Air France : après le choc, on fait quoi maintenant ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  828  mots
L'annonce du plan B auquel ne croyaient pas les dirigeants du SNPL (ni ceux des PNC) et les incidents de mardi, vont-ils les pousser à non seulement revenir à la table des négociations mais aussi tenter de trouver un terrain d'entente avec la direction et éviter du coup des licenciements ?
Pour certains syndicalistes, les agressions contre des dirigeants de la compagnie et le flop de l'appel à la grève au sol, écartent en partie l'hypothèse d'un mouvement de grève dur, au moins chez les personnels au sol et les pilotes. Seule incertitude, les hôtesses et stewards.

Et maintenant ? C'est la question qui se pose après les incidents intervenus ce lundi en marge du Comité central d'entreprise (CCE) d'Air France, où sept personnes, dont Xavier Broseta, le directeur des ressources humaines de la compagnie, ont été agressés par des salariés. Faut-il voir dans ces actes le point de départ d'un conflit social long et dur pour tenter de contrecarrer le plan de restructuration de la compagnie et ses 2.900 suppressions de postes ? Ou, au contraire, l'impossibilité pour les syndicats d'utiliser désormais l'arme de grève ? Certains syndicalistes penchent pour la deuxième solution, au moins pour les pilotes et le personnel au sol. « Ce qui s'est passé hier est évidemment contre-productif. Tout le monde est contre nous, l'opinion, les politiques....», explique un syndicaliste sol qui fait part de sa honte.

Flop de la grève de lundi

Et de poursuivre :

« Les pilotes sont vaccinés par la grève de septembre de 2014 qu'ils considèrent comme un échec. Par ailleurs, le SNPL aurait du mal à mobiliser la base qui prend ses distances. La direction du SNPL aurait beaucoup à perdre ».

Un point de vue en partie partagé par un membre du SNPL. S'il considère que l'appel à la grève des pilotes risquerait d'être peu suivi, il estime que la direction du SNPL est renforcée par "la communication agressive de la direction à leur égard".

Quant aux syndicats au sol, ils réfléchiront à deux fois avant d'y aller. L'appel à la grève de la CGT, FO et Sud Aérien pour ce lundi, jour de l'annonce du plan de restructuration de la compagnie a été peu suivi.

«Tous les vols ont été assurés et même avec une ponctualité supérieure à l'accoutumée» explique un proche de la direction.

Incertitude chez les PNC

Pour certains syndicalistes la seule incertitude concerne les syndicats de personnels navigants commerciaux (PNC).

« Cela peut effectivement démarrer chez eux », fait valoir un syndicaliste.

Pour autant, du côté de la direction, on estime qu'il n'est pas inenvisageable de signer dans les trois mois un accord sur la révision de l'accord collectif qui court jusqu'en octobre 2016.

Cela paraît néanmoins difficile dans la mesure où deux des trois syndicats représentatifs chez les PNC, le SNPNC et l'Unsa PNC, ne partagent pas la nécessité de faire des efforts supplémentaires. "Pour eux, leur priorité est de préserver les acquis", fait valoir un syndicaliste sol. La pression risque de monter au fur et à mesure que la menace de licenciements secs approchera.

A défaut d'accord sur des mesures de productivité, la direction a en effet indiqué que des départs contraints n'étaient pas exclus.

Conseil du SNPL le 8 octobre

Plusieurs observateurs estiment que si les pilotes s'engageaient sur la voie de la négociation, les PNC pourraient suivre. Pour autant, les pilotes sont méfiants. Lors de la signature du plan précédent Transform en 2012, ils avaient été avec les syndicats sol les premiers à signer, tandis que les PNC avaient rejeté l'accord pour en renégocier un plus avantageux quelques mois plus tard. Ce fut d'ailleurs un des éléments qui ont provoqué la fracture entre la direction et le SNPL.

«Si nous signons, les PNC le feront-ils aussi ? Croyez-vous que la direction va aller négocier une baisse des coûts de 40% chez les PNC (l'écart de compétitivité avec les concurrents selon la direction, ndlr) à quelques mois de l'élection présidentielle de 2017? », explique un pilote.

C'est pour cela que la direction veut aligner les calendriers de négociations entre les pilotes et les PNC au cours des trois prochains mois. « Dans tous les cas, une fois que les avions seront annulés, il sera trop tard », rappelle-t-on à la direction.

L'annonce du plan B auquel ne croyaient pas les dirigeants du SNPL  (ni ceux des PNC) et les incidents de mardi, vont-ils les pousser à non seulement revenir à la table des négociations mais aussi tenter de trouver un terrain d'entente avec la direction et éviter du coup des licenciements ?

La direction dispose de moyens de pression sur le SNPL. A défaut de négociation sur la manière de réduire les coûts des pilotes, la direction ne négociera pas les accords de périmètre qui s'achèvent fin mars 2016. Ces accords sont cruciaux pour les pilotes car ils définissent la part d'activité qui revient aux pilotes d'Air France lorsque la compagnie exploite des vols en code-share ou en joint-venture avec des compagnies partenaires.

 Autre moyen de pression, à défaut d'accord, la répartition de l'activité d'Air France et de KLM au sein d'Air France-KLM ne pourrait être respectée selon un proche du dossier. Elle est aujourd'hui de 2/3-1/3 en faveur d'Air France, conformément au poids de chacune des deux compagnies.

De quoi alimenter le prochain conseil du SNPL qui se tient jeudi 8 octobre. Il s'annonce une nouvelle fois animé.