Casino passe sous la coupe de Daniel Kretinsky et prépare un plan social d'ampleur

Par F.G.  |   |  845  mots
La quasi-totalité (288) des hypermarchés et supermarchés vont en effet être vendus d'ici à juin à Intermarché, Auchan et Carrefour. (Crédits : STEPHANE MAHE)
Changement d’ère chez Casino : le groupe plus que centenaire va tomber officiellement mercredi dans l'escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, au terme d'une restructuration massive de sa dette qui sonnera la fin du très long règne de Jean-Charles Naouri. La nouvelle direction travaille sur un plan social qui sera présenté en avril.

Nouvelle ère pour Casino. Placé en sauvegarde accélérée en octobre pour échapper à ses créanciers, le distributeur stéphanois va changer de main ce mercredi en tournant la longue page de Jean-Charles Naouri, son futur ancien PDG.

Comme l'a tranché il y a deux mois le Tribunal de Commerce de Paris, le groupe passera sous la coupe du consortium emmené par deux milliardaires, le Tchèque Daniel Kretinsky et Marc-André Ladreit de Lacharrière, adossés au fonds d'investissement Attestor. En contrepartie d'un effacement de la dette de 5 milliards d'euros, ce trio doit injecter 900 millions d'euros sur 1,2 milliard d'euros d'argent frais prévu pour relancer Casino. Les augmentations de capital ont été lancées lundi et le cours de Bourse sera suspendu mercredi 27 mars.

En fin de journée, dans la foulée du dernier conseil d'administration de la direction actuelle, le conseil de la nouvelle équipe, présidé par l'ancien secrétaire d'Etat Laurent Pietraszewski, va entériner non seulement l'écrasement de la dette qui va passer de 7,4 milliards d'euros à fin 2023 à un peu plus de 2,6 milliards d'euros, mais aussi la dilution des anciens actionnaires dans le capital du nouveau Casino, à commencer par le premier d'entre eux, Jean-Charles Naouri, contraint de démissionner sans indemnité de départ.

La quasi-totalité des supermarchés vendus

Cette dilution est énorme puisqu'un actionnaire qui détenait 1% du capital social de Casino n'en détiendra plus que 0,003%, selon le groupe. Résultat : le consortium détiendra 53,7% du capital et en prendra le contrôle tandis que les actionnaires actuels ne possèderont plus que 0,3% environ. Quant aux créanciers, ils récupéreront le solde du capital, soit environ 46%.

Casino ne sera plus que l'ombre de lui-même. La quasi-totalité (288) des hypermarchés et supermarchés vont en effet être vendus d'ici à juin à Intermarché, Auchan et Carrefour. Ne resteront plus que C-Discount, 1.300 magasins intégrés (338 Monoprix, 170 Naturalia, 323 Franprix et 493 magasins de proximité sous enseignes Spar, Vival, Le Petit Casino), pour près de 7.000 magasins exploités en franchise.

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Avec ce régime minceur, Casino va perdre des magasins pesant au minimum 4,65 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit un petit tiers des 14,2 milliards (hors taxes) réalisés en 2022 en France. Du côté des effectifs, qui s'élevaient à 50.000 salariés en France fin 2022, le transfert de salariés pourrait concerner près de 16.000 personnes. Un chiffre supérieur à celui avancé par les syndicats en raison d'un nombre de magasins vendus qui pourrait être plus important que prévu. La direction a en effet reçu des marques d'intérêt pour plusieurs supermarchés ou hyper encore non vendus.

Un plan social présenté courant avril

Ces transferts vont retirer de l'activité aux fonctions supports, administratives, mais aussi logistiques au sein du groupe. Et donc créer des sureffectifs. Pour le résorber, le nouveau directeur général, Philippe Palazzi, un ancien de Metro et de Lactalis, travaille sur un plan social qui sera présenté courant avril. Si les chiffres sont en train d'être ajustés, ils s'annoncent déjà élevés. Récemment, les syndicats évoquaient 6.000 suppressions de postes. Jugé cohérent par certains proches du dossier, le chiffre constitue néanmoins le pire des scénarios. La direction cherche en effet à limiter la casse en réinternalisant certaines activités jusque-là sous-traitées, notamment au siège de Saint-Etienne. A tel point que certains syndicalistes tablent désormais sur « 2.000 à 3.000 personnes », confie à La Tribune un responsable de l'intersyndicale. Pas sûr néanmoins que la direction parvienne jusque-là.

Ces suppressions de postes vont toucher les magasins non rachetés par la concurrence, les entrepôts amenés à fermer et le siège de Saint-Etienne où 80% des 1.500 personnes en CDI (1.800 en incluant les CDD, les stagiaires...) travaillent pour les magasins qui vont être vendus. Pour autant, la direction a pris des engagements : porter une attention particulière à Saint-Etienne pour limiter l'impact social, proposer des indemnités de départ supérieures à celles prévues dans la convention collective et, en plus du plan social, un plan de départs volontaires. Le temps de négocier ces différents plans, les premiers départs sont attendus cet automne.

Multiplier l'Ebitda par 7 d'ici à 2028

L'enjeu est colossal pour le groupe : la trésorerie serait suffisante pour tenir jusqu'à la fin de l'année et il est primordial pour la nouvelle direction de rétablir une bonne rentabilité rapidement. C'est ce que visent les repreneurs, désireux de multiplier l'Ebitda (excédent brut d'exploitation) ajusté après loyers du distributeur par plus de 7 à horizon 2028. Estimé à 126 millions d'euros en 2024, il doit passer à 920 millions en 2028, selon leurs prévisions. Les repreneurs disent prévoir 1,6 milliard d'euros d'investissements d'ici à 2028, notamment pour « rénover le parc de magasins », et espèrent « développer la rentabilité des enseignes » via notamment des prix « compétitifs et stables », l'expansion par la franchise ou encore « l'adaptation des schémas logistiques.»

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