Cour des comptes : les transports en Île-de-France proches de la "rupture"

Par latribune.fr  |   |  734  mots
Dans son rapport, les magistrats financiers demandent à l'Etat de "procéder à une hiérarchisation et à une sélection rigoureuse des projets d'infrastructures de transport envisagées dans les 10 à 15 prochaines années".
Les Sages de la rue Cambon indiquent que l'entretien du réseau francilien constitue "une priorité absolue". Dans ce contexte, ils préconisent d'investir "une cinquantaine de milliards d'euros" dans les transports d’Île-de-France, le report de certains chantiers, et l'augmentation des tarifs pour les usagers.

Cinq ans après la publication d'un rapport sur "les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France", la Cour des comptes détaille dans une enquête rendue publique ce mercredi les évolutions du réseau.

Des usagers de plus en plus insatisfaits

Si chaque jour, 8 millions de voyageurs fréquentent les transports franciliens, les Sages de la rue Cambon déplorent "une dégradation du niveau de satisfaction des usagers du RER et du Transilien":

"Si cet indice a légèrement augmenté entre 2012 (82,9%) et 2014 (83,7%) pour le métro, il a, en revanche, baissé pour les RER A et B (74,8% en 2012, 73,2% en 2014)", indique le rapport.

Des pénalités de retard multipliées par trois !

En effet, les lignes A et B du RER, co-exploitées par la RATP et la SNCF, continuent d'afficher une ponctualité défaillante. Ainsi, la Cour des comptes indique, dans son rapport, qu'"aucune des deux lignes n'a atteint depuis 2010 l'objectif contractuel de 94% de voyageurs arrivés avec moins de cinq minutes de retard à destination, le RER A oscillant entre 81,4% et 85,6%, et le RER B passant de 80,1% en 2010 à 88% en 2014".

 "Dans la pratique, pour un usager fréquentant quotidiennement une de ces deux lignes aux heures de pointe, il ne se passe guère de semaine sans qu'il n'ait à subir un retard ou une suppression de train", détaille le rapport.

Sur les 11 autres lignes exploitées par la SNCF, la Cour des comptes précise que seules deux (H et N) d'entre elles atteignent l'objectif contractuel de ponctualité.

Résultat : le taux de satisfaction des voyageurs est en baisse et les pénalités de retard versées par la SNCF au Syndicat des transports d'île-de-France (STIF) ont crû de 6,3 millions d'euros en 2010 à ...19,5 millions en 2014.

Des investissements insuffisants

Une grande partie de ces dysfonctionnements sont attribués par la Cour "aux sous-investissements des gouvernements, de la SNCF et de RFF" depuis trente ans au profit du développement des lignes de TGV.

Le réseau va "continuer à se dégrader jusqu'en 2020 pour retrouver en 2025 le niveau d'aujourd'hui, déjà loin d'être optimal", indiquent les magistrats financiers. Il faut dire que 40% des voies ont plus de 30 ans, alors même que ce matériel atteint sa limite d'âge à 25 ans, note la Cour des comptes.

Report du Grand Paris Express

Avec une situation au bord de la "rupture", selon les termes de Cour des comptes, la priorité doit être donnée à la rénovation des installations existantes sur le réseau. Quitte à abandonner les projets en cours.

Alors que le plan de transports du Grand Paris prévoit d'ici à 2030 un investissement de 30 milliards d'euros (prolongement RER A, métro automatique de 205 kilomètres desservant 72 gares...), la Cour des comptes indique que l'entretien du réseau existant nécessiterait "une cinquantaine de milliards d'euros" entre 2015 et 2020.

"Il apparaît indispensable que l'Etat procède à une hiérarchisation et à une sélection rigoureuse des projets d'infrastructures de transport dans le cadre du Grand Paris ou à l'échelle nationale, à l'aune des capacités financières, techniques et humaines mobilisables au cours de cette période", conseille le rapport.

Vers une (nouvelle ) hausse du ticket de métro ?

Les magistrats de la rue Cambon invitent également à une refonte des tarifs. Ainsi, ils estiment que la part du financement assumée par les usagers est trop faible "comparativement à la situation observée dans de grandes agglomérations étrangères". Un constat déjà établi par la Cour des comptes en 2010.

"Le prix du ticket de métro à Paris est plus bas que dans beaucoup de capitales en Europe ou dans le monde (NDLR : 1,80 euro à Paris contre 2,70 euros à Berlin par exemple)", alors que "les besoins sont considérables en matière d'infrastructures ferroviaires", justifie le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, en conférence de presse ce mercredi.

Dans ce contexte, "la participation de l'usager (...) aura vraisemblablement vocation à augmenter", a-t-il ajouté.

La Cour des comptes juge également "singulière" l'initiative de mettre en place un forfait Navigo à tarif unique en Île-de-France (depuis le 1er septembre 2015) dans la mesure où "un très grand nombre de personnes bénéficient déjà de tarifs préférentiels", et que le montant de la fraude est évalué à plus de 360 millions d'euros par an.

>>>ALLER PLUS LOIN : Les transports ferroviaires en Île-de-France depuis 2010 : des progrès sensibles, des insuffisances persistantes.