Les banques entre l’enclume des taux bas et le marteau des marchés volatils

Le Crédit agricole a clôturé, jeudi 12 mai, le « bal » des résultats trimestriels du secteur bancaire français. Des résultats qui portent les stigmates de la faiblesse des taux d’intérêt et de la volatilité des marchés financiers.
Christine Lejoux
La faiblesse des taux d’intérêt, conséquence de la politique monétaire ultra-accommodante de la BCE, pèse sur la marge nette d’intérêt que les banques tirent de leur activité de transformation.

S'il est souvent inconfortable de passer en premier, il n'est pas forcément plus agréable d'être le dernier de la liste. La preuve avec le Crédit agricole, la dernière des quatre plus grandes banques françaises à publier ses résultats trimestriels, jeudi 12 mai : le cours de Bourse de Casa (Crédit agricole SA), l'entité cotée de la banque verte, a perdu jusqu'à 4 % en séance, alors que celui de BNP Paribas, qui avait ouvert « le bal des trimestriels » le 3 mai, s'était adjugé plus de 3% ce jour-là. Il faut dire que le bénéfice net de Casa, en chute de 71% au premier trimestre, à 227 millions d'euros, a pâti de toute une série d'éléments exceptionnels, liés à la réorganisation de la structure capitalistique du Crédit agricole. A l'inverse, avec un résultat net en hausse de 10,1%, à 1,8 milliard d'euros, BNP Paribas avait déjoué les pronostics d'analystes financiers rendus pessimistes par un environnement des plus adverses pour le secteur bancaire.

D'abord en banque de détail (collecte des dépôts et octroi de crédits), où la faiblesse des taux d'intérêt, conséquence de la politique monétaire ultra-accommodante de la BCE (Banque centrale européenne), pèse sur la marge nette d'intérêt que les banques tirent de leur activité de transformation. Pour mémoire, c'est au moyen de ressources à court terme, telles que les dépôts de leurs clients, que les banques financent des prêts de long terme : elles « transforment » ainsi des ressources de court terme, bon marché, en crédits de long terme, par nature plus risqués et par conséquent plus onéreux. Et c'est de cet écart entre taux à court terme et taux à long terme que provient leur marge d'intérêt. En théorie, car la politique monétaire de la BCE a débouché sur un aplatissement de la courbe des taux, c'est-à-dire un resserrement très fort de l'écart entre taux courts et taux longs.

La BFI doit composer avec des marchés nerveux

Conséquence, la marge nette d'intérêt sur les crédits au sein des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires (groupe BPCE) a fondu de 7%, au cours des trois premiers mois de l'année. « Elle avait baissé dans une proportion moindre en 2015, année qui avait été marquée par une augmentation importante du volume de crédits. Mais aujourd'hui, les gains de parts de marché dans le crédit ne suffisent plus à compenser l'impact négatif de la faiblesse des taux », a expliqué François Pérol, président du directoire de BPCE, le 10 mai, lors d'une conférence téléphonique. De fait, dans une étude sur les banques françaises publiée le 7 avril, l'agence de notation financière Moody's ne « s'attend pas à ce que la nouvelle baisse des taux d'intérêt, observée depuis le début de l'année, soit compensée par une progression de même ampleur de la production de crédit, en 2016. » Autre illustration des conséquences de l'environnement de taux très bas sur la rentabilité des banques de détail, LCL, la banque de proximité de Casa, a vu son bénéfice net plonger de 31,8%, à 85 millions d'euros. Interrogé sur le calendrier d'un retour à meilleur fortune de LCL, Jérôme Grivet, directeur général adjoint de Casa en charge des finances, a répondu lors d'une conférence téléphonique avec la presse que « cela dépendrait beaucoup des mouvements des taux d'intérêt. » Des mouvements au sujet desquels son confrère Philippe Heim, à la Société générale, n'est pas très optimiste, puisqu'il anticipe une baisse de 2% des revenus de la banque de détail de son groupe en France, cette année, après un recul de 3% de janvier à mars.

