Le plan auto va-t-il vraiment faire décoller les voitures propres en France ?

Par Dominique Pialot  |   |  956  mots
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Derrière les effets d'annonce, nombre de mesures pré-existaient au plan annoncé mercredi. Les promoteurs de la voiture propre se réjouissent néanmoins, mais le plan annoncé n'est peut-être pas définitif...

Tout pour la voiture verte ! On ne pourra pas reprocher au gouvernement de soutenir envers et contre tout une filière industrielle en perte de vitesse. Sur le papier, tout semble réuni au contraire pour aider les voitures propres à décoller en France. Des voitures sur lesquelles les constructeurs nationaux sont bien positionnés, qu'il s'agisse de petites motorisations thermiques sobres en carburant, de modèles hybrides ou de voitures électriques, présentées par Renault comme un élément clé de sa nouvelle stratégie.

Mais le plan automobile présenté mercredi par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg recèle quelques astuces permettant de gonfler artificiellement la liste des nouveautés.

Comment faire du neuf avec du vieux

Ainsi, contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce ne sont pas tous les modèles électriques qui bénéficieront d'un bonus de 7.000 euros au lieu de 5.000 précédemment, mais seulement les plus chers d'entre eux. Le bonus correspond en effet toujours à 20 % du prix d'achat du véhicule, mais le plafond passe de 5.000 à 7.000 euros. Ne sont donc concernés que les véhicules d'un prix supérieur à 35.000 euros, alors que la moyenne des véhicules électriques se situe autour de 30.000 euros. Certains, tels que la Zoé dont Renault a confirmé la commercialisation pour la fin de l'année 2012, étant annoncés à des prix nettement inférieurs.

Quant à l'extension du bonus aux acheteurs de flottes d'entreprises, ces derniers en bénéficiaient déjà, du moins pour des commandes importantes telles que celle passée par le groupe La Poste, qui avait négocié une « remise » équivalente dans le cadre de l'appel d'offres. D'ailleurs, à La Poste, on s'étonne d'avoir découvert certains détails du plan annoncé ce mercredi. Notamment, l'engagement de l'Etat de réserver 25 % de ses achats à des véhicules décarbonés. En effet, les commandes de l'Etat, qui constituaient le troisième lot de la commande publique passée par le groupement d'achat fédéré par La Poste, avaient été annulées à la dernière minute par le gouvernement précédent. Mais le travail effectué alors avec l'UGAP (union des groupements d'achats publics), qui possède désormais les modèles ad-hoc en catalogue, va faciliter les commandes de l'Etat .

Nomination d'un "Monsieur infrastructures"

Du côté des promoteurs de la voiture électrique, on se réjouit des mesures annoncées, mais aussi d'un état d'esprit "plus opérationnel que conceptuel ", selon Charlotte de Silguy, Secrétaire générale de l'AVERE France. Cette association, qui promeut l'acquisition et l'utilisation des véhicules électriques et hybrides est depuis peu présidée par Joseph Beretta, en charge du domaine énergie et technologie de la direction des affaires publiques... du groupe PSA Peugeot Citroën...

"La France ne peut pas se permettre de rater le tournant de la voiture propre, il y a. trop d'emplois en jeu ", ajoute Charlotte de Silguy.

Elle accorde également un bon point à l'attention portée au déploiement des infrastructures de recharge. L'aide de l'Etat, dont le montant, pris sur les investissements d'avenir, n'a pas changé, n'est plus réservée aux treize collectivités locales qui s'étaient portées volontaires pour servir de terrains d'expérimentation. La nomination d'un « Monsieur infrastructure » semble également garante d'une meilleure coordination. "Mais il ne faut pas devenir monomaniaque des infrastructures, met en garde Charlotte de Silguy. Il faut surtout adapter l'offre aux besoins, et accompagner le déploiement des recharges dans le privé, au domicile des automobilistes ou sur leur lieu de travail. "

L'éco-mobilité ne se limite pas à la voiture électrique

Une réserve néanmoins : "Le plan ne parle que de la voiture individuelle, alors que les transports en communs, les scooters, les bateaux, etc. sont tout aussi concernés."

Surtout, l'évolution vers une éco-mobilité dépasse la problématique des véhicules. Il s'agit plus largement du passage d'un modèle fondé sur l'objet voiture, vers un modèle où les services prennent le pas sur les machines. Autopartage, multi-modalité, etc. c'est toute l'organisation des transports qui est en jeu. "Mais le lien avec la voiture électrique existe", affirme Charlotte de Silguy. Car à ses yeux, celle-ci souffre avant tout d'un problème d'image. "L'autopartage (tel que Autolib à Paris, ndlr) donne aux automobilistes l'occasion de conduire des véhicules électriques s'en aucun engagement, et le plus souvent, ils sont conquis".

Certes, et ce n'est pas propre à la France, les ventes de véhicules électriques décollent moins vite qu'espéré. C'est un peu moins le cas des hybrides, qui constituent une rupture moins radicale avec les motorisations thermiques. "Mais, plutôt qu'une croissance linéaire qui mènerait de zéro en 2008 à 2 millions de véhicules sur les routes françaises en 2020 (l'objectif affiché par le précédent gouvernement, ndlr), nous aurons probablement une croissance en asymptote", veut croire Charlotte de Silguy.
 

Des écarts entre le plan communiqué et les décisions en interministériel

Les ONG environnementales, pour leur part, déplorent le manque d'ambition du plan et les avantages accordés aux véhicules thermiques faiblement émetteurs de CO2, en l'occurrence les diesel, dont l'impact sur la santé est plus décrié que jamais depuis que l'organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment classé leurs émanations parmi les substances cancérogènes.

Mais les uns comme les autres se prononcent sur un plan dont on ignore encore la version définitive... Selon un bon connaisseur du dossier, en effet, "il existe des écarts entre ce qui est communiqué par le ministère du Redressement productif et ce qui a été décidé en interministériel. Et vice versa." Et auncun éclaircissement ne devrait être apporté avant la mi-septembre...