Si, si, Ryanair vient défier Air France à armes égales !

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  967  mots
La compagnie aérienne irlandaise à bas coûts veut ouvrir quatre bases en France d'ici à 2019 pour doubler son trafic dans l'Hexagone dans les "trois ou quatre ans" à venir. Pour assurer ce développement, elle entend se plier aux règles françaises en faisant signer à ses personnels basés dans l'Hexagone des contrats de droit français. La compagnie a même pris contact avec le SNPL pour la création d'un bureau Ryanair au sein du syndicat.

L'annonce de Ryanair a de quoi alimenter la préparation du plan stratégique à 5 ans d'Air France-KLM dont la mise en place est prévue début 2019 six mois après sa présentation en juin. Elle a également de quoi couper l'herbe sous le pied des acteurs des Assises du transport aérien qui se tiendront début mars dont l'un des six thèmes de travail abordera l'épineuse question de la concurrence déloyale.

Doublement du trafic

 Car, plus de 20 ans après son arrivée sur le marché français, la compagnie low-cost irlandaise a présenté ce mercredi un projet d'une offensive d'envergure dans l'Hexagone. En annonçant ce mercredi l'ouverture de 10 nouvelles lignes au départ de Beauvais, Nantes, Marseille et Bordeaux, David O'Brien, le directeur commercial de Ryanair, a parallèlement dévoilé le projet d'ouvrir quatre bases d'exploitation en France (à partir de l'automne prochain pour la -ou les-première-s-), et de baser d'ici à deux ans une trentaine d'avions qui permettraient à Ryanair de doubler son trafic en France d'ici quatre ans, à 20 millions de passagers. Pour rappel, cette notion de base s'applique lorsque les navigants débutent et terminent leur service en France. Chose qu'ils ne peuvent faire que s'ils résident dans l'Hexagone, et que, sur le plan opérationnel, les avions "dorment" à la base.

Respect des règles sociales françaises

Le choix des bases n'a pas été tranché mais David O'Brien a néanmoins cité Beauvais, Nantes, Bordeaux, Marseille, mais pas Roissy ni Orly, tant que la réglementation sur les créneaux de décollage et d'atterrissage ne leur permettra pas d'obtenir de bons horaires. Surtout, après des années de conflit avec les organismes sociaux français (Ursaaf, Caisse des retraites des navigants...), les syndicats français (SNPL, Unac...) et les organisations patronales du transport aérien français (Scara, Fnam), Ryanair entend respecter les règles sociales françaises. La compagnie veut en effet ouvrir des bases en respectant le fameux décret français de 2006 sur le sujet qui impose que tout le personnel installé sur ces bases dispose de contrat de droit français, impliquant de facto le paiement des cotisations patronales et salariales en France. Une décision révolutionnaire pour une compagnie qui a toujours privilégié le droit irlandais pour ses personnels installés aux quatre coins de l'Europe, comme elle l'avait fait lors de la création de la base de Marseille en 2007. Pour Ryanair, en effet, la règle européenne l'emportait sur le décret français. Ce qui l'arrangeait dans la mesure où les charges irlandaises sont parmi les moins coûteuses d'Europe.

"Vu que les équipages opérant les vols Ryanair de et vers Marseille travaillaient pour une compagnie ayant son siège social en Irlande, et passant leur journée de travail dans des avions enregistrés en Irlande, ils sont considérés comme travaillant principalement en Irlande et non en France. Les équipages de Ryanair travaillaient sous contrat de travail irlandais en payant des cotisations sociales irlandaises, en conformité avec le décret européen sur les règles d'emploi et de sécurité sociale européenne", a toujours indiqué Ryanair lors de la polémique autour de la base de Marseille.

Attaquée puis condamnée pour travail dissimulée pour son refus de se plier aux règles françaises, Ryanair avait par la suite fermé cette base en 2010. Après avoir traité ce fameux décret de tous les noms d'oiseaux, la compagnie à bas coûts fait donc marche arrière. Elle n'a pas le choix si elle veut accroître ses positions en France où elle ne possède que 6% de parts de marché contre 15% en Europe.

Discussions avec le SNPL

Mieux, elle a même pris contact avec le SNPL, le syndicat national des pilotes de lignes, pour ouvrir à terme un bureau SNPL chez Ryanair. Un virage à 180° qui s'inscrit dans la reconnaissance en décembre des syndicats de pilotes pour tenter de mettre en place un dialogue social dans une entreprise où le malaise des navigants est apparu au grand jour depuis septembre.

Ryanair a tout intérêt à agir ainsi. La création d'une base constitue un fort levier de développement. Elle permet d'assurer le premier vol du matin au départ d'un aéroport et de pouvoir faire ainsi un aller-retour journée, très demandée par la clientèle affaires, un segment de marché que cible justement aujourd'hui Ryanair. Disposer d'une base d'exploitation apporte évidemment beaucoup plus d'efficacité pour une low-cost qui veut monter en puissance sur un aéroport. Easyjet en est le meilleur exemple. Depuis l'entrée en vigueur du décret en 2006, la compagnie britannique applique la règlementation française et emploie du personnel sous contrat français. Elle n'a cessé de se développer en France en créant une base à Roissy et à Lyon en (en plus de celle d'Orly ouverte avant le décret), puis Toulouse et Nice. Son modèle focalisé sur les hommes d'affaires lui permet cependant d'augmenter le prix moyen de ses billets.

Si elle concrétise, l'initiative de Ryanair serait une mauvaise nouvelle pour Air France, Transavia et HOP. Car, même dans un environnement de concurrence qui deviendrait loyale, il y a de fortes chances que Ryanair, au regard de la faiblesse de ses coûts, chamboule le marché. D'autant plus que l'offre de Ryanair en région s'ajouterait à celles d'Easyjet, Vueling ou Volotea qui, déjà, mènent la vie très dure au groupe Air France. Un marché sur lequel souffre Hop qui va baisser ses capacités de 4% cet été, et sur lequel Transavia, bloquée par des accords avec les pilotes, n'est quasiment pas présent.