Concurrence : face aux puissants taxis, les chauffeurs privés appuient sur le klaxon

Par Mounia Van De Casteele  |   |  625  mots
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Rien n'est officiel pour l'instant mais selon certains médias, le gouvernement songerait à imposer aux véhicules avec chauffeurs, concurrents des taxis, un délai de 15 minutes entre la commande et la prise en charge du client.

15 minutes de trop ? Pour calmer la grogne des chauffeurs de taxis qui ont menacé de faire grève en juin après s'être massivement mobilisés en janvier dernier, le gouvernement réfléchirait à un délai de quelques minutes à imposer aux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) entre la commande et la prise en charge du client. C'est en tout cas ce qu'affirment certains médias mais rien n'est encore officiellement décidé.

Rappelons que les véhicules avec chauffeurs n'obéissent pas à la même réglementation que les chauffeurs de taxis qui voient en cette profession florissante une concurrence déloyale. Les VTC ont leurs propres règles, et ne doivent par exemple pas prendre des clients à la volée - comme peuvent le faire les taxis - mais uniquement sur réservation (par téléphone, internet et via des application mobiles). Autant dire que l'essor du numérique a plutôt joué en la faveur des véhicules avec chauffeurs. Les smartphones ont en effet permis de baisser les prix. " Avant, on faisait maximum une ou deux courses dans la journée. Une course revenait environ à 50 euros quand le taxi en demandait quinze. On commandait par téléphone à une société qui était basée loin du lieu de l'appel et le coût était trois fois plus cher que pour un taxi ", se souvient Yves Weisselberger, co-fondateur de SnapCar, l'une de ces sociétés concurrentes des taxis.

"Au-delà de 15 minutes, les clients ne commandent pas"

Si un tel délai de 15 minutes était imposé aux VTC, alors la profession craint que de nombreux clients ne se (re)tournent vers des taxis. Sachant que le délai moyen d'attente entre la commande d'un VTC et la prise en charge du client est de 10 minutes, rappelle Yves Weisselberger. " Mais les délais peuvent varier entre une et vingt minutes ", explique le co-fondateur de SnapCar. " Or, nous avons des statistiques, et nous avons remarqué que lorsque le temps d'attente excède 15 minutes, le client ne commande pas ", assure-t-il. "Ce délai de 15 minutes, c'est donc très malin de la part des taxis", ironise Yves Weisselberger. Et de poursuivre: "car oui ce sont les taxis qui en sont à l'origine! " Le chef d'entreprise précise que 75% des réservations prévoient un temps d'attente inférieur à 15 minutes. "Cette disposition peut tuer des entreprises, dont SnapCar ", s'alarme le patron de la société de VTC qui condamne cette disposition "qui protège une corporation de manière absurde".

Vue du ministère de l'Economie et des Finances, la colère des VTC n'a pas lieu d'être. Car "le projet de loi sur la consommation n'incluera aucun délai de ce type", assure-t-on au cabinet de Benoît Hamon. Même en admettant que ce délai soit imposé par le gouvernement, comment serait-il contrôlé? "On nage dans l'absurdité la plus totale", déplore l'entrepreneur.

Quid des autres pays?

Le très décrié rapport Attali préconisait d'ailleurs une déréglementation de la profession, arguant que "de façon générale, les études montrent que l'ouverture des professions réglementées à la concurrence fait baisser les prix, améliore la productivité, augmente l'offre et encourage l'innovation".

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Des études qui s'appuient sur les exemples étrangers, comme outre-Manche ou de l'autre côté de l'Atlantique. " Suite à leur déréglementation, le prix des services financiers a diminué selon l'OCDE de 70 % au Royaume-Uni et de 30 % aux États-Unis. Le nombre de taxis par habitant a augmenté des deux tiers entre 1989 et 1994 en Nouvelle-Zélande après la suppression des licences ", précisait ainsi l'économiste dans son rapport.