Changement d’ère en Europe

Par Philippe Mabille  |   |  694  mots
C’est une technique bien connue des fabricants de rasoirs : « La première lame tire le poil, la seconde le coupe avant qu’il ne se rétracte. »

François Hollande, qui vient de subir avec la gauche la plus cuisante défaite électorale à des élections municipales, peut s'attendre à une réplique du même ordre aux élections européennes du 25 mai. En nommant, dès lundi, Manuel Valls, son ancien concurrent à la primaire socialiste, à la tête du gouvernement, il tire sa dernière cartouche et prend le risque de se couper définitivement non seulement de sa majorité, mais aussi de ses électeurs de 2012.

Les Français se souviendront longtemps de la première lame, incarnée par les 681!jours passés à Matignon par Jean-Marc Ayrault!: un choc fiscal sans précédent, un discours orienté sur l'austérité budgétaire au point d'éclipser toutes les mesures sociales du début du quinquennat, il est vrai peu lisibles.

Valls, ouvre une nouvelle étape pour la France, mais aussi pour l'Europe. La chance du nouveau et jeune Premier ministre est d'arriver dans un contexte économique moins dégradé. Certes, les comptes publics de la France sont encore dans un mauvais état. Les déficits restent largement en dehors des clous et l'objectif d'un retour sous les 3% du PIB promis en 2015 semble inatteignable. Mais même faible, le vent de la reprise commence à souffler et, à condition de ne rien faire pour l'étouffer, les années 2014-2015 devraient voir la croissance se redresser, ce qui finira bien par avoir un effet sur l'emploi.

Valls, ouvre une nouvelle étape pour la France, mais aussi pour l'Europe. La chance du nouveau et jeune Premier ministre est d'arriver dans un contexte économique moins dégradé. Certes, les comptes publics de la France sont encore dans un mauvais état. Les déficits restent largement en dehors des clous et l'objectif d'un retour sous les 3% du PIB promis en 2015 semble inatteignable. Mais même faible, le vent de la reprise commence à souffler et, à condition de ne rien faire pour l'étouffer, les années 2014-2015 devraient voir la croissance se redresser, ce qui finira bien par avoir un effet sur l'emploi.

La deuxième inflexion est européenne. Le gouvernement aura à « convaincre l'Europe » que la contribution de la France «!à la compétitivité et à la croissance doit être prise!en compte dans le respect de nos engagements », comme l'a énoncé François Hollande lundi 31 mars. En clair, la France va tenter de renégocier le calendrier de son programme de stabilité budgétaire, déjà reporté de deux ans par Bruxelles.

La réaction de la Commission européenne est pour l'instant sans appel. Pas question d'accorder à Paris un nouveau sursis, qui serait un mauvais signal adressé aux pays qui ont fait, eux, des efforts de réformes dont ils commencent d'ailleurs à tirer les bénéfices. Si l'Italie de Matteo Renzi peut se permettre un peu de relance, c'est parce que le pays a retrouvé un excédent primaire de son budget. Si l'Espagne est redevenue compétitive, c'est parce qu'elle a accepté une dévaluation interne salariale à laquelle la France a jusqu'alors (heureusement) échappé.

L'austérité à tout prix ne devrait toutefois pas résister aux prochaines élections européennes. C'est le pari fait par François Hollande qui, avec Michel Sapin aux Finances (le good guy, chargé de rassurer sur la mise en oeuvre des économies promises) et Arnaud Montebourg à l'Économie et à l'Industrie (le bad guy, toujours prompt à taper sur l'intransigeance de Bruxelles), propose un attelage certes improbable, mais de nature à mettre la pression sur la prochaine Commission. Une chose est sûre!: l'enjeu des élections au Parlement européen va nécessairement se repolitiser, pour forcer un débat sur la réorientation des politiques économiques en faveur de la croissance et de l'emploi. Même la BCE est en train de prendre conscience du risque de déflation. Pour la France, c'est l'heure de vérité, mais avec la montée du vote en faveur des partis populistes, chacun comprend que c'est aussi celle de l'Europe qui se joue sous nos yeux. Sinon, c'est la crise sociale assurée et, à terme, une menace pour la démocratie que l'abstention massive des électeurs français à des élections locales ne fait que préfigurer.