Collision d'un train avec un car scolaire à Millas : la préfecture annonce désormais 5 décès

Par latribune.fr  |   |  1300  mots
L'attention se focalise aussi sur le passage à niveau. Selon la SNCF, il s'agit d'un passage à niveau "classique" (...) et qui "n'était pas considéré comme particulièrement dangereux", et précisait que, "selon des témoins, le passage à niveau a fonctionné normalement (...)". A contrario, un père d'élève, se basant sur une photo prise par son fils, affirmait que "la barrière est complètement relevée et qu'il n'y a pas de barrière cassée", ce qui pourrait signifier un dysfonctionnement.
Le bilan de l'accident qui s'est produit hier après-midi entre un car scolaire et un train à un passage à niveau sur la commune de Millas dans les Pyrénées-Orientales est très lourd. Chaque année, plus d'une centaine de collisions se produisent en France à des passages à niveau, causant plus d'une trentaine de décès. Le problème est récurrent et la suppression de ces dispositifs, engagée depuis des années, ne va pas assez vite.

[Article publié le vendredi 15.12 à 10h56, mis à jour à 15:30]

L'accident entre un car scolaire et un train s'est produit hier jeudi 14 décembre à 16h10 au passage à niveau n° 25, situé sur la commune de Millas, dans les Pyrénées-Orientales, sur l'axe qui relie Perpignan à Villefranche-de-Conflent, selon les précisions de France Bleu Roussillon. Le car scolaire a été coupé en deux sous la violence du choc, le train n'a pas déraillé.

Bilan dramatique

Vendredi après-midi, à 14h30, la préfecture des Pyrénées-Orientales annonçait dans un nouveau communiqué que le bilan provisoire qui était, ce matin, de 4 morts et 20 blessés dont 10 en urgence absolue, s'était alourdi à 5 personnes décédées.

Certaines sources avaient fait état en milieu de matinée du décès de deux jeunes filles de 11 ans, mais l'information n'avait pas été certifiée et la préfecture Pyrénées-Orientales avait démenti dans son communiqué de 11h45, en maintenant le bilan à 4 décès.

"Le bilan est inchangé pour le moment et est de 4 décédés après confirmation des établissements de santé."

Vingt-quatre personnes ont été impliquées dans cet accident, dont une vingtaine d'enfants âgés de 13 à 17 ans, scolarisés au collège Christian-Bourquin de Millas.

Les centres hospitaliers de Perpignan, Toulouse et Montpellier mobilisés

Dans un communiqué publié dans la nuit de jeudi à vendredi, la préfecture des Pyrénées-Orientales avait indiqué que l'accident avait, selon un bilan provisoire, causé la mort de 4 personnes et des dommages corporels à 20 autres, parmi lesquels 10 blessés, en urgence absolue, avaient "été transférés vers les centres hospitaliers de Perpignan, Toulouse et Montpellier".

Le préfet des Pyrénées-Orientales, Philippe Vignes, avait en particulier souligné que, sur les sept blessés hospitalisés à Perpignan, "deux seulement avaient été identifiés", faisant référence aux conséquences de la violence du choc. Il a précisé que la "priorité absolue" des médecins, "tout en étant conscients de la douleur des familles", était de soigner les victimes "dont certaines sont très grièvement blessées".

L'enquête confiée à la gendarmerie

Comment un tel accident a-t-il pu se produire ? Le groupement de gendarmerie des Pyrénées-Orientales s'est vu confier l'enquête de flagrance pour "homicides et blessures involontaires" qui permettra de comprendre ce qu'il s'est passé et d'établir les responsabilités.

De source proche de l'enquête, on indique que des témoins ont déjà été entendus et d'autres le seront. Des prélèvements seront effectués pour vérifier l'alcoolémie et la toxicologie de la conductrice du car de ramassage scolaire ainsi que du chauffeur du TER.

Questions autour du passage à niveau

L'attention se focalise aussi sur le passage à niveau. Selon la SNCF, il s'agit d'un passage à niveau "classique" doté d'une signalisation automatique et de deux barrières, et qui "n'était pas considéré comme particulièrement dangereux". De fait, il ne fait pas partie de la liste des 106 passages à niveaux considérés comme dangereux en France.

L'AFP rapporte cependant qu'un père d'élève a pour sa part affirmé, se basant sur une photo prise par son fils, que "la barrière est complètement relevée et qu'il n'y a pas de barrière cassée", ce qui pourrait signifier un dysfonctionnement du dispositif, les barrières devant normalement être complètement baissées peu avant l'approche du train au croisement en la route et la voie ferrée.

