Loi Macron : Bercy… pour ce moment !

Par Philippe Mabille  |   |  742  mots
Le projet de loi Macron nous promet un débat à couteaux tirés, quand le texte arrivera devant le Parlement, à partir du 22 janvier prochain
La loi Macron vue par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

La loi Macron « pour l'activité et l'égalité des chances économiques » fait beaucoup de bruit et c'est tant mieux car c'est exactement le but recherché. Faire passer si possible bruyamment, le message, à Bruxelles, aux marchés, aux Français, que la France se réforme enfin ! Même si c'est à petits pas et à petites touches... Il suffit de voir combien ce texte provoque de hurlements, à gauche, qui trouve que c'est trop, à droite, qui trouve que ce n'est pas assez, ou bien chez les professionnels concernés qui crient au crime contre les professions réglementés, pour trouver immédiatement cet Emmanuel Macron bien sympathique.

Voilà un homme qui, propulsé à la tête d'un ministère de l'économie, cherche, en desserrant un écrou ici, en faisant tourner un levier là, à libérer l'économie, à stimuler l'investissement et à développer l'emploi. Non mais rendez-vous compte, mais quel scandale ! Le travail le dimanche, « une régression sociale » que combattra Martine Aubry, « au plan national comme dans (sa) ville »... Passer de 5 à 12 dimanche travaillés par an dans les zones touristiques, sur proposition du maire, avec une compensation salariale obligatoire, Macron lui, y voit « une avancée sociale ». Il est soutenu sur ce point par 6 Français sur 10. Mais la vérité oblige à souligner qu'ils sont tout aussi nombreux à ne pas vouloir travailler le dimanche !

La France à l'heure de la réforme..

Alors donc, il faut le faire taire, ce « banquier », entend-on dans les rangs de la gauche frondeuse, qui a déjà préparé son contre-projet. Quoi Macron, c'est tout ce dont il est capable, le jeune prodige de la finance, se plaint-on à droite. Et voilà l'UMP qui brocarde la mollesse de la loi concoctée par le zélé rapporteur de la commission Attali commanditée par Nicolas Sarkozy, dont les propositions ont été vigoureusement et systématiquement enterrées par la droite au pouvoir à l'époque. Pour la droite, le changement, ce n'est pas maintenant !

Tout cela nous promet un débat à couteaux tirés, quand le texte arrivera devant le Parlement, à partir du 22 janvier prochain, avec une belle bataille d'amendements sur la centaine d'articles que compte le texte. Travail du dimanche assoupli, lutte contre la rente indue de certaines professions réglementées (notaires, professions du droit), justice prud'homale professionnalisée, transport par autocar pour concurrencer le train... Pendant quelques mois, la France vivra à l'heure de la réforme, de la micro-réforme, certes, mais de la réforme quand même.

...ou d'une illusion de réforme ?

La gauche menacera de ne pas accorder de majorité à ce texte « libéral », et obtiendra quelques aménagements visibles. Pour éviter de « changer de société » comme le dénonce la maire de Lille, pour contourner l'opposition de celle de Paris, on transigera à 6 ou 7 dimanches, peut-être 8, au lieu de 12 et on encadrera la mesure pour la rendre la moins efficace possible, afin de démontrer que cela ne marche pas, que ce que l'on consomme le dimanche, on ne le consommera pas le mercredi. Et tant pis pour les touristes chinois.

A droite, au contraire, on jouera la surenchère, en réclamant des mesures plus radicales, par exemple la fin des 35 heures auxquelles, lorsqu'elle a été au responsabilités, de 2002 à 2012, elle n'a surtout pas voulu toucher. Les professions du droit, qui manifestaient encore cette semaine leur opposition au texte, pèseront, en coulisse, pour déshabiller encore un peu plus un texte déjà très en-deçà de ce qui serait nécessaire pour ouvrir ces métiers à la concurrence.

Bref, au cours de l'hiver et jusqu'au printemps, la France vivra un moment de grâce, pendant lequel tout ce bruit politico-médiatique créera l'illusion d'un instant de réformes. Le gentil gouvernement Valls dira à Mr Bruxelles : « vous voyez bien que j'essaie de réformer ». Mr Bruxelles répondra alors : « c'est bien Mme la France, de faire des efforts. Tenez bon, et pour vous aider, on ne va trop vous embêter avec vos déficits ». Finalement, tout ce bruit et cette fureur arrangeront bien François Hollande, qui passera pour un président courageux, entravé par un pays décidément réfractaire aux réformes. Et puis fragile, si fragile. Il ne faut trop le bousculer, il pourrait se réveiller, le mort... Et à la fin, une fois le texte ou ce qu'il en restera adopté, on pourra remercier Emmanuel Macron : « Bercy pour ce moment ». Et bon dimanche !