Quel profil pour diriger Air France-KLM ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  761  mots
(Crédits : Christian Hartmann)
Le comité de nominations du conseil d'Air France-KLM cherche un successeur à Jean-Marc Janaillac, qui a démissionné début mai. Le gouvernement cherche un connaisseur du transport aérien.

Quel profil pour diriger Air France-KLM ? Un connaisseur du transport aérien, comme l'a souhaité le ministre des Finances, Bruno Le Maire ? Un spécialiste du social, comme l'affirment certains experts ? Quelqu'un venant d'un autre secteur avec un œil neuf et étranger à la technostructure du groupe ? Il n'y a pas de règle. On trouve des bons ou des mauvais profils dans les tous les cas, qu'ils connaissent ou pas le secteur. Les choix dépendent de la situation dans laquelle la compagnie se trouve, du type de gouvernance (entre une dissociation ou pas des fonctions de Pdg) et bien entendu de la personnalité et des qualités intrinsèques de chaque candidat.

Doug Parker et Tim Clark, des réussites exemplaires

Évidemment, la connaissance du transport aérien semble un avantage incontestable pour réussir dans ce secteur complexe. Il permet notamment d'entrer rapidement dans le vif du sujet. La très grande majorité des compagnies aériennes sont d'ailleurs dirigées par des personnes issues de ce secteur d'activité. Les réussites ne manquent pas.

L'un des plus beaux exemples est peut-être celui de Doug Parker, le directeur général d'American. Après avoir débuté sa carrière chez Northwest en 1991, il est arrivé à la tête de la modeste America West et organisa ensuite la reprise de US Airways en 2005, dont il prit la direction. Rebelote cinq plus tard où, à l'issue de la fusion avec American Airlines en 2010, c'est lui qui fut choisi pour diriger la nouvelle entité.

Autre exemple, celui de Tim Clark, l'actuel patron d'Emirates. Dans le Golfe, il est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs dirigeants de compagnies. Sa parfaite maîtrise de l'ensemble des problématiques du secteur impressionne. Tim Clark avait commencé sa carrière dans les années 1970 au sein de British Caledonian.

IAG et Lufthansa dirigés par d'anciens pilotes, stratèges hors pair

En Europe, Willie Walsh et Carsten Spohr, les patrons du groupe IAG (British Airways, Aer Lingus, Vueling et Iberia) et Lufthansa, rencontrent également un très beau succès. Tous deux sont à la fois des stratèges et des gestionnaires hors pair. Ils sont par ailleurs d'anciens pilotes de ligne, sans qu'il soit facile de dire si cela les a aidés dans leur relation avec les syndicats de pilotes. Réputé comme un cost killer, le premier s'est toujours gardé de les heurter, tandis que le second n'a pas hésité au contraire à les affronter, quitte à avoir de nombreux jours de grève. Lufthansa se portait également très bien avant la prise de fonction de Carsten Spohr, sous la présidence de Christoph Frantz, ou, bien avant lui, de Wolfgang Mayrhuber ou Jürgen Weber. Sans être pilotes, ces derniers étaient issus des rangs du groupe allemand.

Pour autant, "être du secteur" n'est pas non plus un gage de connaissance dudit secteur et encore moins de réussite. L'échec du pilote de ligne Jean-Charles Corbet à la tête d'Air Lib en atteste. Président du SNPL Air France, il avait pris les rênes de la compagnie française en 2001, laquelle fut liquidée début 2003.

A Air France et Air France-KLM, la très bonne connaissance du secteur de Pierre-Henri Gourgeon, DG du groupe de 2009 à 2011, n'a pas empêché la descente aux enfers d'Air France.

Christian Blanc ne connaissait pas le transport aérien

En tout cas, venir d'un autre secteur est loin de conduire à l'échec. Christian Blanc, par exemple, qui avait sauvé Air France entre 1994 et 1997, avait été nommé Pdg fin 1993 alors qu'il ne connaissait pas le transport aérien, puisqu'il avait dirigé précédemment la RATP, après une carrière de haut-fonctionnaire. Pour autant, le job demandait à l'époque d'autres qualités que la connaissance de ce secteur compliqué. Pour cela, il sut s'entourer des meilleurs en faisant appel à Stephen Wolf, le directeur général de US Airways à l'époque, qui emmena avec lui l'Indo-américain Rankesh Gangwal, le pape du yield management et du hub.

Aux États-Unis, Glen Tilton a redressé United Airlines au début des années 2000, alors qu'il venait de l'industrie pétrolière et, une fois sa mission réussie, a quitté le secteur. Plus récemment en Europe, l'ancienne DG d'Easyjet Carolyn McCall a magnifiquement réussi alors qu'elle dirigeait jusque-là un groupe de presse. Tous n'ont pas eu ce destin. Le passage du jeune ministre des Transports Camiel Eurlings à la direction de KLM (2012-2014) ne restera pas non plus dans les annales de la compagnie batave.