"Notre mission est très claire, tourner la page de la pandémie et mobiliser toutes les énergies en faveur de la relance et du progrès", s'enthousiasmait, dimanche soir, le Premier ministre portugais Antonio Costa, à l'issue du scrutin des législatives qui lui a donné une majorité absolue (117 députés sur 230), notamment face son rival de centre-droit, Rui Rio (PSD).
Le leader socialiste a visiblement profité d'un vote utile - les sondages prévoyaient un duel serré - de la part notamment d'une partie des électeurs d'extrême gauche. Les autres gagnants du scrutin sont le parti d'extrême droite Chega (Ça suffit !) qui obtient 12 députés contre 1 dans la chambre sortante, et, dans une moindre mesure, les libéraux de Iniciativa Liberal, qui obtiennent 8 sièges contre 1 précédemment.
Le reproche de mener une politique d'austérité
A la tête du gouvernement depuis 2015, grâce à une coalition réunissant socialistes, écologistes et extrême gauche, Antonio Costa avait été mis en minorité en octobre lors du vote sur le projet de budget par ses alliés d'extrême gauche qui lui reprochaient son austérité et l'absence de dimension sociale. Mais sa politique de rigueur budgétaire semble appréciée d'une majorité de Portugais.
Les dépenses publiques, qui représentaient 51,7% du PIB en 2014, sont passées à 42,4% en 2019, selon les données du FMI. Et si la pandémie a obligé à mettre en place un soutien public aux ménages et aux entreprises, qui a fait remonter ces dépenses à 49% en 2020, elles devraient à nouveau décroître dans les prochaines années pour atteindre 43,5%, selon le Fonds.
"Le résultat de l'élection est un signe encourageant pour les investisseurs. Tandis qu'Antonio Costa continuera de donner la priorité aux augmentations de revenus pour les classes moyennes et populaires, son gouvernement restera engagé à maintenir la discipline budgétaire. Après avoir réduit le ratio de la dette publique sur PIB de 14 points entre 2015 et 2019, Costa vise un ajustement de plus de 20 points durant les 4 prochaines années. Pour autant, cela n'empêchera pas le Portugal de compter parmi les pays les plus endettés de la zone euro avec un ratio d'environ 110% en 2026", explique Ricardo Amaro, économiste chez Oxford Economics.
Avec sa majorité parlementaire inespérée avant le scrutin, le leader socialiste qui défend une ligne pro-européenne et une politique de centre-gauche aura désormais les coudées franches pour appliquer son plan de relance économique. L'une de ses priorités est de débloquer la dotation de plus de 16 milliards d'euros dont 13,9 milliards sous forme de subventions et 2,7 milliards sous forme de prêts, prévue pour le Portugal dans le plan de relance européen NextGenerationEU voté en 2020.
Une aide équivalent à 8% du PIB
Ce montant qui équivaut à 8% du PIB du pays sera versé sous conditions d'ici à 2026 via le dispositif de "la facilité pour la reprise et la résilience", doté de 672,5 milliards d'euros pour l'ensemble des pays de la zone euro. La semaine dernière, le Portugal a reçu 400 millions d'euros, et 3,5 milliards d'euros devraient l'être en 2022 pour financer des projets qui ont été approuvés à Bruxelles.
Des sommes qui vont faciliter la réalisation de "l'ensemble des investissements et des réformes nécessaires pour rendre le Portugal plus prospère, plus juste et plus novateur", a averti le Premier ministre qui avant la pandémie s'était tourné vers la Chine pour investir dans le pays, à travers des prises de participation ou la construction d'infrastructures. Un choix critiqué par des pays européens et les Etats-Unis.
Car le point noir de l'économie portugaise reste sa compétitivité. Parmi les réformes, celle du marché du travail est la plus urgente mais elle est aussi la plus délicate à mener dans ce pays de quelque 10 millions d'habitants. Le Portugal a en effet un problème de productivité. Si la sienne se situe au niveau de la moyenne de la zone euro à l'instar de la Grèce (105 points) (indice : 100 points), elle est loin d'atteindre celle de la Roumanie et de l'Irlande (132 points), de la Pologne (120 points) ou encore de la Bulgarie (112 points).
D'autant que le coût horaire de la main d'œuvre au Portugal, même si, à 16 euros, il reste largement en dessous de la moyenne de la zone euro (32,3 euros), est supérieur à celui de la Pologne (11 euros), de la Bulgarie (8 euros) et de la Roumanie (6 euros). Cela n'empêche pas le pays de subir l'exode d'une partie de la population active.
Dernier exemple, 18.000 infirmières sont parties travailler l'année dernière dans d'autres pays européens en raison notamment de la faiblesse de la charge de travail et des salaires locaux (7 euros de l'heure)
Parmi les réformes, on retrouve le catalogue classique qui vise à améliorer la compétence managériale, la formation de la main d'œuvre, la concurrence dans les services, l'efficacité du système judiciaire. Pour les entreprises, le régime d'insolvabilité et la fiscalité doivent être révisés.
Un taux de chômage au plus bas depuis 2002
Si un tel défi est de taille pour le Premier ministre, il peut faire valoir certains résultats. Le taux de chômage s'élevait à 5,9% en décembre, au plus bas depuis 2002. Quant à l'activité, l'économie portugaise a connu une croissance de 4,9% en 2021, un taux supérieur aux attentes, après la récession de 8,4% en 2020. Si le pays reste sous la moyenne de la zone euro (5,2%), il a réduit l'écart par rapport aux estimations précédentes.
En outre, le Portugal a payé sa trop grande dépendance au secteur du tourisme (8,4% du PIB et 10% de l'emploi en 2019) qui s'est écroulé en raison des confinements et interdictions de voyager pour lutter contre la pandémie du Covid-19. Mais, à court terme, il reste un facteur de soutien de la reprise économique.
"Nous prévoyons que lorsque la situation du Covid-19 se sera stabilisée durant cette année, le Portugal verra une forte reprise de ses recettes tirées du tourisme, et l'économie enregistrera une croissance de 5,7% en 2022, ce qui bénéficiera aux finances publiques. Ainsi, nous anticipons un déficit public équivalent à 3,2% du PIB. Ce qui permettra de réduire la dette souveraine à 115% du PIB à la fin de l'année après son pic de 122%", explique l'agence de notation S&P.