Pourquoi Google ne sera pas pigeonné

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  598  mots
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Les Pigeons avaient saisi leur clavier pour lancer leur campagne anti- taxation des plus-values, Google a pris sa plume pour écrire au gouvernement et s'alarmer d'un projet de taxe....Google. Le moteur de recherche, qui rappelons-le contrôle 90% du marché français, estime qu'il ne « ne peut accepter que l'instauration d'un droit voisin pour le référencement de sites de presse français mette en cause son existence même et serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français ». En d'autres termes, il met explicitement en garde les autorités françaises qui ont reçu une demande des éditeurs visant à instaurer une sorte de droit d'auteur sur les lectures d'articles par un internaute passé par le moteur de recherche. Une idée qui s'inspire du projet de Lex Google allemand.
Rien à voir avec les Pigeons? La célérité avec laquelle Bercy a répondu à cette mise en garde - le cabinet de Fleur Pellerin, la ministre de l'Economie numérique, doit recevoir des représentants de Google France ce vendredi - montre en tout cas que le sujet est pris au sérieux. Un sujet qui par ailleurs ne doit rien en matière de complexité à celui des plus-values de cession.

On peut juger légitime un partage de cette création de valeur
L'argument de Google : nous redirigeons « 4 milliards de clics par mois vers les pages internet des éditeurs ». Une contribution majeure à leur audience, donc à la monétisation de leur site. Des éditeurs qui de leur coté alimentent gratuitement le business du moteur américain. La poule, l'?uf ... l'?uf, la poule.
On peut juger légitime un partage de cette création de valeur. Mais voilà. Comment l'estimer, cette valeur ? Google est un outil gratuit, mondial, dont les ressources sont multiples, les éditeurs de presse sont dans leur immense majorité en situation de grande faiblesse et se débattent pour construire des modèles économiques viables. Et la plupart d'entre eux ont besoin de Google, en tout cas dans le modèle actuel, alors que celui-ci est parfaitement armé pour engager un bras de fer comme il l'a fait en Belgique.
La difficulté, comme toujours lorsqu'il s'agit d'économie numérique, est qu'on y navigue sur un terrain à la fois neuf et extrêmement mouvant. Son histoire a à peine quinze ans et la technologie ne cesse d'évoluer. Il est sans frontières, soumis à des règles différentes suivant les pays.
Et puis, comment règlementer cet écosystème si particulier : on a là un fournisseur, les éditeurs, qui alimentent gratuitement un diffuseur, Google, qui lui-même redistribue gratuitement l'information vers les mêmes éditeurs...
Enfin, il ne faut pas être grand exégète de la mentalité du business américain pour imaginer les réactions de l'état-major de la firme en son siège de Mountain View face à cette offensive : « a tax, you mean a tax ? ». Il n'y a pas d'illusion à se faire. Google ira à l'affrontement. Jusqu'à ce que son business soit véritablement menacé. On se souvient de l'ardeur avec laquelle Microsoft s'était battu contre les attaques qu'il avait subies en Europe. Il avait fallu des années pour le faire plier à l'issue de multiples procédures lancées au niveau de Bruxelles. Quand on sait le peu d'entrain avec laquel les membres de l'Union avancent sur le chemin de l'harmonisation fiscale, songer à une position commune sur une taxe Google, ou tout autre forme de régulation de ce business majeur de l'univers Internet semble un rien déraisonnable...