Comment Air France trouve les moyens d'ouvrir la ligne Paris-Wuhan ?

Par Virginie Mangin à Wuhan avec Fabrice Gliszczynski  |   |  668  mots
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La compagnie française a inauguré une nouvelle ligne vers la Chine. Pour compenser les pertes, elle reçoit une aide financière des autorités locales.

L'ouverture d'une ligne long-courrier est toujours risquée. Son retour sur investissement est long, très rarement obtenu dès la première année d'exploitation, même pendant les périodes fastes. Aussi, avec un prix du baril pétrole flirtant avec les 120 dollars, autant d'incertitudes sur le plan économique, et une situation financière aussi tendue, comment Air France peut-elle ouvrir ce jeudi 12 avril la ligne Paris-Wuhan à raison de trois vols par semaine avec un B777-200 ER de 309 sièges ? C'est simple. La compagnie française perçoit une aide financière (et logistique) de la part des autorités locales pour aider au démarrage de cette ligne ont indiqué à La Tribune plusieurs sources internes au transporteur. « La ligne devrait être ainsi rentable la première année, puis déficitaire le temps de trouver notre équilibre" raconte l'une d'elles.

Encadrées en Europe, ces aides sont plus opaque dans les pays tiers

Ce n'est pas une surprise. Le 13 septembre 2010, à l'occasion d'une visite à Wuhan à laquelle participait La Tribune, Dominique Bussereau, le ministre français des transports de l'époque,s'était vu entendre dire de la bouche de Yang Song, le secrétaire général du parti communiste de la ville de Wuhan qu'il était prêt à apporter une subvention pour ce vol. Selon certaines sources à l'époque, non démenties, il était question de 30.000 euros par vol durant la première année d'exploitation uniquement. Très encadrées en Europe, ces aides dans les pays tiers sont beaucoup plus opaques. Même si la pratique semble répandue dit-on chez Air France.Un sacré clin d'?il néanmoins par rapport à l'attitude de la compagnie tricolore en Europe qui ne cesse de dénoncer les aides reçues par Ryanair des collectivités locales.

80 entreprises françaises à Wuhan

Avec cette nouvelle ligne vers Wuhan (la neuvième en Chine pour Air France-KLM, la quatrième pour Air France), la compagnie française compte sur le potentiel de cette ville située au centre de la Chine à devenir un grand hub logistique et industriel mais aussi sur la forte présence française. 80 entreprises françaises y sont implantées dont PSA, Veolia et Keolis. L'ouverture de cette ligne la montre bien l'importance de la chine pour Air France (le pays génère 5% de son chiffre d'affaires). Vendredi, Air France signera avec China Eastern, un accord commercial de partages de coûts et de recettes, à la manière de celui déjà en vigueur avec China Southern.

L'A380 à Shanghai cet été?

Pour monter en puissance, Air France espère bénéficier de l'accord signé en 2011 entre la France et la Chine qui autorise une augmentation du nombre de vols entre les deux pays, de 38 par semaine aujourd'hui à 50. Mais, même si l'ouverture d'une autre ligne vers la Chine est à l'étude, la priorité d'Air France est de consolider ses lignes existantes. "Nous cherchons maintenant l'équilibre et le profit de nos lignes" a indiqué Jean-Cyril Spinetta, le PDG d'Air France-KLM. En effet, malgré des bons taux de remplissage, seules les lignes vers Pékin et Shanghai sont rentables. Canton, pourtant ouvert en 2005, est "une destination difficile", selon Jean-Cyril Spinetta. Lufthansa vient d'y fermer sa ligne. La compagnie peine à attirer la même clientèle d'hommes d'affaires qui fait son succès sur la ligne Shanghai-Paris. A moyen terme Air France va augmenter la fréquence de ses vols sur Pekin et Shanghai, et espère rapidement monter à 5 vols par semaine sur la ligne Paris-Wuhan. En août, Air France pourrait positionner un A380 à Shanghai. Les négociations sont toujours en cours. L'autorisation pourrait bien être conditionnée au bras de fer qui oppose aujourd'hui la Chine et l'Union européenne au sujet des échanges de quotas de permis d'émissions de CO2. Air France redoute notamment la mise en place d'une taxe spécifique aux compagnies aériennes européennes. "Nous serions serait doublement pénalisés" s'exclame Jean-Cyril Spinetta.