Air France : redressement judiciaire salvateur pour son comité central d'entreprise

Par F.G.  |   |  787  mots
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Le comité central d'entreprise (CCE) d'Air France, en proie à de graves difficultés financières depuis 2009 et en situation de cessation de paiement, a été placé mardi en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance de Bobigny,

Déficits budgétaires chroniques, trésorerie structurellement déficitaire maintenue à l'équilibre grâce à l'aide d'Air France, valse des bureaux... tout ce qui a rythmé la vie du Comité central d'entreprise (CCE) pendant des années se paye ce mardi. Trois ans après qu'un ministre de la République (Dominique Bussereau) se soit épanché sur la gestion du comité central d'entreprise (CCE) d'Air France à l'Assemblée nationale, le CCE de la compagnie tricolore, malgré ses 90 millions d'euros de budget annuel, a été placé ce mardi en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance de Bobigny. Ceci avec une période d'observation de 6 mois qui débute  rétroactivement au 5 février 2013, jour où la procédure de sauvegarde a été enclenchée.

Désormais, c'est l'administrateur judiciaire qui prend les manettes du CCE, lequel gère les activités sociales et culturelles des 53.200 salariés d'Air France. Il pourra décider, avec l'autorisation du juge, de mettre en place de nouvelles mesures d'économies destinées à faire avancer le plan de restructuration. Ce dernier prévoit un plan de départs volontaires (PDV) de 52 salariés associé à un emprunt, via une fiducie (transfert de biens à un tiers jusqu'à leur vente, en échange de lignes de crédit).

Des années d'agonie
Depuis des années le CCE est le théâtre de luttes syndicales intestines. S'est ajouté un contentieux avec l'un des huit comités d'établissement (CE) regroupés dans le CCE, celui des navigants (pilotes), ce qui a envenimé la situation. Le CEE est à l'agonie depuis des années. Dès 2005, son déficit s'élevait à 8 millions d'euros. En 2009, le déficit cumulé entre 2005 et 2008 se chiffrait à 15 millions d'euros. Fin 2009-début 2010, une expertise indépendante de la société Ina avait pointé la gestion discutable du CCE avec notamment quelques pratiques étonnantes. En 2011, la CGT a repris les rênes du bureau du CCE, lançant un plan de redressement pour la période 2011-2014 qui prévoyait la vente d'environ 30% du patrimoine (ce qui devait permettre de récupérer environ 40 millions d'euros) et des suppressions de postes sans licenciement. Le vote d'un plan de départs volontaires (PDV, environ 90 postes à supprimer) associé à un emprunt, via une fiducie (transfert de biens à un tiers jusqu'à leur vente, en échange de lignes de crédit, avait évité in extremis la cessation de paiement en juillet 2012. Mais seuls 12 millions d'euros sur les 17 prévus ont été débloqués. Une majorité d'élus a refusé d'accorder davantage de moyens financiers au CCE, arguant du fait que le bureau n'avait pas mis en place suffisamment de départs volontaires dans le cadre du plan de restructuration.

Le vote qui a précipité la chute
Fin mars 2013 en effet, les élus du CCE avaient refusé leur confiance au bureau CGT-FO du CCE pour poursuivre sa restructuration financière, en votant contre une augmentation de ses liquidités par la vente de patrimoine. Le vote contre l'élargissement de fiducie de 4,5 millions avait provoqué la démission du représentant FO du bureau du CCE. Cet apport de liquidités devait permettre de payer les indemnités de départ volontaire de 52 salariés du CCE et donner une bouffée d'oxygène à la trésorerie. Le mandataire judiciaire avait estimé qu'il fallait 22 départs supplémentaires pour atteindre le plan de redressement voté en 2012. Le secrétaire CGT du CCE, Didier Fauverte, avait déclaré solennellement en séance que le bureau s'engageait à faire les économies demandées, y compris un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qu'il avait refusé jusqu'alors, selon les élus. Cela n'avait pas suffit pour convaincre les autres élus. « Nous n'avons pas confiance dans ce bureau pour mettre en oeuvre le plan de redressement », avait déclaré Michel Salomon, élu CFDT. « On pense qu'aujourd'hui seul le mandataire peut le faire » avait-t-il jugé, se disant prêt à voter un élargissement de la fiducie seulement dans le cadre d'un redressement judiciaire. C'est désormais le cas.

Selon le rapport de l'expert-comptable désigné par la justice pour déterminer si le CCE était ou non en cessation de paiement, l'expert avait souligné qu'au moment où il a examiné les comptes, les dépenses encore prévues d'ici à la fin du mois d'avril (reversements aux différents CE d'une partie de la subvention d'Air France ou versement des salaires) excédaient l'actif disponible. La dette du CCE contractée auprès des CE s'élève notamment à 902.000 euros, auxquels s'ajoutent 726.000 euros de dettes liées à un plan de départs volontaires au sein même du CCE. Pour lui, donc, l'état de cessation des paiements du CCE d'Air France "est donc caractérisé".