La banque, c'est la vie : renvoyez Cantona dans ses 18 mètres !

Par Stéphane Soumier  |   |  679  mots
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Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business.

Ont-ils la moindre angoisse sur ce qui peut se passer demain ? Éric Cantona tourne en boucle sur les plates-formes Internet, étrange d'ailleurs, mal à l'aise sur un canapé, semblant un instant se redresser pour trouver une posture adaptée, avant de renoncer et de s'avachir dans un sourire. Mais les grands banquiers du pays l'ont-ils vu ? Y aura-t-il, demain, mardi, des mesures particulières, des liquidités amassées dans les coffres des succursales régionales, des « éléments de langage » envoyés aux conseillers clientèle pour convaincre ceux qui voudraient retirer leurs dépôts ? Car je le précise d'un mot pour ceux qui seraient passés à côté de la comète, Éric Cantona appelle chacun des citoyens de ce pays à retirer l'argent déposé dans les banques, « alors, dit-il, le système s'effondrera ». Un collectif a repris l'appel et a donc fixé le grand jour au 7 décembre. « On a choisi le 7 pour avoir le temps de toucher son salaire et de payer les factures (sic) », a expliqué l'un des promoteurs de l'opération. Ont-ils la moindre angoisse ? J'ai posé la question à quelques banquiers croisés la semaine dernière, et j'ai été frappé d'une chose : aucun d'entre eux ne répondait avec un sourire léger. L'un d'eux m'a même fait remarquer qu'il avait pris le temps d'aller voir la vidéo : « Vous vous doutez bien que j'ai autre chose à faire, et le fait que je le fasse montre bien que nous vivons des temps étranges, non ? » Les temps des fameux cygnes noirs, quand les situations fragiles peuvent être déstabilisées par des éléments jugés totalement improbables. Faudra-t-il inclure Éric Cantona quelque part dans les « stress tests » ?

Bien sûr, on peut, comme Christine Lagarde, renvoyer Cantona dans ses 18 mètres et lui dire qu'il n'a pas à se mêler d'économie, mais cette réponse n'est pas seulement totalement dénuée de sens (on sent là toute la fatuité des cabinets ministériels, les derniers à croire que nier la réalité d'un problème est une manière de le régler), elle est aussi profondément antidémocratique : bien sûr qu'il a le droit de se mêler d'économie, Éric Cantona ! Bien sûr que le débat économique appartient à tout le monde, et d'ailleurs qui pourra dire qu'il a tort ? Personne ! Qui pourra nier que le geste qu'il propose mettrait le système par terre ? Je vais pousser le raisonnement au bout : qui pourra même lui reprocher de dire aux citoyens de ce pays qu'ils sont en dernier ressort les garants de la société qui, au choix, les abrite ou les oppresse ?

Le problème, c'est que les banquiers sont usés, fatigués par trois ans de crise. Tenez, je ne pense pas trahir un secret : Henri de Castries est venu nous voir au début de la semaine dernière, la veille les marchés venaient de dégringoler en flèche, les journaux spéculaient sur « la prochaine cible », et les soupirs du patron d'Axa sur une « machine irresponsable » qui se remettait en route, en disait beaucoup sur la lassitude du corps social qu'il représente. Il faudrait pourtant qu'ils saisissent cette chance ! Allez-y ! Allez débattre face à Éric Cantona, allez raconter les milliers d'histoires que vous n'avez jamais pu raconter, la machine qui casse à 22 heures et la ligne de financement déjà prête au petit matin, le dossier qu'on « oublie » d'ouvrir une semaine parce qu'on sait que la trésorerie est trop juste, allez leur dire que la banque, c'est la vie ! Je sais, vous jugez le combat perdu d'avance, vous savez pourtant que les seuls combats perdus d'avance sont ceux que l'on refuse de mener.

Au fait, vous avez entendu Éric Besson ? Une idée qui me semble très efficace : limiter les taxes sur les capitaux investis dans l'industrie. J'ai juste trouvé cocasse qu'il la lance le jour où l'État devait admettre qu'il allait être obligé de souscrire lui-même à l'augmentation de capital d'Areva...