Le gouvernement peut-il répondre aux attentes des acteurs français du solaire ?

Par Dominique Pialot  |   |  903  mots
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Certaines décisions symboliques pourraient être prises rapidement mais il n'est pas certain que le gouvernement souhaite se prononcer avant les élections législatives.

Les représentants du solaire français, une filière en plein marasme depuis plusieurs mois, n?ont pas perdu de temps. Moins d?une semaine après la nomination de Nicole Bricq à la tête du ministère de l?Environnement et de l?Energie, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et l?association des professionnels de l'électricité solaire Enerplan ont rendu publics leurs cahiers de doléances. Deux mots clés résument leurs desiderata : stabilité des tarifs et révision à la hausse des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement pour 2020.

Le secteur a en effet beaucoup souffert des baisses brutales de tarifs à répétition ces dernières années et plus encore du moratoire imposé de décembre 2011 au printemps 2012, suivi de l?instauration d?un système d?appel d?offres pour toutes les installations d?une puissance supérieure à 100 kilowatts (kW). Seules les installations de taille plus modeste (le résidentiel) sont aujourd?hui éligibles aux tarifs de rachat. "Moins la visibilité réglementaire et tarifaire est bonne, plus les investisseurs demandent des retours élevés", rappelle Daniel Bour, l'ancien président de Sunnco GC (Grands Comptes) qu?il a racheté il y a quelques mois pour fonder la Générale du Solaire.

Multiplier l?objectif cible pour 2020 par quatre

Pour justifier ces nouvelles règles, très décriées par la profession qui les rend responsables de la destruction de plusieurs milliers d?emplois, le précédent gouvernement a mis en avant la dérive des coûts pour le consommateur (via sa facture d?électricité) et la capacité installée, qui atteint déjà 2,5 GW pour un objectif de 5,4 GW en 2020, conformément au Grenelle de l?Environnement. Pour mémoire, les Allemands (premier marché au monde, il est vrai) ont déjà installé 24,7 GW fin 2011, les Italiens 12,5 GW et les Espagnols 4,2 GW.

Les acteurs de la filière réclament donc un relèvement de l?objectif à 20 GW, soit près de quatre fois plus que la puissance installée aujourd?hui. En termes de tarifs, ils remettent en cause le système actuel du corridor (consistant à une révision tous les trois mois en fonction des capacités installées au cours du trimestre précédent) et l?inéligibilité au tarif de rachat des projets supérieurs à 100 kW, un plafond qu?ils souhaiteraient voir relevé à 250 kWh.

Autoconsommation et régionalisation des tarifs

Au-delà de ces deux revendications principales sur les tarifs et les objectifs, certains professionnels souhaiteraient que le gouvernement favorise l?autoconsommation. Une façon, pour Enerplan, d?alléger la charge sur la CSPE (contribution au service public de l?électricité, payée par les consommateurs sur leur facture). "C?est très compliqué, à la fois sur le plan technique et sur le plan tarifaire", tempère Daniel Bour. "Mais cela inciterait les consommateurs à favoriser les heures creuses". Julien Chirol, en charge du solaire au sein du groupe japonais Panasonic en Europe, abonde : "l?autoconsommation a des vertus éducatives et elle a d?autant plus de sens si le bâtiment est équipé de domotique intelligente et de batteries" (des produits que Panasonic proposera bientôt sur le marché européen, ndlr).

Autre demande, le retour à des tarifs différenciés selon les régions, pour rétablir une égalité entre les territoires et éviter la concentration des installations dans le sud. "Depuis la suppression de la régionalisation, nous observons un fort basculement de notre activité vers le Sud", confirme Daniel Bour. "On pourrait envisager une autre forme de modulation des tarifs, favorables aux régions en déficit énergétique comme la Bretagne ou PACA".

Favoriser les petites entreprises et les petits projets

Enfin, Enerplan (qui, plus que le SER, regroupe des PME/PMI), plaide pour une décentralisation plus favorable aux petites entreprises. En ligne avec Panasonic, qui plaide pour le développement du marché résidentiel plutôt que pour les grandes fermes au sol. "La surchauffe (dans le coût pour la collectivité) est toujours due aux gros projets", affirme Julien Chirol. Il se désole que le marché résidentiel français soit devenu "un marché zombi". Un effet, selon lui, d?une communication négative autour du sujet "alors que cela n?a jamais été aussi rentable. Du coup, cela devient difficile pour un particulier de trouver des installateurs, et ceux qui restent sont contraints d?augmenter leurs marges pour compenser la baisse des volumes". Enerplan lui aussi s'exprime pour que soit "relancée une communication positive sur les atouts de l'énergie solaire photovoltaïque et thermique".

Le gouvernement réagira-t-il rapidement à ces diverses demandes ? Avant les élections législatives (les 10 et 17 juin), c?est un peu du quitte ou double. Il pourrait y avoir un "coup politique" à jouer pour se démarquer de l?image déplorable du précédent gouvernement sur le sujet. A moins que cela ne soit jugé trop polémique et donc, risqué avant le troisième tour. "Il faut trouver la bonne voie entre une logique de filière affirmée et une gestion rigoureuse sur le plan des dépenses publiques", reconnaît Daniel Bour. "Mais certaines mesures transitoires pourraient être prises rapidement, par simples décrets, comme le plafonnement de l?objectif annuel à 500 MW ou l?annonce de nouveaux appels d?offres pour les grandes centrales".