Le gouvernement ne veut pas de licenciements à Air France

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  893  mots
Le PDG d'Air France, Alexandre de Juniac / Reuters
La compagnie a présenté son projet industriel, qui sera finalisé fin juin à l'issue des négociations avec les syndicats sur des nouveaux accords d'entreprise. Le volet social sera annoncé à ce moment-là. Les syndicats restent sur leur faim. Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, sera attentif à ce que le plan évite les licenciements.

Finies les cogitations. Après avoir mis sur la table toutes les hypothèses possibles pour redresser l'entreprise, Air France a tranché. Ce jeudi en comité central d'entreprise (CCE), la direction a présenté le business plan retenu pour sortir la tête de l'eau. Les conditions de sa mise en ?uvre vont désormais faire l'objet de négociations avec les syndicats dans l'espoir de signer d'ici au 30 juin de nouveaux accords d'entreprise. Ce plan d'Air France constitue la partie la plus importante du projet d'Air France-KLM visant à réduire la dette du groupe : de 6,5 milliards d'euros aujourd'hui à 2 milliards d'euros d'ici à 2015.

Cela va passer par la génération de deux milliards de cash flow (après investissements) au cours des trois prochaines années, obtenue par l'effet combiné de mesures immédiates d'économies en place depuis janvier (gel des salaires, réduction des investissements...) et structurelles par l'augmentation de la flexibilité et de la productivité (+ 20 %) du personnel. Pas de gros changements concernant le périmètre d'activité du groupe, plus ou moins maintenu dans ses grandes lignes avec une activité de transports de passagers, de marchandise et de maintenance.

Trois compagnies sur le moyen-courrier

Sur le moyen-courrier, le plus gros foyer de pertes d'Air France (600 millions de pertes l'an dernier), la compagnie française a décidé de se concentrer sur trois pôles. Elle va assurer sous sa marque l'alimentation du hub de Roissy ainsi que les grosses lignes à fort potentiel de clientèle affaires à la fois en France et en Europe ainsi que sur les vols au départ des bases de Marseille, Toulouse et Nice. Une activité amenée à peser 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2014, contre 5 milliards aujourd'hui. En parallèle, les compagnies régionales Britair, Regional et Airlinair seront regroupées pour former une compagnie commune, qui pèsera 1 milliard d'euros en 2014. Elle assurera des vols pour le compte d'Air France (alimentation du hub de Roissy) ainsi qu'une activité en propre sur des vols de point-à-point au départ d'Orly et de province. Ce pôle sera dirigé par Lionel Guérin, PDG d'Airlinair et de Transavia (il continuera à le faire).

Enfin, la compagnie à bas coûts Transavia, va grossir en passant de 8 à 20 avions en 2015. Elle devrait générer un chiffre d'affaires de 420 millions. Elle sera basée à Orly sud, et assurera aussi des vols au départ de Roissy et de province. Des code-share avec Air France sont prévus sur les destinations uniquement desservies par Transavia. Les membres du programme de fidélité Flying Blue d'Air France-KLM pourront utiliser leurs miles sur Transavia.

Un plan de grande ampleur, selon Alexandre de Juniac

"C'est un plan de grande ampleur, explique Alexandre de Juniac, pour une offre en sièges kilomètres offerts identique, le groupe va retirer 34 avions d'ici à 2014". La direction espère atteindre l'équilibre d'exploitation sur les vols de point-à-point en 2013, puis sur l'ensemble de l'activité moyen-courrier en 2014. En long-courrier, la seule surprise c'est le manque de surprise. Le projet de créer une entité à vocation loisirs, abusivement appelée low-cost, est toujours dans les cartons. La priorité est d'améliorer le service dans les avions, en classe affaires et première notamment, mais aussi dans les aéroports. Le système de hub est quant à lui un peu détendu. L'objectif est de réaliser un bénéfice d'exploitation de 750 millions d'euros en 2014 (aujourd'hui à l'équilibre).

Un plan plus lourd socialement sans accords avec les syndicats

Reste maintenant à négocier et signer les accords. Ceux-ci vont évidemment entraîner un sureffectif qu'il faudra absorber. La façon de le traiter sera annoncée fin juin. Selon nos informations, un plan de départs volontaires de 2500-3000 personnes est dans les cartons. La direction ne donne pas de chiffre car, précise le PDG d'Air France Alexandre de Juniac, "le plan n'est pas finalisé et le résultat de la négociation n'est pas connu". Si tout sera fait pour éviter les départs contraints, Alexandre de Juniac menace que "s'il n'y a pas d'accord, le maintien du périmètre n'est pas garanti et l'impact sur l'emploi sera plus lourd".  

Un scénario dont ne veut pas entendre le gouvernement. Jeudi soir, le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuvillier, a annoncé qu'il s'était entretenu ce jeudi avec Alexandre de Juniac. Lors de ce rendez-vous, le ministre lui a indiqué qu'il serait "particulièrement attentif tout au long des mois à venir à ce que la compagnie (...) puisse se donner les moyens de son redressement, en écartant tout plan prévoyant des départs non volontaires". L'Etat est actionnaire d'Air France-KLM à hauteur de 15 %. Il a ajouté avoir pris acte de "l'engagement de la compagnie de ne pas prévoir de départs contraints".

Les syndicats sur leur faim

Les syndicats n'ont pas l'air convaincu. Pour Franck Mikula, délégué de l'Unac (hôtesses et stewards), "il n'y a pas d'annonce spectaculaire, mais pas non plus de garantie sur l'emploi". Michel Colsy, de l'Unsa aérien, a estimé que "la montagne avait accouché d'une souris". "Ce plan nous laisse sur notre faim, il manque de souffle", a-t-il ajouté. Franck Mikula s'est par ailleurs inquiété d'une telle réduction de la flotte. "Cela veut dire qu'on ne parie pas sur un gain d'activité", a-t-il commenté.