« Panama papers » : tout finit par se savoir

Par Philippe Mabille  |   |  755  mots
L'affaire #Panamapapers qui défraye la chronique depuis la publication simultanée dimanche 3 avril, par plus de 100 journaux du monde entier, d'une liste de détenteurs connus de comptes offshore dans des paradis fiscaux n'en finit plus de faire des vagues.

Issue d'une « fuite » géante dans les archives d'un cabinet d'avocats panaméen, Mossack Fonseca, ces révélations ont jeté en pâture aux opinions publiques les noms d'une dizaine de chefs d'État, de milliardaires connus, mais aussi de grands noms du sport et de célébrités qui ont eu recours à des montages extraterritoriaux.

Première « victime », Sigmundur Davíð Gunlaugsson, le premier ministre islandais, a démissionné mardi 5 avril, après des manifestations monstres. Bref, c'est une bombe à fragmentation qu'ont lancée sur la finance internationale les quelque 300 journalistes qui ont travaillé de concert sur les 11,5 millions de documents récupérés par le consortium international des journalistes d'investigation.

On se souvient de la phrase culte de Nicolas Sarkozy, prononcée en 2009 à l'issue du G20, en pleine crise financière internationale : « Les paradis fiscaux, c'est fini ! »

Pas tout à fait, en fait, et la France a décidé dès mardi 5 avril de réinscrire le Panama sur la liste des États et territoires non coopératifs sur le plan des échanges d'informations fiscales, alors qu'il en avait été retiré en 2012 sous... Nicolas Sarkozy.

"C'est une bonne nouvelle"

Le ministre des Finances Michel Sapin a promis une réponse ferme, avec des enquêtes et des redressements fiscaux pour les contribuables français qui auraient réalisé des opérations d'évasion ou de fraude fiscale. Bref, comme l'a dit avec cynisme François Hollande, « c'est une bonne nouvelle que nous ayons connaissance de ces révélations, parce que ça va nous faire encore des rentrées fiscales de la part de ceux qui ont fraudé ». Et il n'a pas manqué de rappeler qu'en 2015, la lutte contre la fraude fiscale avait déjà permis de récupérer 12 milliards d'euros.

Pour le système financier international, l'affaire sonne comme un électrochoc. C'est la fin de la garantie d'opacité dont bénéficiaient les clients de ces sociétés offshore. Le paradis (fiscal) n'en est plus un si des lanceurs d'alertes sont ainsi en mesure, à tout moment, de révéler de façon aussi massive les noms de ceux qui y ont recours. Pour des affaires fondées sur le secret, on fait plus discret... D'un certain point de vue, ces révélations font penser à l'affaire Ashley Madison, lorsque des hackers ont dévoilé, en juillet 2015, 37 millions de profils piratés d'un site de rencontres extra-conjugales américain. On ne sait pas combien de divorces ont été provoqués par cette fuite massive, mais une chose est sûre, ceux qui y avaient recours vont sans doute réfléchir à deux fois avant d'utiliser ce genre de service. Bref, dans le monde actuel, il semble que tout finisse toujours par se savoir, pour ceux qui jouent avec les limites.

Effet de dissuasion

La révélation des « Panama papers » pourrait ainsi servir de dissuasion et d'avertissement pour tous ceux qui veulent dissimuler leur fortune. Un coup terrible pour la réputation de discrétion des paradis fiscaux, bien plus mortel que toutes les réunions internationales qui ont tenté, sans grand succès, de les éradiquer depuis dix ans.

Pour autant, il serait naïf de penser que c'en est fini de ces eldorados de la fiscalité (très) douce. Mais avec la menace de voir leur nom divulgué, ceux qui les utilisent vont devoir faire preuve de beaucoup plus de précaution, et donc la pratique sera à l'avenir plus complexe et plus coûteuse qu'auparavant. Si tous les clients de la société panaméenne ne sont pas forcément des fraudeurs ou des criminels - les sociétés-écrans qu'ils détiennent pouvant avoir été déclarées et servir à des opérations légales, par exemple acquérir un bien ou réaliser une opération financière -, il n'en reste pas moins que la plupart de ces montages ont bien pour objectif d'échapper à l'impôt.

Fraude ou évasion fiscale ? Il appartiendra aux fiscs des 200 pays concernés par les 214.000 entités extraterritoriales qui figurent dans les « Panama papers » de faire le tri et d'engager les poursuites. Le fait que de nombreux proches de chefs d'État, voire des chefs d'État eux-mêmes, figurent dans la liste en dit néanmoins long sur le degré de corruption et de pillage économique dont sont victimes un grand nombre de pays autoritaires. Quant à savoir si, oui ou non, comme en Islande, ces révélations auront des conséquences politiques, cela reste à confirmer.