Voyagistes français : une descente aux enfers qui n’en finit pas

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  841  mots
Après deux années difficiles et une baisse historique l'hiver dernier, les tour-opérateurs français ont enregistré une chute de la clientèle de 4,9% cet été. Fram, TUI ou Thomas Cook, les mastodontes du secteur sont en difficulté.

"Ce serait bien que 2014 apporte une accalmie dans la descente aux enfers des tour-opérateurs (voyagistes)". C'est le souhait de René-Marc Chikli, le président du Seto, le syndicat professionnel qui regroupe 70 tour-opérateurs français.  Lors d'un point presse au salon IFTM Top Résa, ce dernier espère que les mesures de "révision des modèles" mises en place par bon nombre de voyagistes portent enfin leurs fruits l'an prochain. Et que la demande reparte enfin. Car pour l'heure, même si les prises de commandes pour l'année prochaine sont en hausse par rapport à la même période de l'année, il est évidemment trop tôt pour parler de reprise. Les volumes ne sont pas significatifs. "Nous aurons un peu plus de visibilité fin octobre", précise René-Marc Chikli.

Espoirs pour 2014

Pour l'heure, les voyagistes pris dans leur globalité ne voient pas la sortie du tunnel. Si octobre s'annonce bien avec les vacances de la Toussaint, "les carnets de commande ne sont pas remplis pour novembre-décembre", explique René-Marc Chikli. "Les signes de reprise de l'économie française ne se voient pas dans notre activité", ajoute-t-il. Après deux années difficiles et "une baisse historique" l'hiver dernier (-11% en clientèle et -6,9% en volume d'affaires), les voyagistes français n'ont pas trouvé cet été de recette miracle pour enrayer la baisse de leur activité. Le volume d'affaires des membres du Seto a ainsi reculé de 3,9% à 1,7 milliard d'euros entre mai et fin août sur les voyages à forfait (vol + séjour). La hausse de 1% des prix des voyages n'a pas compensé la chute de 4,9% de la clientèle, à 1,867 millions de voyageurs. "Les clients ont décidé de ne pas voyager. Ils n'ont pas le budget. Le grand gagnant de l'été 2013, c'est le secteur non marchand", c'est-à-dire les hébergements gratuits chez des proches, estime René-Marc Chikli. "Même les campings n'ont pas fait ce qu'ils espéraient".

Les Français boudent les destinations phares

Par ailleurs, de nombreux tour-opérateurs souffrent toujours du refus d'une partie de la clientèle de se rendre dans les pays du Proche-Orient et du Maghreb, dont certains sont des grosses destinations. "Les Français ont boudé des destinations phares comme la Tunisie ", a expliqué René-Marc Chikli. L'ensemble des destinations touchées par le printemps arabe a cédé du terrain. Les ventes ont plongé de 57% vers l'Egypte et de 32% vers la Tunisie.

A cela, même si le phénomène n'est pas quantifié, il faut ajouter le développement des voyages des Français qui n'utilisent pas les voyagistes. "Pour passer 8 jours à Bali, il n'y a pas besoin d'intermédiaires", reconnaît Jean-Paul Chantraine, le PDG d'Asia. Ce phénomène s'est accru fortement depuis 10 ans sur le réseau court et le moyen-courrier, en lien avec le développement des low-cost. Les clients se sont construits leurs propres forfaits tous seuls.

Situation tendue chez Fram

Les voyagistes français, notamment les généralistes, sont dans une situation critique. C'est le cas de Fram qui, en 2012, affichait une perte cumulée de 22,6 millions d'euros. Son nouveau patron, Thierry Miremont, vient de mettre en vente tous les actifs immobiliers du groupe et engagé une levée de fonds (piloté par la banque Rothschild) dont l'issue pourrait aboutir à une ouverture du capital d'ici à la fin de l'année. Plombé par le printemps arabe, le voyagiste toulousain doit "sécuriser sa trésorerie": la situation est "tendue", "on a des problèmes à très court terme", a reconnu Thierry Miremont, arrivé aux commandes fin juin. "J'ai besoin de quelques dizaines de millions d'euros", a-t-il ajouté

Nouveau plan de restructuration pour TUI

Autre poids lourd du secteur en grande difficulté, TUI France, la maison-mère de Nouvelles Frontières et de Marmara. Le groupe, qui emploie un peu plus d'un millier de salariés et regroupe depuis début 2012 Nouvelles Frontières, Marmara, Aventuria et Passion des Iles, a annoncé le 6 septembre la suppression de 306 postes, via des départs volontaires et en franchisant des agences. TUI France avait déjà lancé un plan social fin 2011. Portant initialement sur 484 postes, il a abouti in fine au départ de 550 personnes.

Retour à l'équilibre décalé pour Thomas Cook

Son concurrent Thomas Cook France, qui a également lancé un plan de restructuration en avril (portant sur 162 personnes), n'envisage pas de retour à l'équilibre avant 2015. Il table sur une nouvelle perte de 20 millions d'euros en 2013, a indiqué son président Michel Rességuier à Tourmag. Dans un précédent entretien accordé au Quotidien du Tourisme fin avril, Michel Rességuier espérait pourtant qu'en 2014 Thomas Cook France puisse "frôler le zéro". 23 agences vont fermer et 28 autres sont sur la "sellette".

Pour autant, derrière ces mastodontes en difficulté, plusieurs voyagistes arrivent à tirer leur épingle du jeu. Il s'agit d'acteurs spécialisés comme Asia ou Exotismes, spécialiste des îles de l'océan Indien, ou d'acteurs internet comme Voyage Privé par exemple.