N'est pas le Baron Haussmann qui veut !

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  1003  mots
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En 2007, Nicolas Sarkozy promettait déjà une France de propriétaires. Pour cela, il avait multiplié les effets d'annonce pendant sa campagne et accumulé au cours de son mandat la création de nouvelles niches immobilières : déduction d'impôt pour intérêts d'emprunt, Loi Scellier, soutien public aux promoteurs dont beaucoup ont failli sauter lors de la crise financière de 2008. Si on doit juger un homme politique à son efficacité, force est de constater que dans ce domaine, elle a été nulle. Pire, il est largement démontré que l'augmentation de l'argent public consacré au logement -il est passé de 32 à 41 milliards d'euros entre 2007 et 2011- a fait monter les prix en solvabilisant une demande qui sinon n'aurait jamais pu acheter. Soit l'effet inverse de celui recherché.. Depuis quinze ans, quelle que soit le mode d'intervention de l'Etat, les prix n'ont cessé d'augmenter en France, pour atteindre, notamment dans les zones les plus tendues (Paris, Ile-de-France, zones touristiques) des records historiques. A Paris, le prix moyen au mètre carré atteignait fin 2011 8360 euros ! Si l'Etat avait fait la preuve de sa capacité à réguler les prix, quels qu'ils soient d'ailleurs, cela se saurait...
La cause de cette situation est bien connue : on ne construit pas assez, non seulement dans la capitale, où la spéculation bat son plein avec le soutien de la demande étrangère, mais plus globalement, partout où les besoins augmentent. Depuis 2007, c'est pitié de le constater, la situation s'est même aggravée avec la crise. Par rapport à la demande, il manque 1 million de logements en France. Et, avec la hausse des prix et la stagnation du pouvoir d'achat, les ménages modestes et les primo-accédants sont de facto exclus de la propriété immobilière ; quand ils se rabattent sur la location, c'est pour avoir affaire à des bailleurs de plus en plus gourmands, qui appliquent des « prix de marché » totalement déconnectés de la réalité sociale du pays.
Dans le parc social, la situation n'est pas meilleure : l'idée un moment envisagée de permettre aux locataires HLM de devenir propriétaires a fait long feu, et la file d'attente s'allonge chaque jour pour accéder à ce parc. Ne parlons pas enfin du logement intermédiaire, le grand oublié, comme le sont les classes moyennes. S'il y a depuis la loi SRU des obligations, très mal respectées au demeurant par les villes les plus riches, de construction de logement sociaux, ces contraintes ne concernent pas le parc moyen qui souffre d'un gigantesque déficit. Pourtant, toutes les collectivités locales savent que la question du logement est devenue cruciale pour l'attractivité d'un territoire et le dynamisme d'un bassin d'emplois. Les gigantesques embouteillages à la périphéries des grandes métropoles sont devenus un poison quotidien en bonne partie causés par la paralysie du marché immobilier. Ajoutée à la flambée du prix des carburants, qui risque de s'amplifier avec la barre des 2 euros le litre de super en ligne de mire en 2012, la ponction exercée sur le pouvoir d'achat des plus modestes est de moins en moins supportable. C'est la triple peine : des logements chers, souvent éloignés du lieu de travail et un budget carburants en forte hausse.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant de voir tous les candidats (ou présumé tel s'agissant du chef de l'Etat) faire assaut de propositions nouvelles et détonnantes sur le logement. Tous tournent autour d'une même idée : libérer du foncier, ou de la "constructibilité", pour augmenter le nombre de logements disponibles et donc faire pression sur les prix. Ce pari peut-il marcher ? En théorie oui, à moyen terme. A condition que tous les acteurs jouent le jeu : or, les collectivités sont très réticentes, droite et gauche confondu, à l'idée d'appliquer la proposition de Nicolas Sarkozy d'autoriser une augmentation de 30% du coefficient d'occupation des sols. Cette mesure laisse aussi dubitatifs les promoteurs immobiliers. Qui imagine que nos villes vont soudain voir s'ériger des tours de 50 mètres ou plus.
Faire baisser le prix de l'immobilier ne se décrète pas. D'abord, c'est risqué pour l'économie, les Etats-Unis en savent quelque chose, eux qui ne parviennent pas depuis 2007 à stabiliser le prix des logements. L'Etat ensuite ne peut en la matière agir que par incitations. Encore faut-il trouver les bonnes. Nicolas Sarkozy, qui dénonce aujourd'hui la « perfusion » dont a fait l'objet ce secteur depuis des années, oublie un peu vite qu'il en a été l'un des principaux... promoteurs. Il ne lui est certes pas interdit de reconnaître son erreur, même sur le tard. Quand à François Hollande, son projet en matière de logement demeure on ne peut plus flou et son efficacité est tout autant discutable, même si les intentions sont bonnes. On sait qu'un blocage des loyers peut geler le marché pour longtemps, attisant la pression sur les logements disponibles. Demander à l'Etat de libérer gratuitement ses terrains disponibles est bien gentil, mais outre la perte de recettes que cela représenterait pour le Trésor public (Sarkozy propose lui des baux emphytéotiques de 99 ans), il est probable que cela soit impossible sur le plan juridique, dans la mesure où le Domaine public risque de s'opposer à ce que le patrimoine de l'Etat soit bradé. L'engagement visant à renforcer les sanctions financières sur la construction de logement sociaux en portant à 25% leur nombre pour favoriser la mixité est un v?ux pieux inspiré par la Fondation Abbé Pierre (qui réclame 30%). Déjà, que l'on fasse en sorte de respecter le seuil de 20% partout... Quand au doublement annoncé du plafond du Livret A, qui favorisera les épargnants aisés, son impact sur le parc HLM est incertain, puisque déjà aujourd'hui, la CDC n'arrive pas à prêter de façon rentable la collecte actuelle au service du logement social et est obligée de trouver d'autres finalités. Bref, n'est pas le Baron Haussmann qui veut !