Nouvel aéroport de Lisbonne : l'incroyable volte-face du gouvernement portugais, un coup dur pour Vinci

Par latribune.fr  |   |  779  mots
Le projet présenté par ANA Aeroportos de Portugal (filiale de Vinci Airports) pour la construction d'un deuxième aéroport lisboète est mis à mal par le gouvernement portugais, après une passe d'armes entre le Premier ministre et son ministre aux infrastructures. (Crédits : Vinci Airports)
Le Premier ministre portugais Antonio Costa a désavoué jeudi son ministre aux Infrastructures, Pedro Nuno Santos qui avait annoncé la veille l'intention du gouvernement de construire un nouvel aéroport à Lisbonne. Pour Vinci, le gestionnaire des aéroports portugais, il s'agit d'un coup dur.

Pedro Nuno Santo, ministre portugais aux Infrastructures, s'est fait taper sur les doigts par Antonio Costa, Premier ministre, après avoir annoncé l'intention du gouvernement de construire un nouvel aéroport complémentaire à Lisbonne, à Montijo, dans une ancienne base militaire située face à la capitale.

« Cela fait des années que le pays parle d'aéroports. Cela dure depuis trop longtemps. La décision est prise. Nous allons avancer », avait déclaré, mercredi soir, le ministre.

Dans son élan, il annonçait que l'exécutif socialiste souhaitait d'ores et déjà commencer à planifier la construction d'un futur aéroport unique à Alcochete, également sur la rive sud du Tage, qui sera capable de remplacer l'actuel aéroport de Portela et celui de Montijo afin de desservir toute la région dans une douzaine d'années, lorsque le volume de trafic le justifiera.

Il a été désavoué le lendemain par le Premier ministre, Antonio Costa. «Il y a eu une erreur grave qui a été rapidement corrigée ». En résumé, il n'est pas question de construire ce deuxième aéroport.

L'annonce avait pris de court les partis d'opposition, d'autant que le Premier ministre avait déclaré la semaine dernière que le nouveau chef de l'opposition de centre droit serait consulté avant toute prise de décision. De même, les associations de défense de l'environnement ont vivement critiqué cette décision prise sans « véritable évaluation environnementale stratégique ».

Les propos d'Antonio Costa prêtent à sourire quand on se souvient de ce qu'il disait en 2019, lors de l'annonce de la décision d'étendre la capacité de l'aéroport actuel Humberto Delgado, situé au bord du Tage, et de construire d'ici à la fin 2022 un deuxième aéroport sur l'autre rive du fleuve, sur une base militaire de Montijo, déjà équipée d'une piste. Il s'agissait à l'époque, disait-il, de clore, 50 ans de débats sur l'opportunité de créer un nouvel aéroport dans la région de la capitale portugaise au cours duquel pas moins de 17 projets ont été débattus.

« Depuis 50 ans, le coût de la non décision a été très élevé. Il s'est traduit par l'incapacité de l'aéroport à supporter l'économie du tourisme », avait en effet déclaré Antonio Costa, déjà Premier ministre, lors de la signature d'un accord avec Vinci arrêtant les grands principes pour l'augmentation de la capacité de la région de Lisbonne.

A l'époque, l'ancien ministre des infrastructures, Pedro Marques estimait que ce projet aéroportuaire allait « régler l'un des principaux problèmes du développement du Portugal ».

Projet ambitieux

L'objectif était en effet de décongestionner l'aéroport et de bénéficier de la croissance du transport aérien et du tourisme, un secteur stratégique pour le Portugal en général et Lisbonne en particulier. Pour la seule région de la capitale, il générait avant le Covid 14 milliards d'euros de recettes par an. Traitant avant la pandémie 30 millions de passagers aériens, Lisbonne devait être en mesure, avec ses deux plateformes, d'en accueillir à terme 65 millions.

Le projet était en ambitieux. Il devait permettre, en accord avec les services de navigation aérienne, de doubler d'ici à 10 ans le nombre de mouvements d'avions (décollages, atterrissages), pour les porter à 72 par heure contre 38 aujourd'hui. Ceci avec deux pistes, une par aéroport. Avec 24 mouvements par heure, le nouvel aéroport  Montijo devait disposer du tiers de la capacité du nouveau système aéroportuaire, et  devait être spécialisé sur le trafic dit de "point-à-point" quand l'aéroport actuel devait conserver sa vocation de hub avec le maintien du système de correspondances de TAP Portugal.

Vinci avait la charge de financer et d'exécuter ce projet. Dans le cadre de cet accord, ANA s'était en effet engagé à  investir 1,115 milliard d'euros d'ici à 2028 (500 millions sur le nouvel aéroport et 650 millions pour l'actuel), auquel s'ajoutait une enveloppe de 150 millions d'euros pour dédommager l'armée et contribuer au travaux d'accès à l'aéroport.

Le problème de la saturation de l'aéroport de Lisbonne et la nécessité urgente de le désengorger, en raison du boom du tourisme que connaît la capitale portugaise, est évoqué depuis plusieurs années.

Pour Vinci, c'est un coup dur. Le groupe français, qui détient la concession du gestionnaire des aéroports portugais ANA depuis 2013, s'était engagé en 2019 à investir plus d'un milliard d'euros pour agrandir l'actuel aéroport de Lisbonne et construire celui de Montijo.