Air France : sous pression, le SNPL menace Ben Smith de... lancer une grève

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  886  mots
Menacer de lancer un conflit pour une petite semaine de décalage semble complètement disproportionné. Cette menace traduit la nervosité de l'équipe dirigeante du SNPL, dont le mandat s'achève début décembre. (Crédits : Christian Hartmann)
Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a envoyé un courrier au nouveau directeur général d'Air France-KLM dans lequel il menace de lancer une grève prochainement si les négociations salariales, catégorielles cette fois, ne débutaient pas "dans les plus brefs délais". La direction les a fixées au 5 novembre. Le SNPL souhaitait la date du 29 octobre. Il veut aller vite à l'approche des élections au sein du syndicat début décembre.

Ben Smith a encore des coups de baguette magique à donner pour apaiser Air France et empêcher les syndicats de faire de la politique. Après avoir signé vendredi 19 octobre un accord salarial avec des syndicats représentant 76% des voix des salariés, le nouveau directeur général d'Air France-KLM et de manière temporaire d'Air France subit aujourd'hui la colère du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), qui menace de lancer une grève rapidement.

Menace de grèves

Non signataire de l'accord salarial au même titre que la CGT, le SNPL est furieux de la date d'ouverture officielle des négociations catégorielles, concernant chaque catégorie de personnels. La direction l'a fixée au 5 novembre, quand le SNPL souhaitait le 29 octobre. Mécontent de ce calendrier, le SNPL a adressé le 23 octobre un courrier au nouveau directeur général d'Air France-KLM, Ben Smith, pour le prévenir de "la potentialité d'un prochain conflit avec les pilotes", si les négociations n'étaient pas ouvertes "dans les plus brefs délais".

"Nous avons adressé un courrier à Monsieur Benjamin Smith le prévenant de la potentialité d'un prochain conflit avec les pilotes. Nous comptons sur la lucidité de la nouvelle direction pour reprendre les négociations dans les plus brefs délais. Nous n'hésiterons pas à prendre nos responsabilités et nous mobiliser très prochainement, cette fois en mouvement pilotes seul, si cela s'avérait nécessaire", a écrit, le 24 octobre, le bureau du SNPL dans un tract diffusé aux pilotes, que La Tribune s'est procuré.

La direction n'a pas changé ses plans. Quelques heures après la diffusion de ce tract, elle publiait un communiqué de presse confirmant l'ouverture des négociations catégorielles avec les pilotes le 5 novembre, et avec les syndicats de personnels navigants commerciaux deux jours plus tard.

Élections au SNPL

Menacer de lancer un conflit pour une petite semaine de décalage semble complètement disproportionné. Cette menace traduit la nervosité de l'équipe dirigeante du SNPL, dont le mandat s'achève début décembre. Pour elle, cette petite semaine de décalage n'est pas neutre. Car, à l'approche des élections au sein des pilotes qui détermineront le prochain bureau exécutif, le bureau actuel cherche à arracher un accord rapidement pour présenter un accord conforme à ses promesses quand il s'est lancé il y a dix mois dans ce conflit salarial en jouant la carte de l'intersyndicale. Le SNPL demande une hausse totale de 10,7%, incluant l'augmentation générale de 4% obtenue en inter-catégoriel.

Le SPAF a fait repousser les négociations

Après avoir refusé de voter l'accord salarial catégoriel pour pouvoir se prononcer sur le package global, le bureau du SNPL qui, ces dernières années, s'est fait plusieurs fois reprocher de faire traîner les débats (sur Joon, sur le B787, par exemple), est sous pression et veut donc, cette fois, aller vite. Il est d'autant plus remonté contre ce calendrier que la date du 29 octobre qu'il souhaitait et que la direction avait dans un premier temps acceptée, a été repoussée par le SPAF, le deuxième syndicat représentatif chez les pilotes.

Ce dernier a en effet indiqué que la date du 29 octobre était trop courte et qu'il souhaitait une date dans "la semaine syndicale" (la première et la troisième semaine complète du mois) comme le veut l'usage à Air France, afin de "permettre l'activité des délégués pilotes". La direction a accepté de se conformer à l'usage, au grand dam du SNPL. Depuis, les deux syndicats de pilotes sont en guerre ouverte. Ils s'échangent des mots doux par tracts interposés.

"C'est Dallas chez les pilotes", explique l'un d'eux.

Main dans la main pendant les grèves, les deux syndicats ont vu leur relation se détériorer avec la sortie du Spaf de l'intersyndicale cet été, puis la signature par ce dernier de l'accord salarial.

Les menaces de grève peuvent-elles être suivies par la base des pilotes? Non, assurent certains pilotes, estimant que la ficelle (une grève électoraliste) serait trop grosse. En tout cas, le syndicat fait un virage sur l'aile. Il y a une semaine, il accueillait Ben Smith à son conseil syndical, une première à Air France. Philippe Evain, son président l'appelait même par son prénom.

S'ajoute un autre point dans la menace du SNPL. Le syndicat veut, dans le cadre des CSE (comité social économique), qui vont remplacer les CCE (comité central d'entreprise) d'ici à la fin 2019, un "CSE pilotes" pour éviter un effondrement du nombre des représentants pilotes comme l'accord de périmètre signé cet été le prévoyait. Il conteste l'accord de périmètre signé cet été par les syndicats.

"Nous n'aurons plus que 18 représentants (9 titulaires et 9 suppléants) contre 69 jusqu'ici entre les délégués du personnel et les membres du CHSCT. Ce sera impossible de concilier notre métier de pilotes et celui de représentant du personnel", explique un représentant pilote.

Le bureau du SNPL a reçu du conseil une motion lui permettant d'aller jusqu'à la grève pour obtenir ce CSE unique. La direction a déjà réfléchi à des propositions, qualifiées par certains pilotes d'"honorables".