Taux bas, poids de la dette et entreprises "zombies" : la BRI met en garde

Par latribune.fr  |   |  595  mots
L'endettement des pays émergents a doublé entre 2007 et fin 2016 pour atteindre 11.700 milliards de dollars.
Après la crise financière de 2008, "le désendettement n'a pas vraiment eu lieu", souligne le rapport trimestriel de la Banque des règlements internationaux. Profitant des taux bas, entreprises et États ont largement emprunté sur les marchés, avec le risque de ne plus pouvoir couvrir les intérêts de leur dette en cas de remontée des taux, souligne celle qui est considérée comme la banque centrale des banques centrales

Le "piège de la dette" est-il en train de se refermer sur les entreprises ? Il est déjà trop tard pour certaines, a alerté dimanche la Banque des règlements internationaux (BRI), estimant que la hausse du pourcentage d'entreprises ne pouvant plus en couvrir le service "n'est pas de bon augure", à l'occasion de la publication du rapport trimestriel de cette institution, considérée comme la banque centrale des banques centrales.

Après la crise financière de 2008, "le désendettement n'a pas vraiment eu lieu", a affirmé Claudio Borio, le chef du département monétaire et économique de la BRI, Dans un contexte de "facteurs favorables" qui incitent les marchés à la prise de risque, la BRI constate que "les niveaux de la dette mondiale en proportion du PIB ont continué d'augmenter", avec une dette publique qui a pris le relais là où la dette privée avait diminué.

Crainte sur une remontée trop brutale des taux

L'endettement des pays émergents a doublé entre 2007 et fin 2016 pour atteindre 11.700 milliards de dollars. Sur la période, cet endettement est passé d'un ratio de 41% du produit intérieur brut (PIB) à 51%. Le rapport de la BRI contient également une étude disant que l'endettement mondial était peut-être sous-évalué de quelque 13.000 milliards de dollars parce que les pratiques comptables traditionnelles ne prennent pas en compte les produits dérivés sur le marché des changes utilisés en guise de couverture pour le commerce international et les obligations en devises étrangères.

Des entreprises lourdement endettées, qui bénéficient actuellement de taux bas pour se financer sur les marchés, pourraient ainsi se retrouver en difficulté si les banques centrales décidaient de resserrer leur politique monétaire. L'endettement collectif des entreprises américaines est bien plus élevé qu'avant la crise financière de 2007-2009 et une chute des primes demandée par les investisseurs pour des prêts plus risqués a dopé la vente d'obligations dites à contrats allégés, qui offrent des rendements élevés.

Les indicateurs avancés signalent des difficultés, notamment parce que les ratios du service de la dette "ne sont faibles que parce que les taux d'intérêt ont fortement baissé", explique-t-il et de souligner l'existence "une forme de circularité risquant d'aboutir à un piège de la dette".

"Dans ce contexte, l'augmentation du pourcentage d'entreprises dont les bénéfices ne peuvent couvrir le service de la dette (ndlr: les entreprises dites "zombies") n'est pas de bon augure", a-t-il assuré.

L'inflation modérée, question à "1.000 milliards de dollars"

La BRI s'interroge sur la possibilité d'une nouvelle crise en cas de remontée significative des taux. L'institution prône le retour progressif à des taux plus élevés alors que les banques centrales hésitent à donner un tour de vis monétaire en raison du bas niveau de l'inflation. "On a l'impression d'être dans 'En attendant Godot'", note Claudio Borio.

Quant à l'inflation, le responsable de la BRI se pose "une question à 1.000 milliards de dollars" en se demandant pourquoi "reste-t-elle résolument si faible, alors que les économies approchent ou dépassent les estimations de plein emploi et les banques centrales déploient des efforts sans précédent pour la soutenir?"

"Il est préoccupant que personne n'en connaisse véritablement la réponse", admet Claudio Borio, qui a vu que les craintes d'un "resserrement concomitant des politiques monétaires" se sont éloignées en juin, les salaires n'ayant pas augmenté et l'inflation "s'étant même plutôt affaiblie".

(avec AFP et Reuters)