Tapie : "Je ne m'intéresse pas à Air France-KLM"

Par Fabrice Gliszczynski (analyse sur Air France-KLM réalisée par Reuters)  |   |  1178  mots
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L'homme d'affaires dément étudier une prise de participations dans le groupe aérien français. Il dit s'intéresser à des sociétés non cotées.

Alors que des informations de presse affirment que Bernard Tapie s'intéresse de très près à prendre une participation dans Air France-KLM pour profiter la faiblesse de l'action, au plus bas depuis un mois, l'intéressé a démenti.

Interrogé ce vendredi par La Tribune, Bernard Tapie a qualifié ces informations de "ridicules ". "C'est faux", a-t-il répondu, précisant qu'il n'avait "pas une action Air France-KLM" et que devenir "actionnaire de référence" du groupe aérien était au-dessus de ses moyens.

Concernant d'éventuels projets d'investissement, Bernard Tapie a fait en revanche part de son intérêt pour "des boites non cotées".

En Bourse, Air France KLM est en chute libre

L'action Air France-KLM oscille entre 6 et 6,5 euros, ce qui porte la valorisation boursière du transporteur à deux milliards d'euros environ. Soit l''équivalent d'une poignée d'A380...

Trop endettée, trop peu rentable, trop lente à réagir : Air France-KLM cumule tous les handicaps prompts à faire dévisser un cours de Bourse alors que la nette détérioration des perspectives économiques mondiales met en péril l'objectif de résultat d'exploitation positif en 2011, estiment des analystes.

L'action de la deuxième compagnie aérienne européenne en terme de chiffre d'affaires a quasiment chuté deux fois plus que l'allemande Lufthansa depuis janvier et sous-performe également largement IAG, entité issue de la fusion de British Airways et de l'espagnole Iberia.

La capitalisation boursière du groupe franco-néerlandais est ainsi passée sous la barre des deux milliards d'euros, soit 30 fois moins que celle du groupe de luxe LVMH.

"Cela reflète simplement le fait qu'ils sous-performent leurs pairs sur tous les tableaux : leurs performances sont plus faibles en termes de recettes, de coûts et de profit", résume Penelope Butcher, analyste chez Morgan Stanley.

Et en cas de rechute de l'économie en récession, Air France-KLM pourrait s'avérer particulièrement vulnérable, estiment des analystes, qui rappellent que la crise de 2008-2009 s'était soldée pour la compagnie par une perte opérationnelle abyssale de 1,3 milliard d'euros pour l'exercice clos en mars 2010.

"C'était de loin la pire performance financière de toutes les compagnies aériennes européennes que l'on suit", rappelle Neil Glynn, analyste chez Credit Suisse. "Cela fait craindre au marché qu'ils soient moins bien équipés que leurs pairs pour faire face en 2012 à une nouvelle récession - ou même simplement une conjoncture économique plus faible."

L'action se traitait à 6,637 euros vendredi matin, après une descente aux enfers quasi ininterrompue depuis son dernier pic à près de 38 euros en mai 2007. Depuis le 24 janvier, date de la première cotation d'IAG, l'action Air France KLM a chuté de 51% contre 27% pour Lufthansa et 39% pour IAG.

Depuis le début de l'année, le titre accuse ainsi la plus mauvaise performance de l'indice SBF120.

Talon d'achille

Compagnie européenne la plus cyclique, Air France-KLM devrait être plus pénalisée que les autres par la conjoncture, son levier opérationnel étant plus fort et ses coûts fixes plus élevés que ses concurrents, souligne Loïc Sabatier, analyste chez Chevreux.

"Elle est plus calibrée pour la croissance que les autres, mais moins pour les phases de ralentissement", souligne-t-il. "En outre elle a été un peu moins agressive que ses concurrentes en terme de réductions de coûts ces dernières années".

Le talon d'Achille d'Air France-KLM, dont l'Etat français détient 15,7% du capital et les salariés 9,8%, sont ses coûts salariaux. Selon les données publiées par les groupes pour janvier-juin, les coûts de personnel, son premier poste des charges d'exploitation, ont représenté quelque 32% de son chiffre d'affaires, contre 24% pour Lufthansa et 25% pour IAG.

Une parade trouvée par la direction d'Air France, pour éviter une confrontation trop brutale avec les syndicats, a été de lancer un projet de bases en province, avec des vols moyen-courriers depuis Marseille à partir de début octobre, avant Nice, Toulouse et Bordeaux au printemps 2012, avec l'ambition de réduire les coûts opérationnels de 15%.

Mais le projet a été présenté à grand renfort de publicité il y a déjà un an, laissant tout loisir aux compagnies "low cost" EasyJet et Ryanair de se positionner.

"C'est la démonstration éclatante du temps qu'il leur faut pour mettre en oeuvre des changements structurels significatifs en matière de coûts, qui sont d'autant plus nécessaires que l'environnement est très incertain sur le plan des recettes", souligne Neil Glynn, de Credit Suisse.

Alors qu'un responsable du secteur aérien confiait récemment à Reuters constater "un certain flottement" au sein d'Air France-KLM, Penelope Butcher, de Morgan Stanley, dénonce le manque de réactivité chronique du groupe franco-néerlandais.

"C'est ça que je ne trouve pas clair en ce moment : pourquoi ne prennent-ils pas de mesures plus volontaristes concernant les problèmes existants plutôt que de s'inquiéter de leur stratégie sur plusieurs années ?" s'interroge-t-elle, faisant référence au projet pluriannuel "Embark" présenté fin 2010.

Compagnie européenne la plus affectée par le "printemps arabe", Air France-KLM n'a quasiment pas modifié son programme de vols vers des destinations comme l'Egypte et la Tunisie.

"Pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi ne pas déplacer les avions vers d'autres destinations ?", s'interroge Penelope Butcher. "Faire voler des avions qui ne sont pas plein pèse lourdement sur le chiffre d'affaires et les coûts".

Résultat opérationnel positif

Air France-KLM, qui cale désormais ses exercices sur l'année calendaire, s'est borné à prévoir fin juillet un résultat opérationnel positif en 2011, alors qu'il comptait auparavant dépasser les 28 millions de l'année 2010 en données pro forma.

Avec l'aggravation de la crise financière début août, la perspective même d'un résultat opérationnel positif paraît hors de portée. Neil Glynn estime qu'Air France-KLM sera déficitaire non seulement cette année, mais aussi l'année prochaine.

"Pour le moment, je ne pense pas qu'ils aient nécessairement besoin de reporter des livraisons, céder des actifs ou lever des capitaux", estime-t-il. "Mais si on a un 'double dip', alors je pense que c'est une probabilité très forte".

Car Air France-KLM est entrée dans la nouvelle zone de turbulences financières avec un bilan très détérioré. Au 30 juin, sa dette nette atteignait le niveau abyssal de 6,04 milliards d'euros, contre 1,4 milliard pour Lufthansa et 480 millions pour IAG. Quant à son ratio d'endettement, il s'élève à 0,92 - contre 0,50 pour Lufthansa et 0,42 pour IAG.

Les choses ne risquent pas de s'arranger avec la méga-commande d'une centaine de long courriers à Boeing et Airbus attendue très prochainement.

"Si vous vous inquiétez des aspects dette et leverage, ce qui semble le cas de l'Europe, ils sont aussi les plus mauvais sur ce point-là", souligne Penelope Butcher (Morgan Stanley).

Contactés par Reuters via le service de presse, les dirigeants de la compagnie n'ont pas donné suite à nos demandes d'entretien.