Le vote de l'Etat contre la prime de l'ex patron d'Air France ne servira à rien

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  750  mots
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Les services juridiques d'Air France ont planché sur la prime de non-concurrence de 400.000 euros versée à Pierre-Henri Gourgeon écarté en octobre 2011, non pas en raison des mauvais résultats d'Air France, mais à cause d'une guerre des chefs avec le président Jean-Cyril Spinetta. Il n'y aurait pas de faille juridique. Un rejet des actionnaires ne ferait que pointer leur désaccord sur une question qui a été résolue dans les règles. Les administrateurs salariés d'Air France s'insurgent.

Pierre-Henri Gourgeon, l'ancien directeur général d'Air France-KLM et d'Air France écarté en octobre se retrouve dans le viseur de L'Etat et des salariés de la compagnie. La prime de non-concurrence de 400.000 euros qu'il a reçue suscite une polémique depuis sa dénonciation la semaine dernière par le syndicat Unsa-aérien, au moment où Air France gèle les salaires et prépare un plan de départs. Alors que ce point fait l'objet d'une résolution à l'assemblée générale du groupe prévue ce jeudi, l'Etat, actionnaire d'Air France/KLM à hauteur de 15,7%, a décidé de voter "contre" le versement de cette prime, a annoncé mercredi le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. "Nous voterons contre la prime qui a été accordée à l'ancien dirigeant d'Air France et qui a mis la société dans cette grave difficulté, cela s'appelle la décence salariale", a déclaré M. Montebourg à l'issue du Conseil des ministres. La veille, Bercy avait évoqué une "abstention" de l'Etat actionnaire. Le secrétaire général de l'Unsa, Luc Bérille, s'est félicité mercredi de la décision du gouvernement de voter "contre" le versement d'une prime de non-concurrence à Pierre-Henri Gourgeon, ex-directeur général d'Air France/KLM, une mesure qu'il a qualifiée de "scandaleuse".

Pas de faille juridique
Que vaudra ce vote du représentant de l'Etat qui au passage était le même qui avait voté pour en octobre dernier en conseil d'administration ? Et si cette résolution est rejetée par l'assemblée que ce passera t-il ? Pierre-Henri Gourgeon, qui a déjà touché cette prime en parallèle d'une indemnité de départ de plus d'un million d'euros (qui ne fait pas l'objet d'une résolution) devra t-il la rembourser ? Selon nos informations, le service juridique d'Air France a planché sur le sujet et il n'y aurait pas d'angle d'attaque sur le plan juridique pour revenir en arrière, car il s'agit d'une convention légale entre deux parties, Air France et Pierre-Henri Gourgeon. « Il y aurait le constat d'un désaccord des actionnaires sur quelque chose qui a été fait dans les règles », observe un connaisseur du dossier. « Il y a une faiblesse morale, mais pas de faiblesse juridique », regrette t-il. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'une convention entre deux parties, Pierre-Henri Gourgeon s'engageant à ne pas accepter d'aller travailler chez un concurrent. Seule possibilité : que sous la pression Pierre-Henri Gourgeon et Air France décident d'un commun accord de négocier une autre convention.

Pas de prime de non-concurrence prévue
Cette prime de non-concurrence choque et étonne beaucoup de salariés pour une multitude de raisons. Déjà son existence interpelle. Dans le rapport annuel de l'année 2010, que les actionnaires avaient entre les mains en juillet 2011, il était écrit page 24. « Il n'existe pas d'indemnités de non-concurrence en cas de départ du Président (Jean-Cyril Spinetta, ndlr) et du directeur général (Pierre-Henri Gourgeon) ». Trois mois plus tard, ce dernier obtenait une prime de non-concurrence. "Ce n'est pas parce qu'une chose n'est pas prévue, qu'elle ne peut pas se faire ultérieurement", expliquent certains chez Air France. Certes.

Pierre-Gourgeon n'a pas été écarté pour les mauvais résultats
En outre, c'est à la fois le montant et le principe de cette prime qui suscitent l'indignation des salariés. En gros, pourquoi donner une telle prime à quelqu'un sanctionné pour ses mauvais résultats, comme le dit volontiers Arnaud Montebourg ? Pour autant, cet argument n'est pas le bon. Pierre-Henri Gourgeon n'a pas été limogé pour les mauvais résultats du groupe mais à l'issue d'une guerre des chefs avec Jean-Cyril Spinetta, qui l'a emportée. «Des différences d'appréciation assez normales se sont malheureusement cristallisées en conflit de légitimité, indiquait Jean-Cyril Spinetta aux cadres d'Air France au lendemain de la « démission », de Pierre-Henri Gourgeon.
 

Les administrateurs salariés fermement opposés

En attendant, les administrateurs d'Air France représentants les salariés du groupe Air France (principale filiale d'Air France-KLM) se sont déclarés "sur le fond fermement opposés au versement de cette prime, alors que des efforts importants sont aujourd'hui demandés aux salariés et que l'entreprise n'est toujours pas sortie des difficultés". Et d'ajouter : "sur la forme, nous estimons que le conseil d'administration d'Air France (...) n'a pas été consulté sur l'attribution de cette prime. C'est le conseil d'administration d'Air France-KLM, et lui seul, qui a décidé de ce versement".