Grève à la SNCM, le gouvernement accusé de jouer double jeu

Par latribune.fr  |   |  746  mots
Les syndicats réclament un actionnariat public et l'application du plan d'économies censé faire retrouver la rentabilité dans deux ans. (Photo : Reuters)
Après une période de deux ans sans grève, les bateaux de la SNCM resteront à quai mercredi. Les syndicats, qui ont déposé un préavis reconductible, réclament l'application du plan de sauvetage et un nouvel actionnariat public "d'intérêt général" pour remplacer Veolia-Transdev.

Des négociations sont en cours pour éviter un conflit, mais cela n'empêche pas les syndicats de la SNCM de maintenir la pression sur le gouvernement. Après deux années passées sans faire grève, les bateaux resteront à quai mercredi.

Les représentants des salariés réclament en effet l'application du plan de sauvetage et un nouvel actionnariat "d'intérêt général" pour remplacer Veolia-Transdev. Seul le syndicat nationaliste des travailleurs corses (STC) a décidé de ne pas à ce joindre à ce mouvement conduit par la CGT, majoritaire, et rejoint par le SAMMM, la CFDT et la CFE-CGC.

La direction est perplexe

Face à cette menace de grève, la direction de l'opérateur historique du transport maritime Corse-continent est partagée. Le préavis "est le fruit d'une inquiétude compréhensible des salariés concernant la mise en place concrète du plan industriel de relance proposé par le management et plébiscité par près de 60% des marins", estime le directeur communication de la SNCM, Pierre Jaumain.

Cependant, prévient-il, "si l'arrêt de la compagnie se confirme mercredi, sur les deux premiers jours, ce serait plus de 4.000 clients touchés pour un coût de près de 1 million d'euros".

Or la compagnie maritime aux 2.600 salariés, en proie à des difficultés de trésorerie et sous le coup d'une double condamnation de Bruxelles à rembourser 440 millions d'euros d'aides jugées illégales, traverse une phase critique.

Le problème : le retrait de Veolia bloque les soutiens bancaires

Au coeur du problème, l'actionnariat. Veolia, qui devait récupérer en direct les 66% détenus par Transdev, coentreprise formée avec la Caisse des dépôts, souhaite se désengager.

Dans ces conditions, le numéro un mondial de l'eau rechigne à apporter les garanties bancaires nécessaires, préférant le scénario du dépôt de bilan. Un scénario catastrophe de nouveau brandi juste avant Noël, l'actionnaire octroyant finalement in extremis un prêt de 13 millions d'euros à la SNCM, indispensable à la poursuite, jusqu'à fin janvier, de son activité.

Les syndicats réclament un soutien de l'Etat

Pourtant, l'entreprise, loin de son image "sclérosée et vieillotte", est "viable", martèlent à l'unisson syndicats et direction, convaincus de l'urgence du lancement du plan. Validé en juin, celui-ci doit permettre d'économiser 70 millions d'euros par an et d'atteindre la rentabilité en deux ans, via la suppression de 500 postes et le renouvellement des navires. A ce plan, ils veulent que s'ajoute un projet "d'actionnariat public d'intérêt général" avec la Caisse des dépôts et les collectivités, aux côtés de l'Etat (25%) et des salariés (9%).

"Veolia et Transdev ne doivent pas avoir droit de vie et de mort sur la SNCM", s'insurge le délégué CFE-CGC Maurice Perrin pour qui il est urgent de trouver de nouveaux partenaires.

Des solutions locales sont proposées

La ville de Marseille a récemment demandé de siéger au conseil de surveillance comme administrateur indépendant. Le conseil général des Bouches-du-Rhône s'est de son côté dit "prêt à entrer au capital de la SNCM", "dans le cadre d'un projet industriel" porté par un acteur privé. Dans ce sens, les holdings d'investissement Alandia et Fin'Active ainsi que deux armateurs, dont les noms n'ont pas été précisés, ont déjà manifesté leur intérêt.

Certains vont plus loin en plaidant pour "une maîtrise 100% publique", à l'image de sept élus communistes des régions Paca et Corse qui réclament une table ronde.

"Si les différents acteurs se mettent autour d'une table", une solution peut rapidement émerger, assure une source proche du dossier. A condition d'"une volonté politique", selon le président du directoire Marc Dufour, qui appelle "les actionnaires, dont l'Etat, à assumer leurs responsabilités".

Le gouvernement accusé de jouer "double jeu"

Car derrière les discours rassurants, le gouvernement joue "un double jeu", de l'avis de plusieurs protagonistes. Très critique, la CGT reproche au ministère des Transports de mettre un point un décret sur les règles sociales appliquées aux travailleurs étrangers qui "préserve les intérêts des armateurs", contrairement à ses engagements.

Selon le représentant syndical Frédéric Alpozzo, il organise la "libéralisation" du secteur, faisant ainsi le jeu de l'entreprise privée Corsica Ferries aux navires battant pavillon italien et aux équipages multinationaux.