Joon, la marque de la nouvelle compagnie d'Air France, interpelle

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  966  mots
Sans donner d'explication, la direction a choisi de ne pas faire référence à Air France pour le nom de sa nouvelle compagnie à coûts réduits Joon.
Contrairement à ce que la direction avait indiqué lors du lancement du projet, une référence à Air France ne figure pas dans le nom de la nouvelle compagnie du groupe, Joon. Si cela peut avoir des avantages en attirant potentiellement de nouveaux clients, il y a un risque de perdre les passagers, fidèles à la marque Air France et attirés par le côté haut de gamme associé à l'image de la compagnie et de la France.

Le choix d'Air France d'appeler sa nouvelle compagnie à coûts réduits Joon interpelle. Tout d'abord, parce que lors du lancement du projet le 3 novembre dernier, Jean-Marc Janaillac, le Pdg d'Air France-KLM, avait indiqué dans une interview aux Echos que la marque « aura AF ou Air France dans son intitulé ». Sans donner d'explication, la direction a changé son fusil d'épaule pour choisir un nom qualifié de « court, percutant et international ». Plutôt que d'ajouter dans le nom de cette nouvelle compagnie quelque chose dans le style  « by Air France » ou « for Air France » qui peut paraître pour certains démodé aujourd'hui, le choix a été fait de rappeler la filiation à Air France par la calligraphie ou « l'accent » à la fin du logo.

Francité

Si un nom sans référence à Air France ne devrait pas poser de problème sur le réseau court et moyen-courrier où le consommateur est habitué avec les low-cost à l'émergence de nouvelles marques, il peut en être différemment sur les vols long-courriers, où le choix de la marque « Joon » retire de facto l'avantage de la francité apportée par la marque Air France.
Synonyme de luxe, cette francité constitue un atout réel sur de nombreux marchés étrangers - notamment en Asie - que Joon a vocation à desservir pour reprendre des parts de marché sur les compagnies du Golfe. L'absence de cette référence à la France dans le nom et la perspective d'un produit de très bonne facture certes mais moins luxueux, moins chic ou moins « sophistiqué » (dans le bon sens du terme) que celui de la maison-mère posent également question dans la stratégie de montée en gamme orchestrée par Air France depuis 5 ans.

«Sur le long-courrier, il va falloir dans les pays étrangers faire en sorte que ce croisement avec la France soit conservé. Il va falloir un gros travail marketing, publicitaire et de communication », explique un fin connaisseur de l'entreprise.

Par ailleurs, Joon ne sera pas pour l'essentiel une compagnie parallèle à Air France comme peuvent l'être Level ou Eurowings, les filiales de IAG et de Lufthansa, mais la remplacera sur des lignes ultra déficitaires ou qu'elle avait abandonnées non pas en raison d'un manque de passagers liée à une quelconque défiance de leur part à l'égard de la compagnie (au contraire, les avions sont pleins) ou à des prix trop élevés, mais en raison de coûts d'exploitation trop élevés.
Résultat, sur des lignes long-courriers où la clientèle est au rendez-vous avec des passagers qui font le choix d'Air France, la compagnie proposera demain une compagnie différente, avec un produit destiné à attirer les Millennials, cette génération de 18-35 ans, hyper connectée, et dont le nom « Joon » peut, à certains égards, faire référence à une low-cost, bien que celle-ci ne le sera pas, ni dans le produit ni dans les prix proposés. Les passagers qui volent aujourd'hui sur Air France vont-ils néanmoins rester sur Joon demain ? Ou seront-ils tentés d'aller voir ailleurs? Joon peut certes attirer une clientèle nouvelle qu'elle a du mal à capter aujourd'hui, mais elle prend le risque aussi de perdre la clientèle qui aime le produit et la marque Air France.

Joon en décalage avec la montée en gamme d'Air France?

On le sait, l'idéal pour Air France aurait été de maintenir le produit Air France sur l'ensemble de son réseau, mais la poursuite de la montée en gamme, initiée ces dernières années, s'accompagnait des mesures de productivité qui ont lieu dans le Plan Transfom (2012-2014) mais pas dans le plan Perfom qui était censé suivre. C'est d'ailleurs parce que les efforts étaient impossibles à réaliser au sein de la maison-mère que la direction tente de les placer dans cette nouvelle compagnie qui, évidemment, ne pouvait pas avoir le même positionnement qu'Air France.

« Il y a un décalage avec la montée en gamme, mais il faut avoir en tête que la création de Boost n'était pas motivée par des nécessités commerciales, mais par des nécessités de compétitivité », rappelle une bonne source interne.

Du coup, c'est avec la marque Joon et un produit moins haut de gamme que celui d'Air France que la direction entend reprendre l'offensive sur les compagnies du Golfe, réputées pour la qualité de leur produit qui compense l'inconvénient d'un vol en correspondance.

Joon n'est pas une low-cost

Il y a enfin une grosse différence avec IAG et Lufthansa et Air Caraïbes, dont les marques de leur compagnie à « coûts réduits », Level, Eurowings et French Blue (qui pour l'anecdote inscrit la France dans son nom, même si cela est en anglais), ne font pas référence à la maison-mère dans le nom. Mais il y a une grosse différence. Ces trois compagnies ont un positionnement différent de celui de Joon. Elles sont des compagnies low-cost, dont la marque, pour le coup doit plutôt éviter les références à la maison-mère. Or, Joon n'est pas une low-cost mais une compagnie à coûts réduits par rapport à Air France avec un produit aux standards d'Air France.

« Il ne s'agira pas d'une compagnie low cost, dans la mesure où elle offrira un service bi-classes, avec une classe 'economy' et une classe 'business', à peu près équivalentes à celles d'Air France. A ceci près que les sièges-couchettes de classe affaires n'offriront pas tous un accès direct (au couloir NDLR), contrairement à la cabine Best d'Air France », expliquait en effet aux Echos Jean-Marc Janaillac lors de la présentation du projet.

Ce n'est donc pas la même chose.