La France accro au diesel cancérogène

Par Dominique Pialot  |   |  543  mots
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C'est dans l'Hexagone qu'on trouve la plus grande proportion de véhicules roulant au diesel, dont les gaz d'échappement viennent d'être classés cancérogènes par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Une situation favorisée par la fiscalité (sur le carburant mais aussi sur les automobiles) et à laquelle sont attachés les professionnels du transport comme les constructeurs français...

Les premières études sur la nocivité des gaz d'échappements produits par les véhicules roulant au diesel remontent à une trentaine d'années. Effets sur le risque d'infarctus, sur le cerveau...et même sérieux soupçons sur le cancer depuis son classement en « cancérogènes probables » (groupe 2A) en 1998 par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'agence dédiée de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). On sait de longue date que les particules fines contenues dans ces gaz d'échappement ont capables de pénétrer dans les poumons et même les vaisseaux sanguins.

D'ailleurs, la France s'est déjà fait rappeler à l'ordre par la Commission européenne il y a un an, car le plafond maximum autorisé, de 50 µg/m3 (microgramme par mètre cube), y avait été dépassé plus de 35 jours dans l'année. Mais le soupçon vient de se transformer en certitude avec ce classement dans le groupe des « cancérogènes certains pour les humains » annoncé hier mardi 12 juin par les experts du Circ, basés à Lyon.

La diésélisation du parc français s'accélère

Le plus grave, c'est que les dernières mesures prises à l'occasion du Grenelle de l'Environnement n'ont fait qu'accroître la part du parc français roulant au diesel. En effet, le système de bonus/malus repose sur les émissions de CO2 par kilomètre parcouru. Or le diesel en émet moins que l'essence. En outre, même si les véhicules diesel sont à l'achat plus chers que les véhicules essence, le prix du plein est ensuite considérablement moins onéreux. Une différence qui s'explique essentiellement par une fiscalité très favorable au diesel. Son maintien, réclamé haut et fort par les transporteurs routiers, est de plus en plus remis en cause.

Néanmoins, comme l'a montré le récent « palmarès des véhicules les plus propres » publié par l'Ademe, la diésélisation du parc ne cesse de s'accroître. De 72 % des véhicules neufs vendus en 2011, sa part est passée à 83,5 % sur les premiers mois de 2012.
Certes, les normes Euro V (qui rendent obligatoires les filtres à particules depuis le 1er janvier 2011) et Euro VI, qui permettront (à partir de 2015...) de limiter les oxydes d'azotes, sont destinées à réduire les risques associés à ces émanations.

Une opportunité d'innovation pour les constructeurs français ?

Mais l'efficacité des filtres à particules reste à prouver, notamment pour les trajets urbains courts. La ministre de l'Ecologie, très attachée à traiter conjointement les sujets d'environnement et de santé publique, l'a elle-même reconnu lors d'une conférence de presse ce mercredi 13 juin. A propos de ses projets pour remédier à cette situation, « Mon passé plaide pour moi » a-t-elle rappelé, évoquant ses travaux sur la fiscalité des carburants. « Moi je suis pour (que cet avantage au diesel soit diminué, ndlr), a affirmé la ministre.

Mais il faudra convaincre le gouvernement, et comme cette diésélisation accélérée a été pleinement intégrée par les constructeurs français, il faut prendre en compte les conséquences socio-économiques qu'entraînerait un retournement de situation » a-t-elle ajouté, évoquant pour conclure une « opportunité d'innovation » pour les industriels français.