Adverse, l'environnement actuel du secteur bancaire l'est également du fait de la volatilité des marchés financiers. Ceux-ci ont joué les montagnes russes en janvier et en février, les investisseurs s'inquiétant pêle-mêle du ralentissement de la croissance en Chine, des perspectives de l'économie américaine, de la faiblesse du prix du pétrole et des tensions géopolitiques. Résultat, les entreprises ont différé leurs projets d'augmentations de capital et d'émissions obligataires, attendant des jours meilleurs sur les marchés. Les résultats trimestriels des pôles de BFI (banque de financement et d'investissement) des groupes bancaires français portent les stigmates de cet attentisme : -54,5% chez BNP Paribas, -14,7% à la Société générale, -30% chez Natixis, la banque de marché du groupe BPCE, et -51% au Crédit agricole.

« Nous sommes dans des situations de marché où, à tout instant, il peut y avoir des incertitudes qui ne permettent pas aux entreprises d'émettre des obligations, comme cela a été le cas en janvier et en février, avant de s'améliorer en mars et en avril. Nous devons nous habituer à cela », a prévenu Frédéric Oudéa, le directeur général de la Société générale.

L'accent plus que jamais mis sur les coûts

Certes, les banques s'efforcent de développer des relais de croissance, dans l'assurance-vie, la gestion d'actifs, le conseil en fusions-acquisitions, autant de métiers générateurs de commissions. Et, afin de limiter l'impact des taux négatifs, qui agissent également comme une taxe sur leurs dépôts auprès de la BCE, Natixis et le Crédit agricole ont commencé à facturer les dépôts, la première de certaines de ses grandes entreprises clientes, la seconde de sa clientèle d'institutionnels. Mais, coincées entre l'enclume des taux d'intérêt et le marteau de la volatilité des marchés, les banques n'ont d'autre choix que de mettre plus que jamais l'accent sur la gestion de leurs coûts, afin de limiter la dégradation de leur rentabilité.

BPCE réfléchit ainsi à « un nouveau programme de transformation opérationnelle. » Comprendre, entre autres, une accélération de la transformation digitale du groupe, de nouvelles fusions de Caisses d'Epargne et de Banques Populaires, une poursuite de la réorganisation des réseaux d'agences, dont « le nombre a commencé à diminuer », a précisé François Pérol. Et d'insister : « Si le contexte de taux actuel perdure, les réseaux bancaires devront gagner en productivité commerciale. L'emploi dans la banque commerciale en France ne va pas augmenter, au cours des prochaines années. » A la Société générale, laquelle avait dévoilé à l'automne dernier un plan de réduction de 20% du nombre de ses agences d'ici à 2020, c'est au tour de la BFI de fournir de nouveaux efforts, avec 220 millions d'euros d'économies supplémentaires attendues d'ici à la fin 2017. Idem chez BNP Paribas, qui a annoncé le mois dernier un plan de départs volontaires concernant 10% environ des effectifs de sa BFI en France.

Christine Lejoux

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Commentaires 4
à écrit le 18/05/2016 à 23:54
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Les comptes des particuliers et des societes sont une reserve inépuisable pour elles. Toujours plus facile de jouer avec l'argent des autres! Assurance vie, livret, depot en tout genre, ca risque de vraiment mal se passer un jour...

à écrit le 17/05/2016 à 16:51
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et l'impact positif sur le coût du risque dans leur bilan (avec des emprunteurs qui paient plutôt que de crouler sous les charges financières), bizarrement on en parle pas... il faut dire qu'elles n'ont pas encore trouver le moyen de faire garantir...

à écrit le 17/05/2016 à 9:30
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Euh, je ne vais pas pleurer sur le sort des banques. Quand elles prêtent disons à 4% avec une rémunération des dépôts de 0% et des frais divers, ells gagnent encore bien leur vie, n'est-ce pas :-)

à écrit le 16/05/2016 à 19:05
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Un article qui sous-entend que si les banques gagnent moins de fric, c'est de la faute à la BCE. Et qui oublie de dire que la baisse de la marge en banque de détail chez LCL vient avant tout des renégociations de prêts. Bref : on fait son petit coupl...

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