Les ferries de SeaFrance bientôt vendus aux enchères

Par Claire Garnier  |   |  755  mots
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La SNCF, ex-maison mère de SeaFrance, n'entend pas s'asseoir sur sa créance de 70 millions d'euros. D'où l'idée d'une vente aux enchères en vue d'améliorer les offres du premier appel d'offres.

L'hypothèse d'une vente des navires de SeaFrance à la barre du tribunal se confirme, selon une source proche du dossier, jointe ce jeudi par "latribune.fr". L'officialisation de cette vente judiciaire par le liquidateur Maître Gorrias pourrait avoir lieu vendredi 1er juin. Après l'appel d'offres de mai, ce "deuxième tour" est destiné à améliorer les offres de rachat des navires du point de vue du liquidateur. Ce dernier veille sur les intérêts des créanciers depuis la liquidation de la compagnie de la SNCF en janvier 2012 avec 880 salariés en France.

Le montant de ces créances cumulées s'élève à environ 150 millions d'euros, or les prix proposés à l'issue de l'appel d'offres du mois de mai ne lui permettent pas de couvrir toutes les créances, dont celle prioritaire de la SNCF de 70 millions d'euros au titre de "l'aide au sauvetage" en 2011. Le "prix plancher" fixé pour cette vente aux enchères pourrait être de l'ordre de 65 millions d'euros, c'est-à-dire le prix proposé par Eurotunnel lors du premier appel d'offres pour la reprise des actifs de SeaFrance. Des sources concordantes indiquent que l'ensemble des créances ne pourra cependant pas être couvertes par cette vente judiciaire. La SNCF pourrait donc finalement laisser des plumes dans ce dossier. Bien qu'elle n'entend pas s'asseoir sur sa créance, certains estiment qu'elle "fera en sorte que les petits créanciers puissent récupérer leur part de la créance"

Eurotunnel a fait une offre deux fois plus faibles que prévue

Rappel des résultats de l'appel d'offres : Eurotunnel, exploitant du lien fixe transmanche, avait fait la meilleure offre à 65 millions d'euros, légèrement supérieure à celle de l'alliance entre le français Louis-Dreyfus Armateurs et le danois DFDS, qui exploite déjà deux ferries sur Calais-Douvres (avec 300 salariés dont 230 ex-SeaFrance). Le suédois Stena, qui n'est pas présent sur le Détroit du pas de Calais, avait de son côté proposé 30 millions d'euros pour l'achat du seul Rodin. L'offre d'Eurotunnel avait surpris les observateurs car elle était deux fois plus faible que celle annoncée jusque là par le PDG de l'opérateur du tunnel sour la Manche, Jacques Gounon.

En présentant à la presse le 1er mars 2012 les résultats de l'exercice 2011, Jacques Gounon avait en effet précisé qu'Eurotunnel était "capable de payer cash les trois navires Berlioz, Rodin et Nord Pas de Calais pour un montant de 120 à 150 millions d'euros" ("latribune.fr du 1er mars 2012). Pour mémoire, le projet d'Eurotunnel repose sur un montage avec une société d'investissement (Eurotunnel), qui achèterait les navires et les louerait à une "structure d'exploitation". Dans le cas d'espèce, la structure aurait la forme juridique d'une SCOP, constituée d'anciens salariés de SeaFrance et qui serait adossée à une structure commerciale distincte.

Le nouveau ministre Frédéric Cuvillier pas favorable à la SCOP

S'il n'est pas censé intervenir dans un dossier judiciaire, le nouveau ministre socialiste délégué aux Transports et à l'Economie maritime, Frédéric Cuvillier, interrogé dans le cadre d'une interview accordée au "Marin" sur le projet de la SCOP, juge, semble-t-il, cette piste peu crédible sur le plan économique. "Je pense que la suite à donner dans cette affaire, qui est entre les mains du liquidateur, doit prendre en compte à la fois la plus-value sociale des offres ainsi que leur crédibilité dans un marché tendu. On ne doit ni déstabiliser le marché, ni prendre le risque de se retrouver avec un nouveau SeaFrance dans deux ans. Rien ne serait pire pour la cause de l'économie sociale et solidaire qu'une reprise qui ne se trouve pas, au final, être durable ni pérenne".  Voilà qui devrait aller droit au c?ur de P&O, qui exploite six ferries, dont deux géants tout neufs, sur Calais/Douvres. Le britannique s'est dit prêt à attaquer Eurotunnel à Bruxelles pour abus de position dominante si Eurotunnel mettait son projet à exécution.

Le dossier SeaFrance qui avait déjà pimenté la campagne présidentielle pourrait aussi animer la campagne des législatives (la Tribune.fr 29 mai). Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche dans le Pas-de-Calais contre Marine Le Pen doit tenir un meeting à Calais ce jeudi 31 mai. C'est un défenseur de la SCOP des ex SeaFrance, comme le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et le ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire, Benoit Hamon, qui avait pris deux "actions" SCOP avant sa nomination au gouvernement.