Les Français veulent juger Macron sur ses actes

Par Robert Jules  |   |  701  mots
Le président dispose d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, qui lui permet de mener sa politique sans obstacle majeur. Mais une majorité d'électeurs se sont abstenus, ne choisissant pas entre adhésion et opposition au programme à venir. Un scepticisme attentiste qui relève davantage d'un choix assumé que d'un désaffection pour la politique.

Le second tour des législatives dimanche a achevé une longue séquence électorale de plus d'un an qui a considérablement modifié le paysage politique sous l'impulsion d'Emmanuel Macron.

L'une des particularités du scrutin de dimanche est son taux record d'abstention : presque 57%. Nombre de commentateurs voient dans cette désaffection un danger pour notre démocratie. Un tel danger est à relativiser car cette abstention doit être analysée à l'aune de cette séquence exceptionnelle qui a conduit à un changement profond de la vie politique française

Au delà des habituels abonnés absents qui ne votent pas par principe ou par simple désintérêt, ces électeurs absents manifestent un attentisme intéressé à l'égard d'Emmanuel Macron, perçu comme ayant réalisé une performance inouïe mais qui inquiète. Nombre de Françaises et de Français n'adhèrent pas au projet et à ses inconnues mais veulent toutefois essayer en jugeant sur pièces.

Le nombre de sièges de LREM inférieur aux évaluations des sondages

Aussi ceux qui s'empressent d'enrôler ces abstentionnistes sous la bannière d'un rejet du projet présidentiel vont un peu vite en besogne. Si c'était le cas, ces électeurs seraient revenus en nombre pour soutenir les autres candidats.

Une frange a d'ailleurs suivi cette voie comme en témoigne le nombre de sièges de LREM inférieur aux 400 à 450 sièges que lui prédisaient les sondages. Ce qui a profité à la droite. En obtenant 126 sièges, LR, et son alliée UDI avec les DVD, devient la première force d'opposition. Seul problème qui devra se régler sous peine de créer des divisions : la coexistence de deux lignes politiques, l'une pragmatique, prête à voter les projets de loi qui vont dans leur sens, l'autre plus idéologique, qui entend s'opposer à la majorité présidentielle.

Avec 46 sièges, le PS et ses alliés le PRG et DVG ont le même problème que LR, partagés entre ceux qui se veulent ouverts et ceux qui se situent dans l'opposition. Mais leur poids ne leur permet plus d'influer réellement sur la politique qui sera menée.

Des tribuns comme Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin

Tout comme d'ailleurs, FI, 16 sièges, qui pourra compter sur des tribuns comme Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin pour se faire entendre, ce qui devrait au moins considérablement augmenter l'audience télévisée des séances de questions au gouvernement. Quant au PCF (10 sièges) et au FN (8 sièges), ils n'auront en l'état pas de possibilité de composer un groupe indépendant avec les avantages inhérents, notamment en terme de temps de paroles.

Bruxelles se rappelle au souvenir du président

Le président Emmanuel Macron dispose donc d'une majorité absolue pour pouvoir mener à bien son programme, avec 319 sièges sur 577 sièges. Il n'a même plus besoin de son allié, le Modem, qui en obtient 42.

Pour autant, si le président a peu d'obstacles pour développer sa politique, il n'est pas devenu roi de droit divin. Ainsi, Bruxelles lui a rappelé dès ce matin la nécessité d'avoir un déficit public inférieur à 3% du PIB à la fin de l'année, sous peine de pénalités.

De même, les corps intermédiaires n'ont pas disparu depuis dimanche, et les 319 élus LREM ne sont pas un troupeau de moutons. Leur diversité pourrait même faire naître des courants différents, au fur et à mesure des prochaines années.

L'électeur veut être maître de ses choix

Enfin, les Françaises et les Français ont montré qu'ils n'hésiteraient plus à « dégager » ceux qui ne se mettent pas au service du pays. Ils ne manqueront pas à le lui rappeler à la première occasion, en particulier s'il n'obtient pas de résultats probants sur le terrain de l'économie, en particulier en matière de création d'emplois. C'est peut-être la leçon de cette campagne, l'électeur n'entend plus se laisser dicter les mots d'ordre, il veut être maître de ses choix. Ce qui est rassurant pour la démocratie.