Le patron de la SNCM sera-t-il renouvelé ?

Par latribune.fr  |   |  715  mots
Marc Dufour peut s'attendre à recevoir 6 votes négatifs sur 7 de la part des membres nommés par la multinationale française des transports Transdev, principal actionnaire de la SNCM.
Le conseil de surveillance de l'entreprise se réunit aujourd'hui pour examiner le renouvellement du mandat de Marc Dufour. En désaccord avec son actionnaire à 66%, le patron de la SNCM risque de ne pas être reconduit. Dans ce conflit, l'Etat s'est placé en arbitre.

Avec les voix de ses trois membres au conseil de surveillance, l'Etat - actionnaire à 25% de la SNCM - devrait faire pencher la balance entre le maintien ou non de la direction actuelle. En conflit avec son principal actionnaire, le groupe Transdev, Marc Dufour peut s'attendre à recevoir 6 votes négatifs sur 7 de la part des membres nommés par la multinationale française des transports (coentreprise de Veolia et de la Caisse des Dépôts et Consignations). 

Le soutien des salariés et des syndicats

Le patron de la compagnie maritime de traversée en ferry devrait néanmoins pouvoir compter aujourd'hui sur les quatre représentants des salariés, en faveur du renouvellement. Le management actuel de Marc Dufour, soutenu par les syndicats et les actionnaires salariés, souhaite poursuivre son oeuvre. Il porte depuis plus d'un an un plan de redressement de la compagnie, chroniquement déficitaire, qui implique l'achat de quatre nouveaux navires et 500 suppressions de postes sur 2.600.

En face, si le principal actionnaire (66%), Transdev, avait validé ce plan l'été dernier, il ne veut plus aujourd'hui entendre parler de ce projet auquel il "ne croit pas". Le groupe souhaite même se désengager de la compagnie maritime, opératrice historique des lignes entre la Corse et le continent, car il estime ne "pas avoir les moyens de financer" le développement de l'entreprise, ni les risques qui l'accompagnent.

La "menace" de la condamnation de Bruxelles

La SNCM est en effet sous le coup d'une condamnation de Bruxelles à rembourser 440 millions d'euros d'aides publiques, "une menace létale", selon le PDG de Transdev, Jean-Marc Janaillac. Une analyse contestée par les syndicats et la direction.

Antoine Frérot, le PDG de Veolia, coactionnaire avec la CDC de Transdev, a quant à lui souhaité publiquement "la mise sous protection du tribunal de commerce" de l'entreprise. Cette opposition, d'abord feutrée, s'est durcie ces derniers mois, Jean-Marc Janaillac pointant les "divergences persistantes" entre l'actionnaire de référence et les organes sociaux.

Des doutes sur les engagements de l'Etat 

Pour reprendre le contrôle au conseil de surveillance, Transdev a même tenté de démettre son président, Gérard Couturier, représentant de son groupe, mais "allié objectif" de la direction, via la convocation d'une assemblée générale. La composition du conseil de surveillance l'en a empêché. Le groupe a ensuite tenté de le faire par la voie judiciaire avec à la clef un nouvel échec.

Entre cet actionnaire et la direction, l'Etat. En janvier, après une grève de dix jours, le ministre - aujourd'hui secrétaire d'Etat - des Transports Frédéric Cuvillier, avait clairement soutenu le projet de la direction et lancé les études de financement, un sujet également à l'ordre du jour lundi.

Mais depuis, les syndicats et la direction ont douté de ces engagements. Il a fallu une nouvelle grève en avril, lors de laquelle la direction a évoqué "les silences" et les syndicats ont demandé un "arbitrage clair", pour entendre de nouveau le gouvernement. "Dès à présent, l'Etat se mobilise pour trouver d'ici la fin de l'année un actionnariat industriel portant le redressement de l'entreprise sur les bases de son plan long terme", a-t-il alors écrit aux syndicats. Lors du bras de fer autour de l'éviction de Gérard Couturier, les représentants de l'Etat se sont pourtant abstenus.

Le gouvernement, clef du scrutin

Cette fois-ci, le gouvernement devra clairement faire son choix, car les votes de ses trois représentants seront la clef du scrutin. Les quatre voix des représentants des salariés et actionnaires salariés (9%) semblent acquises au directoire actuel, même si une interrogation subsiste pour les deux élus de la CGT, qui n'a pas retourné les appels de l'AFP.

Mais, outre Gérard Couturier, les 6 autres représentants de Transdev - qui n'a pas souhaité faire de déclaration avant le conseil - devraient logiquement demander le départ du management.

L'Etat, qui n'a rien laissé filtrer de ses intentions, donnerait ainsi de facto les rênes de l'entreprise à Transdev s'il s'abstenait. Ce "serait synonyme d'abandon du plan (que la direction) porte pour la SNCM", analyse, à l'instar de beaucoup d'autres, Robert Martinetti, président du collectif des sous-traitants de la SNCM, représentant 1.200 emplois.