Le strip-tease  : la dernière arme de Greenpeace pour faire plier les multinationales

Par Aymeric Auberger  |   |  689  mots
Nicolas Chauveau
L'organisation écologiste accuse certaines des plus grandes marques d'être complices de la pollution des fleuves en Chine. Pour faire plier Nike et Adidas, elle a "inventé" le strip-tease mondial.

Dans un rapport intitulé "Dirty Laundry" (Linge Sale) publié le 13 juillet, l'ONG pour la défense de l'environnement Greenpeace s'en prend aux fournisseurs chinois de Nike et Adidas en les accusant de déverser des substances toxiques dans les fleuves chinois. Parmi les marques entretenant des relations commerciales avec ces fournisseurs, on trouve aussi Puma, Calvin Klein, Lacoste, Abercrombie & Fitch, H&M, Converse ou encore le géant chinois Li Ning.

Deux entreprises chinoises sont visées en particulier, la Youngor Textile Complex, située sur le delta du fleuve Yangtze, et la Well Dyeing Limited, sur le delta de la rivière des Perles, près de Hong Kong. Greenpeace, qui a analysé des échantillons d'eaux usées provenant des rejets de chacune des usines, dit y avoir trouvé des perturbateurs endocriniens, des produits qui agissent sur l'équilibre hormonal et peuvent provoquer des troubles de reproduction ou certains cancers. Ce sont des composants "persistants", qui se propagent dans toute la chaîne alimentaire, et sont dangereux même en faible quantité.

Adidas et Nike, particulièrement stigmatisés par l'ONG en tant que leaders de leur secteur, ont chacun affirmé que la fabrication de leurs produits n'était pas à l'origine de ces rejets. Nike a indiqué ne sous-traiter que "la coupe et la couture" dans les usines citées. La campagne Detox, lancée par Greenpeace à la suite de son rapport (voir ci-dessous), leur demande d'assumer leur choix de fournisseurs et de faire pression pour qu'ils cessent toute activité polluante, ou bien de rompre tout contact avec eux. Tant que ces marques n'auront pas mis en oeuvre une politique d'engagement englobant toute leur « supply chain », Greenpeace les considèrera toujours comme responsables des agissements de leurs fournisseurs.

Le gouvernement chinois, qui a aussi son rôle à jouer dans cette affaire, serait actuellement en train d'examiner un projet de loi fixant une amende de 10.000 yuans (1.078 euros) par jour aux entreprises ne respectant pas les règles sur le respect de l'environnement. Confrontée récemment à une multiplication des catastrophes environnementales, la Chine s'est engagée à assainir ses réserves d'eau dans les cinq prochaines années. Cependant, même si le pays se dote de l'arsenal juridique nécessaire, l'application des lois n'est pas assurée. Selon les chiffres officiels cités par la presse chinoise, 16 % des rivières chinoises sont trop polluées pour servir à l'irrigation.

Strip-tease à Paris pour sauver les fleuves chinois

Après avoir investi le Web avec ses reportages, ses spots publicitaires, sa cyber-pétition, Greenpeace porte sa campagne de dénonciation Detox devant les magasins Nike et Adidas... en organisant un strip-tease mondial (cliquez ici pour accéder à la vidéo).

Le samedi 23 juillet à dix heures du matin, tout près des Champs-Élysées à Paris, une vingtaine de personnes en T-shirt Nike répètent les mouvements d'une chorégraphie. Conformément au plan prévu, les militants Greenpeace entreront séparément dans le magasin Nike de la célèbre avenue, puis au signal sortiront tous en même temps et se déshabilleront en musique. Reprenant le concept de « flash mob » - mobilisation imprévisible, rapide et concertée dans plusieurs endroits différents -, des manifestations similaires sont organisées dans 50 villes réparties dans 14 pays. À Paris, le sérieux de la dénonciation l'emporte sur le « fun » de l'événement. La chorégraphie est exécutée scrupuleusement, les visages sont impassibles.

Ce strip-tease mondial, imaginé aussi pour établir un nouveau record du monde, se présente comme un encouragement. Selon le directeur des campagnes de Greenpeace France, Sylvain Tardy, il s'agit de mettre Nike et Adidas au défi d'être les premiers à réagir. « Nous visons Nike et Adidas en tant que leaders de leur secteur, c'est à eux de se montrer responsables jusqu'au bout et d'aider leurs fournisseurs à être plus propres », explique Sylvain Tardy. En poussant les grandes marques à mieux respecter l'environnement, elles inciteraient la Chine à imposer des réglementations. La campagne actuelle est « soft », selon Sylvain Tardy... mais si rien ne change, Greenpeace n'hésitera pas à passer à la vitesse supérieure!