Air Asia X prouve que le low-cost, ça marche aussi en long-courrier !

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  974  mots
Air Asia X transporte 10 millions de passagers par an
La filiale long-courrier d'Air Asia compte exploiter 57 gros-porteurs d'ici à 2019, contre 15 aujourd'hui. Après un premier échec il y a deux ans, elle compte revenir en Europe, en particulier à Paris en 2015 ou 2016. Mais en exploitant un A330-300, un avion beaucoup plus performant que l'A340 utilisé lors de la première tentative.

 Ceux qui ont traduit l'arrêt des vols d'Air Asia X sur l'Europe en 2012 comme l'impossibilité de développer un modèle à bas coûts sur le long-courrier ont peut être parlé trop vite. Car la filiale long-courrier d'Air Asia, la plus grande low-cost d'Asie, est en train de prouver le contraire. Elle continue de se développer de manière rentable sur ses marchés et compte bien revenir à terme en Europe d'ici à deux ans à la faveur de sa commande de 25 A330-300 signée ce mercredi avec Airbus. "L'Europe est un marché important. Nous pensons revenir à Londres et Paris en 2016, voire en 2015", explique Tony Fernandes, le président fondateur d'Air Asia.

A330-300 pouvant arracher une masse au décollage de 242 tonnes

Mais pas avec le même avion que lors de la première tentative entre Paris et Kuala Lumpur. C'était un A340, un quadriréacteur gourmand en kérosène. Air Asia X compte cette fois sur la dernière version de l'A330-300 (prévue en 2015) celle disposant d'une masse au décollage de 242 tonnes, contre 235 tonnes aujourd'hui. Cette performance permet d'augmenter le rayon d'action de 500 miles (926 kilomètres) et de franchir des distances de 11.000 kilomètres ou d'embarquer plus de passagers avec le même rayon d'action. Aujourd'hui, les A330 dans la flotte d'Air Asia contiennent 377 sièges dont 12 en classe affaires. Deux autres options sont étudiées avec un nombre de sièges quasi-identique. L'une à 378 sièges (18 en classe affaires, 360 en classe économique), l'autre à 372 sièges (24+348). Dans tous les cas, il s'agira d'une hausse de capacité par rapport à l'A340 qui effectuait les vols sur Paris, lequel contenait 327 sièges (18 Business+309 Eco).

 Bangkok-Paris

L'A330 change tout. En plus de proposer une capacité supérieure que l'A340, il est moins gourmand en kérosène qu'un quadriréacteur. "L'A330 consomme 26% de moins que l'A340 par passager", a expliqué ce mercredi à La Tribune Azran Osman-Rani, le directeur général d'Air AsiaX, en aparté de la conférence de presse sur la commande d'Airbus. Ces vols vers Paris pourraient s'opérer soit de Kuala Lumpur en Malaisie, soit de Bangkok en Thaïlande (ou les deux) où Air Asia et Air Asia X vont se baser l'an prochain. Dans les deux cas, ils seront en correspondance avec tout le réseau asiatique de la compagnie.

100 gros porteurs low-cost d'ici à 5 ans en Asie 

Aujourd'hui, Air Asia X transporte 10 millions de passagers par an avec sa flotte de 15 A330. Avec cette commande signée mercredi, celle passée dans le même temps au loueur d'avions ILFC pour 6 appareils de la même catégorie, et les 10 A350-900 déjà commandés, Air Asia X prévoit une flotte de 57 appareils d'ici à 2019. Soit plus de la moitié des 100 gros-porteurs que les compagnies low-cost long-courriers possèderont en Asie selon Tony Fernandes.

Outre Air Asia X, d'autres transporteurs comme Qantas et Singapore Airlines se sont lancés, eux aussi, dans le low-cost long-courrier, en créant des filiales spécifiques (Jetstar et Scoot). Tony Fernandes estime l'offre low-cost long-courrier en Asie à 100 gros-porteurs au cours des 5 prochaines années. En Thaïlande, Nok Air et Scoot viennent de créer une compagnie low-cost long-courrier commune, pour tenter de contrer Thai Air AsiaX.

 Les avions volent plus

Air Asia X est donc peut-être en train de faire mentir tous les experts (ils sont ultra majoritaires) qui pensent que le low-cost long-courrier ne peut réussir. En raison notamment de l'impossibilité, affirment-ils de faire voler davantage les avions que ceux des compagnies classiques (c'est d'ailleurs l'argument d'Air France). Et de créer ainsi un écart significatif de productivité avion, comme c'est le cas sur le court et moyen-courrier. Sur les vols de courte et de moyenne distance, les avions des low-cost volent jusqu'à 12 ou 13 heures quand ceux des compagnies classiques se limitent à 8 heures. De fait, les low-cost répartissent les coûts fixes sur un plus grand nombre d'heures de vol.

 Demi-tours en 75 minutes

Azran Osman-Rani réfute l'idée que les compagnies classiques volent aussi longtemps que ses appareils. "Nos avions volent 17 heures, ceux des autres compagnies classiques asiatiques, 12 heures", affirme-t-il. Il cite en exemple tous les avions qui arrivent le matin sur un aéroport et repartent le soir pour leur vol retour.

"Pour satisfaire la clientèle affaires, ces compagnies assurent des vols de nuit sur le long-courrier. Ce qui les oblige souvent à rester toute la journée sur l'aéroport avant de décoller le soir. Nous, nos avions atterrissent sur un aéroport et redécollent 75 minutes après", explique-t-il.

 Les coûts les plus bas 

Combinée à une structure de coûts très basse, cette productivité avion permet à Air Asia X d'afficher des coûts de production les plus bas du secteur : "3,5 cents au siège kilomètres offerts (en dollars américains) contre 9 cents pour des compagnies comme Cathay Pacific, et 4 cents pour Air Asia). "Nos prix sont en moyenne 30 , à 50% inférieurs", assure-t-il. Malgré des coûts déjà très bas en raison des faibles coûts de main d'œuvre, plusieurs compagnies classiques comme Singapore Airlines ou Jetstar ont créé des filiales long-courrier.

 En Europe, Norwegian s'est lancée dans l'aventure

Le modèle d'Air Asia est-il transposable en Europe ? Les avis sont très tranchés. Norwegian, en pleine croissance, a franchi le Rubicon. Elle a lancé des vols long-courriers et vient de commander deux Boeing 787 supplémentaires. De quoi conforter les low cost moyen-courrier seront obligées, à terme, de trouver des leviers de croissance au long cours.

En tout cas, il semble, a priori, possible que certains mastodontes comme Easyjet puissent, une fois atteinte une taille critique sur certains gros aéroports, alimenter sans problème des vols long-courriers. Encore faudrait-il qu'ils le souhaitent. Easyjet a toujours écarté cette hypothèse.