Pour qui sonne le froid

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  591  mots

Le rendez-vous approche. » Dans un long entretien au Figaro Magazine de samedi, Nicolas Sarkozy prépare son entrée en campagne pour la semaine du 20 février. L'UMP serait en train de réserver une série de salles, dont le Stade de France Saint Denis pour un grand meeting de 60 à 95.000 personnes « à côté duquel le discours de François Hollande au Bourget passerait pour un meeting de salle des fêtes » (sic), dixit la rumeur. Espérons pour les militants que le climat polaire qui s'est abattu sur la France et sur toute l'Europe sera achevé d'ici là. En attendant, le froid s'est invité par effraction hier dans le débat présidentiel, à la faveur de la visite du président de la République à Fessenheim, où il est allé confirmer le maintien en production de la plus ancienne centrale française et attaquer de nouveau le projet de François Hollande d'arrêter 24 réacteurs. "Ce serait une folie pour l'emploi et l'indépendance énergétique de la France", a-t-il lancé à des ouvriers transis (de froid), mais conquis...
Ironie de l'histoire, juste de l'autre côté du Rhin, l'Allemagne qui a annoncé sa sortie définitive du nucléaire après Fukushima, est obligée de produire plus d'électricité pour répondre à prix fort à la demande française ! Il y a même eu la rumeur (fausse apparemment) d'une réactivation d'urgence des réacteurs qui font partie de la « réserve froide » maintenue en service outre-Rhin. Une chose est sûre, le froid est un business lucratif pour nos voisins. Le prix marginal du mégawattheure a fait un bond mercredi à 1938,50 euros (contre environ 200 euros en période normale) sur le marché de l'électricité alors que la consommation française a battu son record historique. La situation s'est légèrement détendue avec le léger réchauffement ce jeudi, mais les Allemands avaient de quoi pavoiser. Non seulement ils nous battent à plate couture sur les marchés extérieurs (avec un écart de 220 milliards d'euros entre l'excédent commercial allemand et le déficit français), vendent plus de voitures et même plus de lait que nous. Et voilà que désormais ils se mettent à nous exporter de l'électricité, alors qu'ils abandonnent le nucléaire pour basculer à grande échelle vers les énergies renouvelables... Ce n'est pas la peine d'être le champion mondial du nucléaire civil pour en arriver là. Néanmoins, l'humiliation française est à relativiser. Car pour produire l'électricité qu'ils nous vendent, les Allemands sont obligés de faire tourner à plein régime leurs centrales au fuel, au gaz et au charbon, donc d'émettre de gigantesque quantité de carbone. Pendant ce temps là, la France produit de l'électricité nucléaire juste à la frontière du Rhin, dans une centrale de Fessenheim dont les écologistes dénoncent la vétusté et qu'il faudra bien fermer, ou remplacer un jour... Le froid qui s'invite dans la campagne électorale française en réactivant le débat sur la place du nucléaire dans notre production énergétique ne pourra pas être sans conséquence sur la politique énergétique allemande où les élections auront lieu dans un an.
La France qui se chauffe pour le tiers de son besoin en résidentiel à l'électricité n'a évité le « black-out » que grâce à la bonne coordination européenne en important auprès de ses principaux voisins. Et encore, heureusement que les voitures ne sont pas toutes électriques...
pmabille@latribune.fr