Jouets : La Grande Récré en cessation de paiement, énième victime d'Amazon et de la "Retail Apocalypse"

Par latribune.fr  |   |  754  mots
Selon David Cheetham, analyste chez XTB, Toys "R" Us, comme beaucoup de magasins spécialisés, n'a "pas su s'adapter à l'évolution des comportements des consommateurs" qui sont de plus en plus nombreux à privilégier Internet pour leurs achats. (Crédits : Reuters)
Le numéro deux français de la distribution de jouets, au chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros, n'aurait pas convaincu ses banques de renouveler leurs crédits. Quelque 400 magasins dans le monde avec leurs 2.500 collaborateurs directs et 100 franchisés sont concernés. Les difficultés de Ludendo, propriétaire de l'enseigne, interviennent après les faillites successives de géants du jouet comme Toys "R" Us ou Maplin aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Pour décrire les effets dévastateurs du commerce en ligne sur les enseignes classiques qui vendent leurs produits dans des magasins physiques, les Américains ont une expression : "Retail Apocalypse", "l'Apocalypse du commerce de détail" en français.

Selon Frédérique Tutt, experte du secteur au sein du cabinet NPD, le poids du commerce en ligne sur les ventes totales de jouets était de 29% en 2017, en hausse de 14%.

"Les pure players (Amazon, Cdiscount) sont passés de 13% de parts de marché en 2014 à 19% en 2017", rognant sur celles des spécialistes (40% en 2017, contre 44% en 2014) et de la grande distribution (32% contre 34%), a-t-elle précisé à l'AFP.

Cette concurrence toujours plus hégémonique de la vente par Internet, le groupe français Ludendo l'a prise de plein fouet : le propriétaire de l'enseigne de jouets La Grande Récré, numéro deux de la distribution de jouets en France (derrière Toys R Us), va se placer en cessation de paiement, a indiqué à l'AFP, hier lundi 5 mars, une source proche du dossier, confirmant une information du Figaro.

Le phénomène n'est pas isolé, comme le prouvent les exemples tout récents du distributeur de jouets Toys "R" Us et et celui d'articles électroniques Maplin au Royaume-Uni. Ils ont été placés mercredi 28 février sous administration judiciaire, illustrant les difficultés du commerce physique et mettant en péril près de 5.500 emplois. La mesure la plus sévère concerne la filiale britannique de Toys "R" Us, placée en liquidation, qui pourrait perdre l'ensemble de ses 105 magasins et 3.200 salariés au Royaume-Uni.

Aux Etats-Unis, la situation n'est pas meilleure pour le distributeur américain Toys "R" Us, puisque dès septembre dernier il a été obligé de se placer sous le régime des faillites. (Ci-dessous, une infographie Statista* qui rappelle la situation qui prévalait déjà en 2016 dans le secteur du jouet)

Performances en berne, les banques coupent le robinet

En France, la direction du groupe Ludendo, contactée lundi par l'AFP, n'a pas fait de commentaires sur cette information de mise en cessation de paiement. Mais il semble que des difficultés commerciales et financières seraient à l'origine de cette situation.

Ainsi, s'agissant des ventes de Noël, les performances de La Grande Récré n'ont pas été au niveau de ce qui avait été budgété et, face à ces résultats décevants, les banques n'ont pas relancé les encours de crédits alloués à l'enseigne chaque année, selon un expert du secteur.

Pour mémoire, le chiffre d'affaires annuel du secteur du jouet est de 3,4 milliards d'euros en France, c'est le deuxième marché en Europe. Plus de la moitié du chiffre s'effectue en novembre et décembre. Le marché français du jouet a terminé 2017 sur un repli de 0,8% - après quatre années de croissance consécutives-, avec un chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'euros, selon le bilan de référence du cabinet NPD.

Ludendo (La Grande Récré), c'est 400 magasins et 2.500 emplois directs

Fondé en 1977 par Maurice Grunberg, le groupe français Ludendo, dont l'enseigne phare est La Grande Récré, est spécialisé dans le commerce des jeux, des jouets, de la fête et des loisirs pour l'enfant et la famille.

Jusqu'à présent détenu à 62% par la holding familiale de son président Jean-Michel Grunberg, le groupe avait annoncé en décembre l'ouverture de son capital "afin de trouver un nouvel actionnaire majoritaire". Ludendo compte parmi les grands du secteur en Europe, avec près de 400 magasins dans le monde, 2.500 collaborateurs directs et 100 franchisés. En 2016, son chiffre d'affaire sous enseignes a dépassé les 500 millions d'euros.

La concurrence sans partage du commerce en ligne

Ces annonces successives témoignent de la difficulté des distributeurs spécialisés qui subissent une baisse de fréquentation dans leur magasins et une conjoncture macro-économique défavorable. Commentant la faillite de Toys "R" Us et Maplin au Royaume-Uni, David Cheetham, analyste chez XTB, estime que les deux groupes n'ont "pas su s'adapter à ces changements" :

"L'évolution des comportements des consommateurs a entraîné une brusque augmentation de la concurrence en ligne et un changement fondamental de l'environnement commercial."

Selon les chiffres de GlobalData, les parts de marché britannique du spécialiste du jouet  ont diminué de près de moitié entre 2008 et 2017, tandis qu'Amazon et l'enseigne Smyths, présente en magasins et en ligne, connaissaient une croissance solide dans le même temps.

(*) Des graphiques de notre partenaire Statista.

(Avec AFP)