Obèses "surfacturés" sur Air France : histoire d'un pataquès

Par latribune.fr  |   |  836  mots
Air France s'apprêtait à annoncer dans les prochains jours que les obèses ayant réservé deux sièges pour leur confort seraient remboursés du deuxième billet si l'avion n'était pas complet. Mais en répondant aux questions d'un correspondant de l'AFP à Amsterdam, une porte-parole de KLM a transformé la "bonne nouvelle" en information dévastatrice.

C'est un pataquès dont Air France se serait bien passé. Mardi soir, un peu avant 22h00, l'agence France presse (AFP) publie une dépêche intitulée: "Les passagers obèses vont payer plus sur Air-France KLM". L'information s'appuie notamment sur les déclarations de Monique Matze, porte-parole de KLM: "Ces personnes paieront 75% du prix d'un second siège (c'est-à-dire le prix total en enlevant les taxes et les surcharges) en plus du prix complet pour le premier siège occupé." En fait, cette "réduction" existe depuis 2005 sans que jamais la compagnie n'ait imposée l'achat d'un deuxième billet. Le titre de la dépêche fait donc évidemment mouche.

Dès le lendemain matin, sites internet, radios et télés reprennent cette information. Elles donnent dans la foulée la parole aux diverses associations de défense des personnes en surpoids qui s'insurgent contre une mesure jugée discriminatoire. Il faudra attendre 11h30 pour qu'Air France oppose un démenti formel: "Contrairement à l'information relayée par la presse ce matin, Air France ne prévoit pas l'obligation pour les passagers à forte corpulence de payer un second siège" peut-on lire dans le communiqué envoyé à toutes les rédactions.

Reculade ou démenti sincère ? A en croire Air France, cela ne fait pas de doute. "Dans un entretien téléphonique, une personne de KLM, non habilitée à parler au nom d'Air France, a répondu aux questions d'un journaliste qui, apparemment avait eu connaissance des informations que KLM avait envoyées à son réseau d'agences de voyages. Il s'agissait des dispositions pratiques d'une formule de remboursement automatique du deuxième billet lorsque l'avion n'est pas complet" assure Jean-Pierre Lefebvre, en charge au sein d'Air France, du transport des passagers à particularité.

A l?Agence France Presse, on répond que la compagnie a appelé vers minuit pour préciser que les passagers en surpoids seraient remboursés si le vol n'était pas complet. De fait, un correctif est publié par l'AFP à 0h23 pour intégrer ce nouvel élément.

Entre temps, la compagnie aurait modifié en urgence son site Internet, selon les constations du site Internet du Parisien. "Si votre tour de taille est supérieur (à 135 cm), vous devez réserver un second siège. Air France vous accordera une remise commerciale de 25 % sur le second siège acquitté", y était-il écrit en début de journée selon leparisien.fr, capture d'écran à l'appui. "Si le vol est complet et que vous n´avez pas réservé de 2nd siège, l´accès à bord pourra vous être refusé, pour des raisons de sécurité, si votre corpulence ne vous permet pas de vous asseoir sur un seul siège".

Ces précisions ne figurent plus sur le site Internet de la compagnie, alors qu'Air France a bien précisé dans son communiqué qu'elle "ne prévoit pas l'obligation pour les passagers à forte corpulence de payer un second siège".

Pour Air France, le plus fâcheux dans cette affaire c'est qu'elle se retrouve en position défensive sur un dossier où elle souhaitait se distinguer positivement avec une solution inédite. Aucune compagnie au monde n'avait jusqu'alors proposé aux passagers "à forte corpulence" d'être automatiquement remboursé de l'achat d'un second billet lorsque le vol n'est pas complet. Aux Etats-Unis, aucune loi n'interdit aux compagnies aériennes d'imposer aux passagers ne pouvant s'asseoir sur un seul siège d'acheter deux places. Et elles ne se privent pas pour imposer cette contrainte à des clients plus nombreux à souffrir d'un surpoids handicapant que de ce côté-ci de l'Atlantique.

L'offre d'Air France permet au contraire aux passagers concernés d'être certain de voyager sur deux sièges tout en ayant de bonnes chances de n'en payer qu'un. "Le risque que l'avion soit complet est largement inférieur à 10%" assure Jean-Pierre Lefebvre, en charge au sein d'Air France, du transport des passagers à particularité. Ce dernier ne comprend donc pas le procès d'intention qu'on fait à la compagnie nationale: "La règle dans le transport aérien, c'est de payer en fonction de l'espace occupé: une personne voyageant sur une civière devra acheter trois billets. Et si vous avez deux jambes dans le plâtre et qu'il faut neutraliser le siège qui est devant vous, on vous fera payer l'occupation de deux places. Dans les deux cas sans réduction sur les billets supplémentaires. La vérité, c'est que nous favorisons donc les personnes obèses" explique-t-il.

Même si l'on retient la version d'Air France, on peut se demander si, avec sa nouvelle formule de remboursement, la compagnie n'avait pas cependant une intention plus mercantile. Depuis son introduction en 2005, le deuxième billet vendu 25% moins cher que le premier, connaît un succès très limité. "Nous en vendons un petit millier par an" révèle Jean-Pierre Lefebvre. Avec la garantie de remboursement, la compagnie dispose - ou plutôt disposait - d'un bon argument commercial.