Mais la SNCF a indiqué que "selon des témoins, le passage à niveau a fonctionné normalement, mais il faut évidemment que cela soit confirmé par l'enquête".

Le procureur, interrogé sur un éventuel "dysfonctionnement" des barrières du passage à niveau et un possible "vol de batteries" qui aurait conduit au mauvais fonctionnement du dispositif, a écarté toute conclusion hâtive :

"Il est largement prématuré d'indiquer si les barrières étaient levées ou baissées", a-t-il précisé.

L'ADV fustige la lenteur de la SNCF à généraliser les dispositifs efficaces

L'Association nationale Droits des Victimes (ADV) a cependant déploré que la SNCF se soit "très rapidement exonérée de toute responsabilité dans cette affaire" :

"Je rappelle que, depuis 2014, RFF expérimente des 'radars de passage à niveau' destinés à empêcher ce type d'accidents sans, toutefois généraliser ce dispositif pourtant indispensable."

Quant à l'entreprise des autocars Faur, propriétaire du car au service de l'agglomération de Perpignan, elle indique dans un communiqué s'en remettre aux "différentes enquêtes [qui] permettront de déterminer les circonstances exactes de cet accident".

Le chef de l'Etat Emmanuel Macron a tweeté : "Toutes mes pensées pour les victimes de ce terrible accident d'un bus scolaire et pour leurs familles."

Vers 20 heures, le Premier ministre Edouard Philippe, qui se trouvait à Cahors (Lot), est arrivé par hélicoptère en début de soirée dans la petite commune de Millas, accueilli par la ministre des Transports Elisabeth Borne, déjà sur place.

"Ce soir, il faut penser aux familles, à leur angoisse, à leur tristesse et faire en sorte que nous puissions avec décence les accompagner pour surmonter les nouvelles qui sont devant elles", a-t-il notamment déclaré.

Chaque année, une centaine de collisions et une trentaine de morts aux passages à niveau

Le site de la SNCF publie des statistiques consacrées à l'accidentologie aux passages à niveau pour informer le public du danger de ces dispositifs. Notant que la collision entre un train et une voiture est mortelle pour l'automobiliste dans 50% des cas, elle livre ces chiffres :

  • En 2011, on dénombrait 106 collisions, 32 tués et 14 blessés graves.
  • En 2012, on dénombrait 100 collisions, 33 tués et 10 blessés graves.
  • En 2013, on dénombrait 148 collisions, 29 tués et 19 blessés graves.
  • En 2014, on dénombrait 100 collisions, 25 tués et 17 blessés graves.
  • En 2015, on dénombrait 100 collisions, 27 tués et 15 blessés graves.
  • En 2016, on dénombrait 111 collisions, 31 tués et 15 blessés graves.

Le site de la SNCF donne de multiples informations annexes, comme la distance de freinage d'un train :

"À 90 km/heure, il faut 800 m pour qu'un train s'arrête. La distance d'arrêt d'un train est 10 fois supérieure à celle d'un véhicule."

La SNCF explique que le ministère chargé des transports a défini un programme de sécurisation national, qui permet d'identifier les passages à niveau dont la suppression ou l'équipement est prioritaire. Au 1er janvier 2016, on compte 152 passages à niveau inscrits au programme de sécurisation national (contre 450 en 1997), dont la quasi-totalité est équipée de feux à diode permettant une meilleure visibilité.

La SNCF explique aussi pourquoi la suppression d'un passage à niveau peut prendre des années, et de fait le bilan annuel qu'elle livre des réalisations effectuées est plutôt modeste : seulement 4 passages à niveau supprimés l'an dernier :

"6 passages à niveau prioritaires ont été supprimés en 2015, 4 en 2016."

Malgré la mobilisation des pouvoirs publics et de la SNCF (cf. la campagne nationale de sensibilisation du 2 juin dernier), le problème reste sans doute sous-estimé puisque, pour le répéter, le passage à niveau n°25 de Millas n'était pas prioritaire car pas "considéré comme dangereux.

> Voir aussi : la liste des passages à niveau (données open data de la SNCF)

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La mairie de Millas a mis en place un numéro d'urgence, le 04 68 57 35 03, indique l'AFP.

De son côté, France Bleu Roussillon indique que :

  • un numéro d'informations, le 04.68.51.67.67, a été mis en place pour les parents d'élèves.
  • la SNCF a mis en place un numéro vert d'assistance psychologique, le 0800 120 821, à destination des victimes, de leurs familles et de leurs proches.

(Avec AFP)