Est-il encore temps de sauver l'industrie française ?

Par Les Arvernes  |   |  1037  mots
Il n'y a pas de pays fort sans une industrie forte. Or le pacte de responsabilité est à côté de la plaque, s'agissant de l’industrie. Par Les Arvernes

 Il n'y a pas de pays fort sans une industrie forte. Quoiqu'en disent les tenants d'une économie de purs services et sans usines, les Français l'ont compris et déplorent avec colère les effets dramatiques de la désindustrialisation qui a touché notre pays depuis une quinzaine d'années. Un million d'emplois industriels perdus, un déficit commercial chronique, des champions nationaux qui passent sous contrôle étranger, des pans entiers du territoire dévitalisés... Nul doute que le déclassement industriel pèse sur le sentiment de déclin ressenti par bon nombre d'électeurs et que l'incapacité des pouvoirs publics à y remédier suscite leur colère.

En septembre, François Hollande s'est félicité de son « bon bilan » en matière de compétitivité. Comme sur le front du chômage, une stabilisation de la dégradation peut être observée depuis quelques mois sur le front du commerce extérieur et des marges, mais une franche amélioration n'est pas pour demain. Comme l'explique P. Artus, notre tissu productif est durablement affaibli, incapable de concourir sur le marché européen et mondial face aux produits de qualité que nos voisins Allemands proposent, où aux produits de gamme inférieure offerts à bas coûts par les pays d'Europe du sud et par la Chine.

L'erreur du pacte de responsabilité

Le « pacte de responsabilité » (40 milliards d'euros par an de baisses de prélèvements sur les entreprises), très mal ciblé, a peu profité à l'industrie exportatrice et a raffermi les marges des entreprises de services qui étaient déjà profitables. En renforçant encore le secteur protégé de la concurrence extérieure, il affaiblit l'industrie, incapable d'offrir les mêmes salaires que dans les services pour attirer les talents.

En 2017, tout restera encore à faire pour espérer enclencher un renouveau industriel français. Mais n'est-il pas trop tard ?

La concomitance de l'entrée de la France dans l'euro et du début de la chute vertigineuse de notre industrie n'a rien d'un hasard. A l'orée des années 2000, les gouvernements successifs ont réuni avec méthode toutes les conditions pour un effondrement. Avec l'euro, la France s'est privée de l'arme de la dévaluation qui, malgré tout, avait contribué depuis l'Après-Guerre à préserver la compétitivité de notre appareil industriel face à une industrie allemande structurellement plus puissante. Certes, l'Allemagne a elle aussi dû composer avec une monnaie forte. Mais, contrairement à la France, elle a su depuis longtemps se donner les moyens d'une montée en gamme inéluctable, dont notre industrie s'est crue exonérée. Pire, les 35 heures (2002) se sont traduites par une hausse massive du coût du travail (alignement des SMIC) alors même que l'Allemagne s'engageait au même moment dans une politique incroyablement agressive de gel salarial qui a duré toute une décennie. Etouffée sur le territoire national, nos grands groupes industriels n'ont trouvé leur salut que dans une relocalisation de nombre leurs sites de production vers les pays à bas coûts.

Face à l'industrie allemande, un monstre d'efficacité

Rétablir une monnaie nationale est devenu impossible. Les coûts potentiellement dévastateurs d'une sortie unilatérale de l'euro, qui dépassent d'ailleurs le champ strictement économique, sont tels qu'il est à l'évidence déraisonnable de prétendre en prendre le risque. Reste donc à prendre l'exacte mesure des efforts considérables que nous devons entreprendre pour espérer redresser l'industrie française tout en gardant l'euro.

En prenant part à l'euro, la France a fait le choix d'exposer ses entreprises à l'appareil industriel le plus compétitif du monde. L'industrie allemande n'est pas un compétiteur comme les autres, elle est un monstre d'efficacité. Complètement réorganisée aux lendemains de la réunification, assise sur une chaîne de sous-traitance à l'échelle du continent et forte d'une décennie de gel salarial qui a rétabli les coûts à un niveau très compétitif, bénéficiant d'un euro sous-évalué pour elle (de 20% selon le FMI) elle est en mesure aujourd'hui de rivaliser avec l'industrie chinoise à la première place des exportations mondiales ! Prétendre « copier » l'Allemagne, comme le font bon nombre de responsables politiques qui ne prennent qu'insuffisamment la mesure des efforts titanesques à produire, a donc quelque chose d'un peu ridicule. Et pourtant, c'est le défi qui nous est lancé.

Aller bien au delà du CICE

Pour réindustrialiser la France, il faut aller bien au-delà de l'usine à gaz technocratique du CICE. C'est une véritable révolution économique qu'il convient de mener pour remettre nos entreprises à l'offensive. Il nous faut, sans complexe, adapter le modèle allemand à notre économie : mettre la formation professionnelle au cœur du système éducatif, constituer un réseau dense de solidarités territoriales tout entier destiné à souvenir les industries régionales, recréer un lien fort et durable entre les banques et les grosses PME, faire du dialogue social un instrument de modération salariale favorable à la compétitivité, structurer les filières industrielles pour établir des relations saines entre grands groupes et sous-traitants et maîtriser les couts non-salariaux. Ce dernier point est central et est trop souvent ignoré. Les coûts cachés pour l'industrie liés au manque de compétition dans les services et l'énergie peuvent être réduits par une politique volontariste de libéralisation. Les coûts fonciers et immobiliers appellent   une remise à plat générale de la fiscalité du secteur.

L'amélioration des perspectives pour l'industrie française depuis 2012 n'est pas suffisante pour impulser une vraie dynamique de ré-industrialisation. En adoptant l'euro en 1999, la France s'est privée de l'instrument d'ajustement qui lui permettait de faire face à la concurrence allemande en Europe tout en préservant son modèle social.

Il faut enfin prendre conscience de ce défi redoutable. Peut-il être relevé ? Il faut au moins essayer de nous en donner vraiment les moyens. A défaut, la France disparaîtra de la carte des puissances industrielles, mise en orbite dans la chaîne de sous-traitance allemande. Il faut dire cette vérité aux Français.

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d'essayistes et d'entrepreneurs