Les banques françaises à l'aube d'une vaste restructuration

Par Pascale Besses-Boumard  |   |  1069  mots
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Les établissements français vont devoir tirer les leçons de la crise de ces trois dernières années. Leur cours de Bourse constitue l'une de leurs principales faiblesses. Cette réorganisation pourrait passer par un rapprochement de leurs activité d'investissement, sous la houlette des politiques.

Jamais campagne électorale n?aura autant mis en lumière le secteur de la finance. Il faut dire qu?entre la crise des subprimes en 2007, le dépôt de bilan de la banque américaine Lehman Brothers en 2008 et la crise de la dette des pays européens depuis deux ans, les Français ont pris l?habitude de se lever tous les matins avec l?assurance de découvrir de nouvelles catastrophes financières soit pour les Etats, soit pour leurs banques, sans parler des scandales des bonus mirifiques de certains traders ou du salaire hors norme de banquiers ayant laissé exangue les établissements qu?ils dirigeaient.
Dans ce contexte pour le moins électrique pour tous les établissements bancaires (certains journaux n?hésitent plus à qualifier ces professionnels de «banksters »), il ne fait aucun doute qu?un remodelage du paysage actuel s?avère inéluctable.

Réfléchir à un nouveau périmètre

Et ce, pour deux raisons :
D?abord parce que la réflexion déjà menée en Grande Bretagne et aux Etats-Unis dans le cadre des lois Vickers et Volker ne peut être repoussée d?un revers de la main par la France. Vu les difficultés connues par les plus grands noms du secteur ces dernières années et le niveau de risque que fait toujours encourir certaines activités, ces banques vont bel et bien devoir revoir le périmètre de leurs différentes branches.

L?interdiction d?opérer des activités de trading pour compte propre comme le propose la solution américaine serait, certes, la plus indolore pour tout le monde. Le projet de séparer les activités de détail de celles de banque d?investissements, comme l?évoque la solution britannique, est d?une autre dimension. Et impliquerait une très profonde refonte de la structure de tous les établissements français, de leur façon de travailler et de leurs schémas sociaux. Raison pour laquelle, les dirigeants actuels s?arqueboutent plus que jamais sur les vertus du modèle de banque universelle.

« Cette hypothèse suppose en effet une vaste réorganisation au sein des banques. Et pose de nombreuses questions. Quel découpage opérer entre les différentes activités, comment, avec quel statut juridique pour les entités séparées ? Sachant qu?une telle décision impliquerait de nouveaux schémas de gouvernance et pourrait faire naître des déséquilibres temporaires ou structurels », estime Rémi Legrand, associé chez Eurogroup Consulting, pour qui cette séparation serait encore plus délicate pour les groupes mutualistes aux organes décisionnels très complexes.

Des cours de Bourse calamiteux

Deuxième raison à cette inévitable reconfiguration : les cours de Bourse de tous les acteurs du secteur. Tous les titres bancaires sont effectivement aujourd?hui à la cave. Si l?on regarde leur performance sur cinq ans, ils perdent tous entre 60% et 80%...Le crédit Agricole, par exemple, entré en 2001 sur la base de 17 euros ne vaut plus que 3,65 euros après en avoir valu jusqu?à 33. Société Générale n?est pas mieux lotie du haut de son titre à 17,40 euros après des sommets à 143 euros. Les capitalisations boursière de tous ces mastodontes se sont donc dramatiquement affaiblies (BNP Paribas ne vaut que 36 milliards, Société générale, 14 milliards, Crédit Agricole 10 milliards et Natixis 7,2 milliards). Fragilisant ces anciennes vedettes de la cote. Un risque que ne pourront ignorer les futures instances dirigeantes du pays et qui devra être prioritairement réglé sous peine de voir des fonds vautours ou exotiques s?emparer de paquets de titres suffisamment importants pour imposer leur vues stratégiques.
« Les banques doivent impérativement restaurer leur image. Pour ce faire, il leur faut d?ores et déjà réfléchir à une refonte de leur modèle. Celle-ci pourrait passer par des rapprochements d?activité. Pourquoi pas de leurs branches BFI. Ce rapprochement serait l??uvre d?une volonté politique forte », assure Rémi Legrand. On peut aussi imaginer des processus de restructuration à l?international recadrant les ambitions desfFrançais à l?étranger.

De l?avis de cet expert, si reconfiguration il y a, elle devrait très certainement se faire à l?échelle nationale. Les autres établissements bancaires européens ont déjà fait le plein d?acquisitions. Ils sont, de toute façon, eux aussi dans la tourmente de la crise de l?euro et ont d?autres chats à fouetter. A commencer par les banques italiennes et espagnoles. Quant aux allemandes, elles n?ont jamais vraiment eu d?ambitions hégémoniques en France.

Une nouvelle montée du risque serait intenable

Une chose est sûre : les établissements bancaires ne pourront pas subir de plein fouet un nouveau coup de grisou sur leur cours de Bourse. Une nouvelle montée du risque ne sera pas tenable. Et la meilleure façon de régler de tels problèmes est bien évidemment de les anticiper. D?où le besoin urgent de restructuration de tout le tissu bancaire français. Et ce d?autant plus que ces groupes doivent faire face à de nouveaux challenges. Au premier rang desquels la volonté manifeste des assureurs de se positionner sur le marché des crédits aux entreprises, comme le démontre l?initiative de Groupama qui vient d?annoncer la création d?un fonds commun de titrisation à cet effet. Initiative susceptible de faire de nombreux émules. Il y a aussi toute la problématique du paiement sans contact, via smartphones. Ce sujet préoccupe d?autant plus les banquiers qu?il est susceptible de leur échapper compte tenu de l?efficacité et la rapidité de réaction des acteurs en présence.

Otages des nouvelles macro-économiques

En attendant cette restructuration, les titres bancaires sont plus que jamais les otages des différentes annonces macro économiques en provenance de Bruxelles, Francfort ou Londres. Leur sensibilité à toutes les problématiques d?endettement, obligataires mais aussi politiques leur confère aujourd?hui une volatilité hors norme. Volatilité qui contribue d?ailleurs à leur mauvaise réputation, les gérants de portefeuille fuyant les valeurs les pus instables. « Il est sûr et certain que les politiques ne pourront laisser en l?état une telle instabilité. Et c?est sous l?impulsion politique que la restructuration sera opérée », lance l?associé d?Eurogroup Consulting.