"La seule véritable solution en Grèce, c'est de mener une guerre totale contre la fraude fiscale"

Par Propos recueillis par Angélique Kourounis, à Athènes  |   |  746  mots
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Athanase Contargyris, économiste grec, spécialiste des questions européennes, a travaillé à l'Institut du travail à Athènes. Il analyse l'évolution de la situation politique et économique de la Grèce au lendemain de l'adoption d'un nouveau train de mesures qui vont accroître l'austérité, mais il souligne aussi que le pays ne fera pas l'économie d'une nécessaire application de la réforme de son système fiscal.

Le projet de budget 2012 vient d'être déposé par le gouvernement grec au parlement. Comment le jugez-vous ?

Il se situe dans la logique du second plan d'austérité adopté en juin dernier. Il n'y a aucune surprise. Il a deux axes : la baisse des dépenses et l'augmentation des rentrées via des taxes. Les mesures de 2012 vont même être accélérées. Le problème c'est qu'elles vont accentuer la récession. A terme, elles ne sont pas viables. Economiquement, elles ne répondent pas au problème du pays, qui est le retour à la croissance économique. Evidemment, la question du budget de l'Etat demeure, il ne doit pas dépenser plus qu'il ne perçoit d'impôts. Mais vu la difficulté à percevoir les impôts en Grèce et générer des recettes, on ne peut agir dans l'immédiat que sur la baisse des dépenses. Or cela ne peut être que temporaire. Les Grecs se trouvent désormais dans une situation extrêmement difficile. Le pays connaît sa troisième année de sévère récession. Donc la seule véritable solution, c'est de mener une guerre totale contre la fraude fiscale de ceux qui malgré leur richesse ne payent pas d'impôts ou font traîner, légalement, leur dossiers devant les tribunaux.

Pourquoi cette réforme fiscale n'avance pas ?

Je veux croire que le gouvernement a la volonté politique de la faire, mais il n'a pas le courage politique d'aller jusqu'au bout. Les lois existent depuis 18 mois mais elles n'ont pas été appliquées. Car si elles l'avaient été, elles auraient donné d'autres résultats que ceux que nous voyons. Derrière cette impuissance, il y a un problème politique : les personnes chargés de lever les impôts n'agissent pas dans l'intérêt de l'Etat. Ainsi, alors que les contribuables ont reçu de nombreux formulaires de déclarations d'impôts à remplir,on n'a toujours pas reçu les avis d'imposition, c'est bien la preuve qu'il y a un dysfonctionnement.

Est-ce que les nouvelles mesures décidées par le gouvernement sont viables ?

En l'état, c'est difficile à dire. La dette est énorme, et les intérêts ne font que l'augmenter. Actuellement, 8% de cette dette représentent en fait les intérêts que nous devons payer, 20% du PIB sont consacrés au seul remboursement des intérêts. C'est considérable, et cela va empirer. Il n'y a pas de solution viable sans une réduction substantielle du poids de cette dette. C'est pourquoi la décision prise le 21 juillet par les responsable européens d'élargir les missions du Fonds européen de stabilité financière (FESF) allait dans la bonne direction. Mais elle est trop timide, car l'Europe essaie d'éviter d'aller jusqu'au bout de cette logique.

Pourquoi?

Pour différentes raisons. Pour l'Allemagne, il s'agit de calculs de politique intérieure. Pour la France, son secteur bancaire est très exposé. Or le mécanisme de soutien actuel ne suffira pas si tous les pays en danger comme l'Italie, l'Espagne, la Grèce et le Portugal y ont recours. Le coût en sera beaucoup plus élevé que ce qu'il y a sur la table. On ne parle plus de 300 milliards mais de 2.000 milliards d'euros. Pour autant, les Grecs doivent de leur côté comprendre qu'il est nécessaire de payer des impôts sinon la situation va empirer. On doit réformer en profondeur ce pays et j'approuve la nouvelle taxe immobilière. Pour la première fois, on impose le capital et non les retraites ou les salaires? En retour, je le répète, l'Europe doit aller au bout de sa logique car si elle n'aide pas la Grèce, la crise sera encore plus dure. Et au final, elle fera beaucoup de mal à tout le monde.

Justement, vous pensez que les Grecs vont accepter ces nouvelles mesures ?

Ces deux dernières années, la solidarité familiale et le bas de laine avaient pris le relais. L'explosion a été évitée. Aujourd'hui, il n y a plus de bas de laine et la famille est à sec. La situation est explosive.

Vous redoutez des émeutes comme en décembre 2008 ?

Les problèmes qui avaient déclenché les émeutes de 2008 étaient connus. Une fois les solutions trouvées, le calme est revenu. Si la crise explose aujourd'hui en Grèce, ce sera pire qu'en 2008.