En attendant l'iPhone 6

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  458  mots
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L'Iphone 5 bat tous les records de commandes. Et pourtant il ne présente pas de caractéristiques extraordinaires. La puissance de l'image d'Apple joue à plein. Trop?

Deux millions d'iPhone 5 ont donc été réservés en vingt quatre heures. Soit 23 chaque seconde. A, disons 4 à 500 euros l'unité pour simplifier, cela fait un petit milliard de chiffre d'affaires en une journée. C'est beaucoup, c'est un record. Et si c'était trop ? Après tout, les observateurs éclairés de l'Applesphère, les technophiles les plus fanatiques de la Pomme ont reconnu que ce smartphone ne présentait pas d'innovations exceptionnelles.
A ce niveau d'adoration, on ne parle plus d'effet culte mais de compulsion collective. Et alors ? On pourrait effectivement juger oiseux de s'interroger sur ce dépassement des frontières. Tout juste serait-il légitime de questionner, comme l'on fait certains ces derniers jours, cette folie consumériste qui rendrait le débat sur l'obsolescence programmée ...obsolète. Les objets high tech n'auraient ainsi même plus besoin de tomber en panne technique puisque la pression de la nouveauté les mettrait en panne de désir.

Le risque de préemption du territoire de l'innovation

Bien sûr, peu de marques ont comme Apple le pouvoir de générer une tel phénomène. Il n'empêche. En s'imposant ainsi, en touchant au stade ultime du marketing, la firme californienne ne fait pas seulement du chiffre d'affaires et les profits qui vont avec. Elle préempte aussi une bonne partie du territoire réservé à l'innovation. Impossible en effet, face à cette déferlante de se battre, sinon à armes égales, en tout à cas avec une vague chance. Ce n'est certes pas le problème d'Apple. C'est celui de ses grands concurrents qui, dans bien des cas sont obligés de proposer peu ou prou des me-to products - l'exemplaire manifestation de cette réalité s'est concrétisée par la bataille judiciaire à laquelle se livrent l'américain et le coréen Samsung - mais c'est peut-être aussi à terme celui des consommateurs. Car qui nous dit qu'Apple, dont l'image s'est en grande partie construite sur cette capacité d'innovation formidablement marketée, est encore et restera pionnier, audacieux en la matière. Et contribuera à faire du bien au monde comme Steve Jobs ne cessait de le répéter.

On touche là à une matière molle que l'arsenal anti-monopolistique américain, à l'efficacité souvent redoutable, ne sait pas combattre. Comment - et faut-il - s'en prendre à une domination par l'image? Question iconoclaste, prématurée ?, qui sera peut-être résolue par un pouvoir qu'Apple a fortement contribué à développer : celui des utilisateurs, contestataire ou pas, qui se développe au travers de l'Internet, des réseaux sociaux... Celui-ci reste aujourd'hui très Apple addict. Mais la versatilité appartient à son ontologie. L'iPhone 5 apparait à l'évidence comme un excellent smartphone. L'iPhone 6 devra peut-être être plus que cela.