, Michel Guilmoto.

Car, à l?heure où 60 % des Français jugent que les courses alimentaires sont une corvée, qui voudrait croire que le client du drive reviendra un jour en magasin ? Le drive aura un impact négatif sur la fréquentation en magasin, convient Kantar Worldpanel. Les comptes d?exploitation des hypermarchés pourraient en souffrir.