Les compagnies aériennes européennes s'enfoncent dans la crise

Par Fabrice Gliszczynski (à Pékin)  |   |  729  mots
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L'Iata, l'association internationale du transport aérien, estime que les compagnies européennes ne vont plus perdre 500 millions d'euros en 2012 comme prévu, mais 1,1 milliard. A part l'Afrique, les compagnies des autres zones géographiques seront rentables et le secteur devrait gagner au final 3 milliards de dollars.

Les compagnies traditionnelles européennes sont plus que jamais le maillon faible du transport aérien mondial. Leurs difficultés sont au c?ur des préoccupations de l'assemblée générale de  l'association internationale du transport aérien (Iata), qui se tient ce lundi à Pékin, sans les low-cost qui ne sont pas membres. Car si, par rapport à ses dernières estimations réalisées en mars, l'Iata n'a pas modifié sa prévision financière pour l'ensemble du secteur en 2012 (3 milliards de bénéfices), « presque tout a changé dans l'équation», a indiqué son directeur général Tony Tyler.

Le prix du baril de brent estimé à 110 dollars en moyenne sur l'année

Les prévisions de pertes nettes pour les compagnies européennes sont en effet quasiment doublées. Estimées en mars à 500 millions de dollars, elles devraient atteindre 1,1 milliard de dollars. Soit une dégradation de 1,6 milliard par rapport aux 500 millions de bénéfices dégagés en 2011. Avec l'Afrique dont l'agrégation des résultats des différents membres devraient déboucher sur une perte de 100 millions de dollars, le transport aérien européen sera le seul à être dans le rouge cette année. Les transporteurs nord-américains devraient en effet dégager 1,4 milliard de bénéfices (500 millions de dollars de plus que prévu) ; ceux d'Asie-Pacifique,  deux milliards ; tandis que les compagnies d'Amérique latine et du Moyen-Orient devraient enregistrer un profit de 400 millions chacune. Ces prévisions financières ont été élaborées avec un prix moyen du baril de Brent estimé à 110 dollars sur l'année, cinq dollars de moins que prévu initialement.

Détérioration de la situation dans la zone euro

Principale explication des problèmes des acteurs européens selon l'Iata: l'environnement économique. « Nous estimons que la crise de la dette souveraine dans la zone euro va s'intensifier avec un impact sur la croissance au deuxième semestre. C'est pour cela que nous dégradé l'Europe », a déclaré à la manière d'un agent de notation, Brian Pearce, le chef économiste de l'Iata, qui redoute que la crise de la dette ne se transforme en crise bancaire. Un scénario catastrophe qui ferait plonger l'ensemble du secteur dans le rouge.

Menaces de faillites

Après les disparitions de l'espagnole Spanair et de la hongroise Malev, Brian Pearce n'exclut pas d'autres faillites et liquidations. « Il y a clairement de telles possibilités », a-t-il dit. Surtout, avec leur « niveau de cash flow », très faible.

Outre la crise de la zone euro, les compagnies traditionnelles européennes sont confrontées à univers concurrentiel plus féroce qu'ailleurs. Notamment sur le long-courrier, où les transporteurs du Golfe comme Emirates, Qatar Airways ou encore Etihad ne cessent d'augmenter leur capacité entre l'Europe et l'Asie. Et sur le moyen-courrier, Ryanair, Easyjet et autres low-cost sont aussi plus agressives.

Les plans d'économies se multiplient
Au final, le cocktail est explosif. Surtout pour les  compagnies qui n'ont pas fait suffisamment d'efforts ces dernières années pour réduire leurs coûts. C'est le cas d'Air France-KLM et plus précisément d'Air France qui tente d'arracher avec les syndicats des accords de baisse de coûts. Elle n'est pas la seule. SAS réfléchit aussi à de nouvelles économies. Même les plus solides comme Lufthansa ou  International Airlines Group le holding qui coiffe British Airways et Iberia), sont obligées de durcir leur plan d'économies. Même s'ils visent tous deux un bénéfice en 2012, leurs pertes au premier trimestre sont inquiétantes.

Plus de profits pour les compagnies américaines!

En revanche, bénéficiant du passage sous chapitre 11 dans les années 2000 (American y est aujourd'hui) qui leur a permis de se restructurer,  les compagnies aériennes américaines impressionnent aujourd'hui. Si les prévisions de l'Iata s'avèrent justes (1,4 milliard de dollars de bénéfices), la performance des Delta, United ... sera meilleure que celle de l'année dernière. Ceci alors même que la croissance de la demande (+0,5%) est la plus faible de la planète. Mais en stabilisant leur offre en sièges kilomètres offerts (+0,1%) à un niveau inférieur à la croissance du trafic, les compagnies américaines améliorent à la fois leur coefficient d'occupation et le prix moyen de leurs billets. Leurs recettes unitaires progressent quand elles baissent en Europe.