Taxis vs VTC : 15 minutes "qui ne servent à rien" ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  847  mots
Les VTC ne comptent pas se laisser faire et entendent bien faire annuler par tous les moyens possibles cette décision de leur imposer un délai de 15 minutes avant la prise en charge de leurs clients.
Les VTC désapprouvent la volonté gouvernementale d'imposer un délai de 15 minutes, qui semble sortie du chapeau de Manuel Valls. Et ils comptent bien empêcher l'application ou la sortie du décret.

Voici 15 minutes qui n'ont pas fini d'agiter les esprits ni les réseaux sociaux. Il s'agit de ce délai que le gouvernement a décidé d'imposer aux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) avant la prise en charge de leurs clients à compter du 1er janvier prochain.

Cette mesure, qui devait au départ ne concerner que les clients non abonnés des VTC, à quelques exceptions près, vaudra finalement pour tous leurs clients. Toutefois, cette règle destinée à apaiser la grogne des taxis qui accusent les VTC de concurrence déloyale, va-t-elle réellement être applicable, et surtout, (comment) sera-t-elle contrôlable en pratique ?

Les VTC n'ont pas l'intention de s'incliner

Pour les VTC, pas question de se laisser faire. Tous les moyens sont bons, pourvu que ce décret ne voit pas le jour. "On va se battre", lance Yves Weisselberger, le fondateur de SnapCar, l'une de ces sociétés de VTC.

Certes les taxis ont remporté la première manche, mais pour Camille Richard, président de la fédération des VTC, il s'agit d'un "combat d'arrière-garde" perdu d'avance par les taxis avec lesquels il assure du reste avoir toujours entretenu de très bonnes relations "depuis des siècles".

Celui-ci explique en effet que ce délai de 15 minutes ne rime à rien compte tenu des moyens de contournement, aussi bien juridiques que techniques à leur disposition. Leurs avocats sont d'ailleurs en train d'étudier les recours possibles afin que le décret ne sorte pas, ou, s'il sort, pour essayer de l'annuler ou de faire en sorte qu'il ne soit pas appliqué.

Les VTC misent sur le soutien de l'opinion publique et sur les réseaux sociaux

Cependant, les VTC comptent aussi beaucoup sur l'opinion publique. "Si la pression de l'opinion est importante, cela peut faire bouger les choses", espère Yves Weisselberger. Celui-ci évoque ainsi le prochain lancement d'une pétition en ligne. Les VTC souhaitent recueillir le plus grand nombre de soutiens, notamment grâce aux réseaux sociaux. Ils n'excluent pas non plus d'autres (très) prochaines actions.

En attendant, les réseaux sociaux semblent avoir déjà pris parti pour les VTC à en croire l'engouement suscité par le hashtag #PourNePasFaireDeConcurrence lancé sur Twitter par un client de VTC. Les VTC en ont profité pour créer un site du même nom qui recense les meilleurs des plus de 4.500 tweets d'internautes qui rivalisent d'imagination pour proposer des mesures extravagantes.

Ainsi certains internautes suggèrent par exemple d'imposer un délai de 15 minutes aux téléphones portables avant de lancer l'appel pour ne pas faire de concurrence aux téléphones fixes. D'autres proposent que le courrier électronique ne soit remis qu'à J+1 pour ne pas faire de concurrence au courrier postal. Bref, des mesures qui illustrent bien le grotesque de la situation entre VTC et taxis.

Le gouvernement va-t-il faire appel à des huissiers ?

Il faut en effet avouer que cette nouvelle mesure "pour mieux réguler la concurrence entre taxis et VTC" décidée par la ministre du Tourisme Sylvia Pinel et le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, peut surprendre, surtout dans un contexte concurrentiel. A ce propos, Yves Weisselberger ne mâche pas ses mots:

"Le décret est absurde dans sa sémantique même (...) et du point de vue de son exécution, il est tout aussi absurde".

Quoi qu'il en soit, même si ce décret était publié, serait-il appliqué, ou du moins, son application serait-elle contrôlable ? Si certains raillent la complexité de la manoeuvre, d'autres sont bien plus pragmatiques. A l'instar de Yan Hascoet fondateur et PDG de Chauffeur-privé. Selon lui, si le gouvernement veut contrôler l'application de cette règle, il le pourra. "Rien de plus facile: il suffit de faire appel à des policiers ou des huissiers", assure-t-il. Avant d'ajouter: "Après, la question est: le gouvernement le fera-t-il ?"

La solution: supprimer le statut d'auto-entrepreneur ?

En fin de compte, ces 15 minutes de délai permettront-elles de résoudre le problème des VTC et des taxis ? "Sûrement pas!", tranche, lapidaire, le patron de la fédération historique des VTC pour qui, "le gouvernement gère en réalité les intérêts de certains grands groupes comme la compagnie G7".

Selon lui, le nœud du problème est ailleurs: c'est cet "auto-entrepreneuriat organisé, industrialisé par un système de logistique lourde qui est à l'origine de la conjoncture actuelle".

"Certes, les nouvelles plateformes de réservation innovantes sont en position de concurrencer les taxis , mais c'est principalement parce qu'elles centralisent et industrialisent un statut fiscal d'auto-entrepreneuriat conçu pour le lancement d'activités individuelles. Les taxis ne sont pas en reste: ils constituent de façon détournée la moitié de ces nouveaux entrants dans cette profession alors qu'ils prétendent subir une concurrence déloyale".

Camille Rechard propose donc une (autre) solution brutale:

"Si on enlève le statut d'auto-entrepreneur, ça règle le problème".

Pour aller plus loin: Taxis vs VTC: le match continue sur la Toile