Le rôle de l'Etat français dans la future gouvernance d'EADS : de nombreux enjeux stratégiques

Par Piaffe, ancien cadre supérieur d'Aerospatiale et Airbus  |   |  708  mots
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Réflexions d'un ancien cadre supérieur d'Aeropsatale et Airbus France qui pense connaître le dossier EADS mais tient à conserver son anonymat.

Le processus de redistribution du capital d?EADS a abouti. Saluons d?abord une bonne nouvelle, le départ prochain des deux actionnaires "dits de référence", Lagardère et Daimler qui ont de tout temps montré peu d?intérêt pour la mission qui leur avait été confiée en 2000 à la création d?EADS, à l?exception d?une plus value chacun de 1 milliard d'euros en 2006 sur la vente d?une partie de leurs actions !! Notons cependant que Lagardère a souvent laissé faire pendant que Daimler veillait à la présence de dirigeants issus de sa société aux postes clefs opérationnels d?EADS : présidence à Cassidian et Eurocopter, présidence Airbus puis EADS, Finances, Industrie, Achats à Airbus...

40 ans d'investissement de l'Etat français

Sans revenir sur le passé qui avait fait considérer à cette époque la société Aerospatiale infréquentable parce que nationale, on se doit rappeler que c?est le leadership de cette société et les investissements de l?Etat français pendant plus de 40 ans qui ont principalement permis à Airbus au moment de la création d?EADS d?être l?égal de Boeing dans la construction aéronautique civile. C?est tout cela qui a été offert au Groupe Lagardère en 1998, à EADS en 2000. Aujourd?hui, on ne peut que se réjouir d?une forme de retour à la raison de l?Etat allemand avec sa décision d?entrer au capital d?EADS, car Aéronautique, espace et défense constituent bien une industrie souveraine par leurs enjeux sur de nombreux plans (technique, industriel, commercial, emplois,?).

Quelle place pour l'Etat français dans EADS

Dans ce contexte, il nous parait regrettable pour les Etats actionnaires et leurs contribuables que le siège juridique d?EADS reste situé aux Pays-Bas (sans doute des raisons fiscales !!!) et ait obligé (dit-on ??) en outre à réduire de 15 % à 12 % le droit de vote de l?Etat français au sein de cette grande société au travers d?un montage tarabiscoté. Nous pensons essentiel que l?Etat français, fort de ses apports réels à la création d?EADS et de sa présence historique à son capital, se doit de participer activement aux travaux du futur conseil d?administration d?EADS. En particulier il sera important :
? de veiller à la mise en place au conseil d?administration d?EADS, de représentants de l?Etat français ayant démontré par leur expérience la connaissance de cette industrie à long cycle afin de s?assurer de la justesse des principaux choix stratégiques et industriels (notamment, lancement de nouveaux programmes, sous-traitance hors Europe et adéquation charges internes / compétences, ?) et de limiter ainsi les risques de catastrophes comme celles rencontrées sur les Programmes A380 et A400M.
? d?engager une réflexion au niveau du conseil d?administration visant à confirmer que Toulouse restera le centre de gravité de tous les programmes Airbus présents et futurs, en particulier celui de leur conception et développement - ce n?est une attitude ni anti-allemande, ni anti-EADS mais simplement la reconnaissance de son expérience et de ses compétences et aussi l?économie d?inévitables coûteux doublons -, d'examiner le positionnement des activités d?aérostructures, qui font partie du c?ur de métiers d?Airbus et qui pour certaines en ont été écartées par le plan Power 8.

Airbus, la, priorité

Notre préoccupation première est Airbus qui représente près de 70 % des activités EADS, mais n?oublions pas les autres activités d?EADS, l?espace, malgré les conclusions de la dernière réunion ministérielle de Naples sur le successeur d?Ariane 5 et la défense, sans en omettre Dassault et Thales, qui doivent bénéficier d?un soutien sans relâche et sans complexe de l?Etat français, "vrai actionnaire de référence" d?EADS. Voilà des préoccupations concrètes pour l?avenir de notre pays, de ses emplois et de sa balance commerciale qui nous paraissent s?inscrire tout à fait dans le pacte de compétitivité lancé récemment par le Gouvernement et largement inspiré du Rapport de Louis Gallois, ancien Président d?EADS.